Chapitre 3

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Le poste de la Division 6 grouillait de toute part.

 L’équipe de jour s’était déjà mis en place lorsque Cleve entra. L’arum du café emplissait les lieux, alors constitués d’un ensemble de bureaux ouverts en son centre, où étaient entassés un grand nombre d’agents. D’autres offices, plus grands, surplombaient les quartiers sur une ample mezzanine.

 Cleve monta pour frapper à la porte du chef de sa section. En l’ouvrant il constata la présence d’Hegel, le visage à la verticale devant une pile de feuilles. Un sentiment exacerbé paraissait à travers son teint pâle. En bout de table, une tasse de café fumant emplissait la pièce par son goût amer.

 — Assis-toi, déclara l’homme, le visage consterné. Ne reste pas figé là sans parler, ça me stresse.

 Alors Cleve s’assit dans le silence. Hegel lâcha une feuille qu’il tenait entre les mains afin de prêter plus attention à son agent.

 — Ta mission… raconte-moi.

 — Ma mission, ou alors le rendez-vous que j’ai eu avec Lonee ?

 — Je ne comprends pas, rétorqua le chef du S.A.D. T’as rencontré le Ministre de l’intérieur ?

 En signe de confusion il se gratta le visage, puis plissa frénétiquement les yeux. Sur quoi, Cleve reprit :

 — À l’entendre, tu l’aurais vu avant moi. (Il se racla la gorge) Il y a une semaine, j’ai été contacté par son secrétaire qui disait vouloir me divulguer une information. En me rendant dans les locaux j’ai été reçu directement par Lonee. Là, il m’a donné la localisation du manoir.

 — Je pensais que cette information venait de tes recherches ? demanda le chef en laissant échapper son stylo des mains pour se frotter le visage.

 — De toute façon ça n’a mené à rien. Si ce n’est au cadavre de plus d’un junkie.

 — Et cette rencontre alors ?

 — Il me propose d’enquêter sur l’assassinat des trois Ministres…

 Aussitôt, Hegel fit signe à son agent de fermer la porte. Après l’avoir claquée, Cleve s’enquit d’entendre ce qu’avait à dire son chef. La pièce close, celui-ci put s’exprimer plus clairement :

 — Tu comprends bien que personne ne doit être au courant de ça ?

 La consternation paraissait sur le visage d’Hegel qui s’enfonça dans son siège. La structure grinça sous son poids.

 — Si ça peut te rassurer… reprit-il avec plus de fermeté dans la voix, ça ne m’arrange pas non plus. Il y a tout un merdier à respecter, pour qu’enfin on vienne nous retirer un agent de nos services… et ça pour une durée indéterminée. Évidemment, cela ne dépendra que de toi, et du temps que tu passeras à résoudre l’enquête.

 — Si toutefois je l’accepte, renchérit-t-il, se sentant maintenant à court d’arguments. Ce que je n’ai pas encore fait. Mais je suis rassuré de voir que tu as déjà été mis au courant.

 — Avant le recrutement d’un agent il leur faut obligatoirement l’accord du chef de section. C’est ce qu’il y a de plus factuel. Le reste ne regarde personne d’autres qu’eux.

 — Et si je refuse ?

 — À toi de voir. Rien ne t’y force, tu as raison. Cependant, si tu acceptes, et je te conseille de le faire, il faudra que tu travailles en free-lance.

 Sans en comprendre la raison, Cleve se sentit submergé par l’angoisse. Alors il souffla du nez et hochait la tête en écoutant son chef parler.

  — Je connais bien Lonee. Il ne donne pas sa confiance comme on l’accorde à un membre de sa famille. Il lui faut des preuves, et de la loyauté. Ce que tu as, et dont tu as fait preuve jusqu’à maintenant.

 Un silence pesant parcouru la pièce, comme prisonnier du temps.

 — Tu n’es pas son premier choix, reprit Hegel alors que son agent persistait dans son mutisme. D’autres avant toi ont été présélectionnés.

 — En aussi peu de temps ? Comment aurait-il pu faire une recherche en une nuit ?

 — C’est simple, poursuivit Hegel. Cette recherche, ça fait plus d’un an qu’il l’a faite. Je n’étais pas censé en parler le jour où j’ai été contacté à ton sujet. Sur le moment, j’ai été aussi surpris que toi maintenant. Non pas que je sois insatisfait de ton travail. Mais du fait que l’armée prévoit des agents en cas de crises diplomatiques.

