Un homme se présenta face à un pupitre, un micro pointé sur son visage.

 Le public qui faisait face à l’estrade écouta le discours du Président d’une oreille expectative.

 … Ce qui s’est passé est le résultat d’un groupe fanatique, emprunt à commettre toutes sortes de crimes odieux au nom de leurs croyances, quelles qu’elles soient. Il ne faut néanmoins pas succomber à la moindre peur…

 La foule sembla conquise par ce discours, une pluie d’applaudissements ponctuant son éloquence. Le Président reprit une fois le calme retrouvé :

 … Nos heures sombres sont derrière nous. Aujourd’hui, notre cité est bien plus forte et soudée qu’elle ne l’a jamais été. Nous ne laisserons aucune menace nous atteindre, ni même nous affaiblir au point de n’être plus que des âmes en proie au mal…

 Le discours se termina sous une pluie d’applaudissement. Le Président se pavana durant de longues minutes sur l’estrade, saluant son public avec entrain.

 En quittant la scène, deux gros bras en costumes noirs l’accompagnèrent jusqu’aux loges. En chemin, ils se rendirent compte de la présence de Lonee, patientant seul, les mains derrière le dos. Alors le Président demanda à ses hommes de lui accorder un instant, et s’approcha du ministre.

 — Vous êtes déjà parvenu à trouver qui est derrière tout ça ? demanda-t-il à Lonee en dénouant légèrement sa cravate. Mais à voir votre visage, le contraire me paraît plus évident.

 Le ministre ne rétorqua pas sur sa remarque.

 — C’était un discours intéressant, dit-il finalement, arborant un sourire compatissant.

 — C’est donc la raison de votre venue ? Vous n’aurez qu’à remercier la personne qui me sert d’auteur. Il sera probablement touché de l’entendre.

 — J’ai recruté un agent pour cette mission.

 — Vous avez fait appel à cette fameuse liste ?

 — Elle regroupe tous les agents capables de travailler dans l’ombre, et sans poser de questions.

 — Vous êtes bien conscient que le résultat de cette enquête pourrait faire ressurgir certaines choses ?

 — Rien qui ne pourra jamais nous nuire. Vous pouvez me faire confiance.

 — Et qu’en est-il de l’agent à qui vous avez remis l’enquête ? Ce job lui paraît satisfaisant quant à sa situation ?

 — L’homme que j’ai affilié à cette mission ne posera aucun problème. Il y a juste à espérer qu’il parvienne à trouver le tireur sans que ça ne s’ébruite trop.

 — Il ne serait bon pour aucun de nous d’avoir à justifier les méfaits d’un foutu fanatique. Le peuple nous fait encore confiance, ne perdons pas cela. C’est de cette confiance que la cité parvient à prospérer. Sans ça, les habitants s’entretueraient jusqu’à mettre un frein à l’humanité. L’homme subsiste du grand froid par nos soins. Le dôme ne fait que nous retenir, rien de plus. Ce que nous avons obtenu, en outre… ce dogme que semble vénérer l’homme est bien plus robuste encore que les parois en verre qui structurent cette cité. Alors, tachez d’y veiller, et d’être bien attentif à ce qui se trame autour de nous.

 — Bien, Monsieur, s’inclina Lonee en se pinçant les lèvres. J’avais toutefois prévu de suivre chacun de ses mouvements… au cas où.

 — C’est ce que j’attends de vous.

 Les deux hommes prirent un temps de pause où, l’un comme l’autre put constater avec quel enthousiasme le public s’était enivré du discours. Leurs exclamations enivrées résonnaient jusqu’à eux.

 — Entendez comme le peuple croit en ce qu’on a bâti, déclara le Président. Et en ce qu’ils pensent être juste. C’est là la meilleure motivation que vous puissiez jamais entendre. Alors enivrez-vous en, et déguerpissez d’ici, j’ai encore à faire.

 Lonee conserva son calme.

 — Personne n’a jamais pensé que ce rôle était une tâche aisée, s’amusa à dire le Président qui renoua finalement sa cravate. Espérons nous revoir lorsque tout ce merdier sera réglé.

 En disant ces mots, l’homme tourna les talons pour regagner sa loge. Lonee n’eut pas le temps de le saluer qu’il se retrouva seul, proche de l’estrade où les acclamations perduraient.