Chapitre 16 L'hystérie d'une mère

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Lettre L De Rosalie de Parme au marquis de Lagandière


Mon amour !


Quelqu'un t'a dénoncé, quelqu'un t'a dénoncé ! Je t'écris depuis notre nid d'amour après une tempête dont je n'arrive pas à me remettre. Quel terrible drame qui vient s'abattre sur moi alors que tu n'es toujours pas auprès de moi ! Mais je ne peux t'accabler de reproches, tu as promis d'être là dans quelques jours et tu dois bientôt partir. Tu recevras cette lettre bien vite, j'ai payé une bonne pour l'envoyer au postier qui, Dieu merci, passait à ce moment-là. Je sommeillai sagement sur la couche inconfortable de la petite chambre lorsque j'entendis les portes de l'auberge claquer. Puis des éclats de voix fort aiguës, des cris de femme hystérique. Affolée, je me levai et tentai d'écouter à la porte. Je ne voulais surtout pas que l'on me remarque, que l'on me prenne pour une commère.

La femme, que j'identifiai comme ma mère cria : « Où est ma fille, dites-moi où est ma fille, vous ne savez pas ce que vous faites ! » Le pauvre aubergiste, un bonhomme aimable ne savait que faire. Sa femme le défendit avec ardeur et la menaça même de la faire sortir. Les quelques clients présents observaient la scène, interloqués, certains s'égayaient de la tenue très encolérée et grossière de ma mère. Ni l'aubergiste ni sa femme ne purent l'interdire de monter à l'étage : elle se précipita dans les marches, les jupes dans les mains et tambourina à la chambre que j'occupai. Elle hurla que je devais lui ouvrir, qu'elle était ma mère, que ma fuite méritait une punition très sévère. Angoissée, incapable de me défendre, j'ouvris la fenêtre qui donnait sur une petite cour mais la hauteur me fit peur. Je la laissai entrer. Maman me cria des injures, des phrases incompréhensibles entrecoupées par sa respiration rapide et saccadée. Je ne compris rien en ses mots, elle parlait très rapidement, plongeait son regard noir dans le mien, me posait des questions sans que je puisse m'expliquer. Je lui dis alors de se calmer. Nous nous regardâmes longuement puis elle fondit en larmes, toujours debout, refusa que je vienne la réconforter. Ce changement de comportement me choqua bien puisqu'elle reprit une expression encolérée et m'interrogea sur notre relation.

« Qu'as-tu fait avec cet homme ? Pourquoi as-tu désobéi à ton père, tu as pris un risque incommensurable! Maman, Dis-je. J'aime cet homme et je ne peux m'en séparer. Voilà tout. » Sur ces mots, Maman me questionna durement sur le contenu des lettres. Je lui demandai, l'accusai presque d'avoir violé notre intimité, ce qu'elle avoua aussitôt. Te rappelles-tu de nos premiers écrits ? Elle les avait déjà réceptionné afin de les lire, de vérifier chacune de tes expressions et des miennes aussi ! Je résistai en protestant que je t'aimais, elle fut prise d'une colère noire. Et cela me frappa. Je ne l'avais jamais vu de la sorte aussi agacée de mes sentiments que j'éprouve pour toi et son attitude était fort étrange. Elle a réagi telle une femme blessée, trahie et je dois te le dire, amoureuse. Si cela est le cas, je ne comprends pas. Elle te déteste depuis le premier jour, crache derrière ton dos et ose dire des choses horribles à ton sujet et elle décide du jour au lendemain de tomber sous ton charme ? Elle n'aurait pas tort, tu es un beau jeune homme, juste, calme mais cette dispute alla trop loin. Elle alla même jusqu'à taper des pieds alors qu'elle m'interdisait de le faire depuis mon plus jeune âge. Nous luttâmes toutes les deux dans cette chambre étouffante, je ne flanchai pas et je remportai enfin le face à face ! Je me souviens encore de ses paroles : « Tu as donc décidé de te fier à cet homme, soit, mais réfléchis aux conséquences."