 — Opérer dans l’ombre ? Quelle différence cela fait-il avec nos méthodes habituelles ?

 — Aucun communiqué de presse, pas de coéquipier et surtout, aucune paperasse encombrante. Tu es libre d’agir comme bon te semble. Le tout, c’est le résultat !

 — Et avec ça, un silence absolu sur l’enquête, au risque de s’attirer le courroux de nos dirigeants.

 — Tu sais que tu as parfaitement le droit de refuser. Je ne verrai d’ailleurs aucune objection à ce que tu fasses l’impasse dessus… Dans le cas contraire, j’ai pensé à Jenner comme agent principal pour l’enquête sur le Lerguole. Elle n’en sera pas à sa première fois en tant que superviseur. Je ne pense pas me tromper en lui faisant confiance. Elle a suffisamment d’expérience, et les autres agents semblent à l’aise pour travailler sous ses ordres.

 — J’ai le sentiment que vous êtes persuadé que je vais accepter l’offre de Lonee, je me trompe ?

 — Le choix est déjà fait. Tu n’as pas besoin de transparence pour que je sache ce qui se trame dans ton esprit.

 — Toutefois, si cela peut m’empêcher d’avoir à travailler en binôme, ça me convient parfaitement.

 Le chef sourit.

 — Tu devrais apprendre à déléguer, déclara-t-il à son agent qui se renfrogna à cette idée.

 Après quoi, Cleve regagna son bureau et, une fois la porte fermée, abaissa le store de moitié. Du tiroir de son bureau il sortit une bouteille de Genn Cove, un scotch amer qui avait la particularité d’effacer les tracas du quotidien. Mais il n’eut cependant pas le temps de la déboucher que Jenner entra sans frapper, et fit apparaître par l’ouverture un visage bienveillant.

 — T’es occupé ? lui demanda-t-elle, un large sourire se dessinant sur son visage. J’ai besoin de toi pour un interrogatoire.

 Son collègue acquiesça quant à sa demande.

 En se dirigeant vers la salle d’interrogatoires, Jenner s’assura que Cleve ait les premiers détails concernant le suspect. Vers huit heures, ce matin, un individu attira l’attention d’une patrouille par son attitude erratique. Après examen rapide, ils se rendirent compte qu’il était sous l’emprise du Lerguole. Il n’est pas bien difficile de l’identifier. Cette drogue, en plus de dilater les pupilles, donnait à l’iris une couleur argentée qu’on pouvait facilement distinguer sur la couleur d’origine. Lorsque la prise devenait trop courante, et en trop grande quantité, l’iris virait au rouge, ce qui était annonciateur d’une mort proche.

 Les premiers cas d’overdose remontent à dix-huit mois, ce qui fit accélérer l’enquête auprès de la Division. Les arrestations pullulaient, et les salles d’interrogatoires se remplissaient à une vitesse phénoménale. Puis est venu le jour où ils comprirent que tout cela était vain. Pour une raison encore inconnue, aucun consommateur ne parlait, demeurant ainsi dans le mutisme le plus total quant à ce trafic. Rien ne fuitait, pas un nom ni même une adresse. Néant. Ou comme simple explication certains parlaient d’une offrande. Comme si on leur en avait fait don. Sauf que depuis le début des investigations, aucune fabrique n’eut été découverte, ni même aucun trafiquant. C’était comme s’il n’y avait aucun réseau. Juste des consommateurs en demande croissante.

 Les interrogatoires furent bien souvent une source de conflits internes. Dans certains cas, l’anticipation se révélait être un frein pour les deux partis. Mais avec suffisamment d’entraînement, un bon agent pouvait moduler l’esprit d’une personne, et fouiller dans sa mémoire en quelques questions intrusives. Sauf que cette nouvelle drogue provoquait des lésions cérébrale, bloquant toute transparence.

 L’anticipation est une chose très simple et se fait en trois phases. La première consiste d’abord à prévenir l’arrivée d’une personne. La seconde, une fois le contact visuel établi, permet de connaître à l’avance les prochains mouvements que cette personne exécutera – ce qui joue principalement sur la subjection théorique. Puis enfin, la troisième et dernière insuffle la pensée. Celle-ci est essentiellement une pensée courte. Mais avec un interrogatoire malléable il est possible de manipuler un esprit fébrile. Celui qui anticipe peut arriver à contrôler ses pensées. Et lorsqu’une substance néfaste bloque tout aspect à l’anticipation, c’est là qu’on fait appel aux Bluer.

