Rottweiler

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— Méchant chien !

Pour mon retour sur terre, la terreur  de mon enfance attendait. Grave erreur, que tout paranoïaque devrait méditer. Méchant chien ! le chien du voisin véritable saucisse sur pattes, n'avait jamais eu que ce nom mélé d'une crainte méritée.

A peine Fluffie tombée dans le jardin, l'animal avait bondi, passant sous la clôture.

— Ouaf ! Ouaf !

Oh qu'il aime jouer à la baballe... Il est reparti avec moi dans la gueule, fier et agitant la queue. Je n'avais plus qu'à prendre mon mal en patience. Faire la morte pour ne pas trop l'énerver. Pour une Zombie, c'était hyper fastoche.

— Haaaa.... Je pendouillais, baveuse. Il finirait bien par se lasser. En attendant, il faisait le tour du quartier.

Arrivée à la décharge publique, tout de même, je commençais à douter. J'avais les jetons. Il y avait un grand Pow-Wow des mastards du voisinage, qui amenaient chacun leur tribut au boss, un gros molosse aux babines saillantes. En compagnie d'un os à moelle, d'un torchon, d'une moitié de pizza au chorizo et d'un exemplaire déchiré du Financial Times, je subissais l'examen nasal et soupçonneux d'un Rottweiler.

Méchant chien ! attendait, satisfait, haletant, tirant la langue et remuant la queue ;

— Oui, chef ! Vous êtes content, hein, chef ? Ouaf ! Ouaf !

Mais il mit bien vite sa caudale au repos, les yeux tristes, jappant amèrement. Le Rottweiler, sinon ça se saurait, n'était pas un être épris du sublime. En animal terrestre et gourmet, il détacha trois rondelles de chorizo, avant d'emporter son nonos et ses valets, me laissant en compagnie des cours de la bourse et d'un torchon.

Je n'allais tout de même pas pourrir dans une décharge, recouverte de détritus ? Grosse déprime. Je revis le visage de ma mère, et les paroles, réconfortantes, de mon père, me revinrent en mémoire.

— D'une certaine façon, rien ne peut t'arriver, même une balle perdue, une explosion thermonucléaire...

Il avait juste oublié de parler d' un petit détail. Les rats. Car justement, la nuit tombait, et ça commençait à grouiller de rats énormes aux yeux jaunes. J'eus une grosse pointe d'angoisse. Lorsque l'un d'eux approcha ses gros yeux, ce fut plus fort que moi, je me suis mise à grésiller, les bras et les jambes de Fluffie douce se sont mis à s'agiter frénétiquement, et je me suis mise à courir, remontant d'un coup sec la fermeture éclair de Fluffie, lissant ma pelisse baveuse.

Les rats s'enfuyaient, et j'eus l'impression de m'entendre rire, d'un rire méphistophélesque, lorsque courant dans les rues obscures, l'esprit grisé de sensations nouvelles, je sautais, tourneroulais, dans une joie sans bornes.

Frankenstein, jamais, n'eut été aussi heureux.

Il me semblait que je flottais, les lumières défilant à toute vitesse.

Lorsque je serai à la maison, j'entrerai sans que l'on me voie, et je prendrai un bon bain chaud avec des bulles, et je jouerai avec canard, mon petit canard jaune, comme lorsque j'étais petite, et puis après je dormirai, et rien d'autre n'aura d'importance, et demain sera un autre jour.

Le camion arrivait, m'éclairant de ses phares, et il klaxonnait, avançait vite, prenant tout l'espace devant moi. Le conducteur devait maintenir le poing sur l'avertisseur, le pied à fond sur les freins.

Je suis quantique. Il ne peut rien m'arriver, n'est-ce pas, père ?

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