 — Voilà le dossier, dit Jenner dans la précipitation en plaquant une pile de feuilles reliées sur le torse de Cleve. Pour le topo, on l’a trouvé dans la matinée, sous l’influence du Lerguole. D’après les résultats du labo, son analyse de sang n’était pas bonne.

 — Une surconsommation ?

 — Ce qui n’est pas bien étonnant avec ce qu’on a trouvé sur lui.

 — Comment ça ?

 — Il détenait une quantité anormale de cachetons.

 — Uniquement du Lerguole ?

 Jenner opina en signe d’affirmation.

 Ces consommateurs n’avaient jamais en leur possession plus de deux doses. Et jusqu’à présent, la principale inquiétude de la section fut d’avoir à découvrir un trafic plus important. Le Lerguole est une drogue bon marché, ce qui pouvait engendrer un réseau bien plus vaste, et des cargaisons plus importantes. Tout cela en résulterait d’une masse plus conséquente de consommateurs.

 — Il semble délirer par instant. Mais je pense qu’il est encore possible d’en tirer quelque chose. Il va juste falloir que tu te grouilles.

Cleve se sentit décontenancé.

 — Tu penses qu’il rentre dans la troisième phase, demanda-t-il lorsqu’il s’arrêta devant une porte close.

 — Aucune idée. À toi d’en juger !

 Jenner lui tapota l’épaule comme pour le pousser vers la salle d’interrogatoire.

 Cleve entra.

 La pièce n’était pas bien grande et ne contenait que deux chaises se faisant face autour d’une large table.

 Dans un coin de la salle reposait un liseur de pensées. Cette invention n’eut jamais démontré de résultats très concluants. Et même si cela pouvait l’être, ce ne serait probablement pas recevable dans un tribunal. Mais toutefois, il était aisé de faillir un esprit faible en lui faisant penser le contraire.

 L’homme disait s’appeler Jazz. Ses cheveux gras, plaqués en avant grâce à une sorte de pate cirée, dégageaient une forte odeur, un parfum qui faisait corps avec l’exhalaison émanant de ses vêtements. Le junkie renifla à trois reprises, puis se mordit nerveusement les lèvres. Il observait Cleve qui venait s’asseoir face à lui.

 — Vous êtes nerveux ? demanda l'agent tandis qu’il dépliait le dossier en parcourant les premières pages.

 — J’ai de quoi l’être vous pensez ? répondit le suspect sans ciller.

 — Pas forcément.

 Il poursuivit sa lecture et énonça d’une voix monocorde :

 — On a retrouvé sur vous plusieurs doses de Lerguole.

 Cette annonce fit sourire le principal intéressé qui dévoila une dentition déplorable. La plupart de ses prémolaires étaient inexistantes, et une de ses incisives fêlées lui faisait ressembler à un corsaire.

 — Mais ce n’est pas tout, continua Cleve sur un ton tout aussi calme. Vous portiez sur vous une arme de classe C, ce qui est un délit très grave.

 Mais cela n’affecta pas l’homme qui s’agitait sur sa chaise comme un enfant.

 — Ce genre d’engins se trouvent encore dans le marché noir ? demanda l’agent. Je pensais qu’on faisait mieux aujourd’hui.

 En l’écoutant, le junkie arrêta de se dandiner.

 — Tu en es un, pas vrai ? demanda l’homme en se penchant du mieux qu’il le pouvait, retenu par les menottes qui reliaient ses mains à la table. Je pensais que ceux de ton espèce étaient tous morts.

 Il s’arrêta soudain, eut l’air d’hésiter et reprit enfin :

 — Il faut croire que les scientifiques disaient vrai. Les cafards résistent à tout.

 Ses yeux s’ouvrirent en grand, ce qui permit à Cleve de remarquer de fines traces rouges consteller ses globes oculaires.

 Puis il s’agitait de plus belle, sa chaise basculant d’avant en arrière, les pieds en fer claquant sur le sol avec brutalité.

 — Tu ne peux pas lire en moi, pas vrai ? s’enquit de demander l’homme. Comment savoir la vérité alors ? Que se passe-t-il dans l’esprit de ce bon vieux Jazz ?!

 Il semblait délirer.

 Un silence coupa court à la conversation. Cleve s’impatienta et savait que derrière lui, Jenner observait l’interrogatoire depuis la vitre tamisée. Et il tenta autre chose :

 — Le produit de synthèse agit actuellement sur vos synapses, ce qui provoque un affaiblissement neuronal. Les connections se ralentissent, et se font plus rares. Durant ce stade, les choses se passent généralement de cette manière ; ça commence avec des sueurs, puis des visions altèrent la réalité, ce qui fait plonger l’individu dans un délire profond. Voilà où vous en êtes à présent.

 Le junkie ne se laissa pas démonter, mais perdit son agitation.

 — Plus rien n’a d’importance, poursuivit l’agent. Vous vous sentez désinhibé. On s’imagine atteindre le nirvana. Mais avant que vous ne puissiez y arriver, c’est là que la dernière phase arrive. Et cette partie-là est bien moins jouissive. Vous ressentirez d’affreuses migraines. Ce sera comme un volcan en éruption. Puis du sang s’écoulera par tous les orifices, et j’ailleront comme des geysers.

 Cleve s’arrêta et observa le junkie avec beaucoup d’instance :

 — Tu chieras la pire diarrhée de ta vie. En général, on retrouve vos cadavres, recroquevillés sur une cuvette de chiotte.

 — Non !

 Le junkie respira difficilement.

 — Les choses ne sont pas comme tu l’imagines. La dernière phase n’est qu’une délivrance. Ce n’est pas la mort. Tu te demandes bien ce qui traverse mon esprit… pas vrai ? Mais tu n’as aucun moyen de le savoir. Retournes dans les égouts, avec les tiens.

 Un cracha s’échappa de sa bouche pour s’écraser en plein milieu de la table. Une auréole de salive, tachée de sang, s’étalait sous les yeux de l'agent, perdant ainsi patience :

 — Dis-moi juste qui t’a vendu cette merde. Si tu parles, je promets de te relâcher. Par contre je ne veux plus voir ta gueule dans le secteur.

 — De la merde, ouais ! Puis tu te trompes sur un détail.

 Cleve se mordit les lèvres.

 Jazz se balançait de nouveau sur sa chaise, mais plus calmement.

 — Je ne l’ai pas acheté, reprit le junkie.

 — Pourquoi je te croirai ?

 — Je l’ai déjà dit à tes collègues. Lis ce foutu rapport.

 C’était effectivement inscrit. Sauf que Cleve doutait de ces aveux. Cette surdose n’était pas habituelle. La seule solution pouvait être qu’il avait volé sa consommation à un autre junkie.

 — C’est l’offrande de Dieu, continua Jazz, toujours imperturbable. J’ai fait absolution de tous mes pêchés, et maintenant je suis prêt à m’en aller vers le nouveau monde.

 Cleve ne pouvait en entendre davantage, et se leva bruyamment de sa chaise qui grinça sur le sol.

 Contrairement à ce que pensait Jazz, l'agent ne quitta pas la pièce mais se dirigea sur la petite table qui faisait angle, là où se tenait le liseur de pensées. Pour lier le sujet à cette machine, il suffisait de placer sur lui un anneau métallique autour de son crâne. Une fois la machine enclenchée, l’anneau se resserrait pour prendre la forme parfaite du patient. Cleve lui, se relia à son tour en appliquant à ses tempes deux émetteurs. Ceux-ci se collèrent sans difficulté grâce à la surface collante au verso.

 Jazz parut se méfier. Un moment, il songea même à retirer ce stupide attirail de sa tête. Sauf que ses menottes l’en empêchait.

 — Ton équipement ne sert à rien, dit-il alors.

 Un ton ironique sonnait dans sa voix :

 — De toute façon je t’ai tout dit. Ma parole est d’or, contrairement à la tienne.

 Mais Cleve ne se démonta pas et démarra le processus. La machine s’alluma dans un sifflement, et un écran s’alluma sur lequel un cardiogramme se dessinait.

 — Arrête ça ! Je ne sais pas ce que t’essaie de faire, mais arrête tout de suite tes conneries mec !

 Son pou s’accéléra et il sentit le sang battre dans ses tempes. Alors l’agent lui empoigna l’avant-bras et remonta la manche de son sweatshirt. Dans l’une de ses nombreuses veines bleutées il implanta par injection le dispositif qui navigua ostensiblement le long de sa veine, comme parcourut d’une bulle d’air. Une fois le produit remonté à la jugulaire, les yeux de Jazz virèrent au noir, recouverts par un voile obscur. C’est alors que Cleve se relia à son tour au liseur.

 — Qui t’a refilé cette drogue ? lui demanda-t-il une fois encore, sans perdre patience.

 L’homme poussa de violents gémissements de douleurs.

 — Je n’en sais rien putain… je n’en sais rien !

 — Mauvaise réponse. Tu as encore une chance de sauver ta cervelle. Où t’as trouvé cette dope ?

 Jazz convulsa sur sa chaise en poussant d’horribles cris. De la salive s’écoula de sa bouche pour venir perler son menton. L’anneau se resserra pour contracter plus encore sa boîte crânienne. Le junkie beugla une sorte de grognement gutturale quand la souffrance devenait plus insupportable.

 — Je n’en peux plus… Arrêtes ça putain, arrête !

 La substance qui recouvrait ses globes oculaires s’échappa de ses yeux pour couler sur son visage meurtri. Cleve persista, persuadé d’en tirer quelque chose. Il en était convaincu, alors que de l’autre côté de la pièce Jenner reçu la visite de l’un de ses collègues, l’Agent Dunley. En assistant à la scène de torture, l’agent contesta ouvertement. Jenner tenta de le retenir quand ce dernier s’empressa de rejoindre l’interrogatoire afin de mettre fin à ce calvaire.

 Jenner laissa s’échapper un juron qui résonna dans la pièce exiguë.

 Dans la salle d’interrogatoires, Jazz hurlait de plus belle. Cleve se rapprocha du visage de l’homme pour voir apparaître une profonde souffrance s’emparer de lui. Puis la porte s’ouvrit dans un fracas, dévoilant Dunley, le front plissé et les yeux prêts à exploser, dévidant un regard empli de rage à l’attention de son collègue. La tête de Jazz se renversa en arrière. Cleve stoppa l’interrogatoire et quitta la pièce, furieux.

 À travers la vitre, Jenner eut l’impression que Jazz la fixait, celui-ci relevant doucement la tête, le regard fixé sur elle.

 — Vous ne trouverez rien, déclara-t-il alors dans une toux grasse.

 Un sourire sournois se dessina sur son visage crasseux, empli de perfidie.

 — Vous ne la retrouverez jamais, poursuivit Jazz. Le prophète se joue de vous. Et cette fois-ci, les cafards trépasseront !

 Sa tête vira de nouveau en arrière, et le junkie plissa les yeux avant de les fermer.

 En claquant la porte, Cleve repartit d’un pas ferme. Jenner quitta la pièce en hâte de sorte à le rattraper. Une fois à son niveau elle le saisit par l’épaule, et ce dernier se tourna face à elle.

 — Toute cette enquête ne mène à rien, déclara-t-il, irrité. Tu le sais aussi bien que le reste de la Division.

 — Arrêtes d’être défaitiste. On va bien finir par trouver un nouvel élément. Je sens qu’on se rapproche de quelque chose qui changera la donne. Fais-moi confiance !

 — Fais ce que tu as à faire. De toute façon ce n’est plus mon enquête. Elle va t’être confiée. Sers-toi de ton instinct ou de ce que tu veux, maintenant c’est toi qui tires les ficelles.

 Cleve regagna de nouveau son bureau sans se retourner.

 Jenner entra dans celui d’Hegel, la consternation affichée sur sa figure.

 — Comment avez-vous pu accepter que Cleve se retire de l’enquête ?!

 — Je suis ravi de constater votre dévouement pour vos collègues, agent Jenner. Toutefois, cette décision ne vient pas de moi, mais du Ministère de l’intérieur.

 En disant cela, le chef de la section pivota son cou de sorte à le sentir craquer, ce qui lui provoqua un bref soulagement.

 — En quoi le ministre s’intéresse à nous ? demanda Jenner, inquiète.

 — Cela ne concerne pas la Division, mais seulement Cleve. Vous comprenez ?

 — Pas vraiment. J’aurais aimé qu’on m’en parle.

 — Et pour quelle raison ?

 — Ça relève de la confidentialité, ou d’un truc dans le genre ?

 — Ne vous en mêlez pas. Et ne le prenez pas comme un conseil. On s’est compris ?

 Jenner ne répondit pas. Elle quitta enfin le bureau. Hegel se frotta nerveusement le visage, puis souffla bruyamment.

 Le calme revint doucement au poste.

 Dans son bureau, Cleve ferma un peu plus le store et sortit à nouveau la bouteille de scotch. Il s’installa ensuite sur son fauteuil pour remarquer un détail sur le plan de travail. Un dossier y avait été déposé. La pochette était de couleur bleu pâle et avait pour intitulée : Helice

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