Elle tourna les talons, fière et la tête haute, claqua la porte. J'entendis la femme de l'aubergiste proliférer des injures lorsqu'elle passa les portes puis plus rien. Encore bouleversée par cette confrontation, je réfléchis vite à ce que je devais faire dans les prochains jours. Hors de question de retourner au domicile familial, il fallait que je fuis de cette auberge où les domestiques risquaient de me tirer de force. Mais je n'avais aucun lieu où allait, j'avais quelques économies que j'ai – pardonne-moi – dérobé à Monsieur mon père, peut-être pas assez pour faire taire l'aubergiste et sa satanée femme. Grâce à une bonne amie, j'ai repris du poil de la bête et j'ai décidé de sauver notre amour. Personne ne pourra nous en empêcher n'est-ce pas ? Si je me rendais dans un autre lieu, je vous enverrais un petit bleu marin afin de t'avertir, je ne partirais point sans que tu me le dises, je suis désormais à tes ordres. Garde bien sûr le silence !


Je t'embrasse bien fort et te souhaite d'arriver bien vite dans notre nid d'amour. Je te donnerai de tes nouvelles quand je pourrais, le papier coûte si cher de nos jours !


Ta petite Lily.


Lettre LI Réponse du marquis de Lagandière à Rosalie de Parme


Ma petite perle,


Je t'écris pendant mon voyage, les soubresauts de la voiture ne me permettent pas de te faire valoir ma belle écriture mais heureusement, mes mots seront toujours très tendres envers toi. Nous nous sommes arrêtés dans une petite clairière, le postier m'ayant apporté ta lettre dans une discrétion tout à fait honorable. Nous en venons même à nous cacher pour le réception de nos écrits, ne trouves-tu pas cela outrageant ? Le jour sera venu où nous ne nous cacherons plus du regard des autres, je m'en fais la promesse, tes parents ne pourront rien contre notre amour. Je te rejoindrais bientôt dans cette petite chambre où tu dois t'impatienter, je suis navré de toute cette attente mais beaucoup d'affaires devaient rejoindre ma valise et quelques-unes devaient être réglées au plus vite. Ne t'inquiète donc pas, je serais auprès de toi dans quelques heures, ce n'est rien si tu savoures ma lettre et que tu la consomme lentement.

Je connais une cachette très gentille et sauvage où nous pourrons nous cacher plusieurs jours. C'est une ancienne cabane en bois encore entretenue par des forestiers que je paye à l'année afin de tenir le lieu sain et propre. Elle est petite mais confortable, laisse-moi t'en faire une description détaillée : l'abri se trouve dans une clairière, couvert par des arbres touffus et donc hors de portée des regards indiscrets. Il est plutôt haut, surmonté de colonnes de bois avec de petites fenêtres protégées de rideaux simples donnant sur une rivière située à quelques mètres de là. Nous montons grâce à une échelle solide et posons notre pied sur une terrasse très mignonne puis atteignons une porte en bois. À l'intérieur de la cabane, deux matelas confortables entreposés au fond, un placard à provisions à l'entrée. Nous bénéficions de la lumière naturelle, nous nous couchons au coucher du soleil. J'ai bien conscience que cela ne ressemble point à ce que tu as récemment connu : le luxe, le champagne, les dîners et la bonne tenue. Cela ne durera pas trop longtemps, nous trouverons un petit domaine que nous rénoverons à nos goûts, j'ai déjà prévu de demander à de braves gens de nous aider à nous loger.

Nous profiterons de notre amour dans cette cabane douillette et très simple. Il se caractérisera de tendres caresses, d'une passion fusionnelle ainsi que de découvertes excitantes. La nature posera son regard bienveillant sur notre couple et approuvera bien tout ce que nous entreprendrons. Allongés sur les coussins, nous nous livrerons à des actes adultes, intimes et amusants et il est évident que je te ferais connaître les merveilles de l'amour. Je te respecterai dans le moindre de tes désirs,si tu refuses, je ne te forcerai point à te livrer à moi. Tu es encore jeune et libre, c'est à toi de me donner l'autorisation de prendre soin de ton être. Hors de ces retrouvailles, nous discuterons beaucoup, confortablement assis sur nos couches, murmurant des bêtises, riant d'anecdotes, nous disputant sur des sujets sensibles et habituellement sages. Les débats seront très divertissants, nous ne nous ennuierons point ! Lorsque nous aurons épuisé tout sujet de conversation et que nos estomacs réclameront une autre nourriture que les sentiments, nous irons nous abreuver à la petite rivière et déguster les baies des buissons environnants. Les bourgeois adorent ces repas discrets en pleine nature, où l'air frais balaye délicieusement les cheveux des femmes, leur parfum violent et les lourdes jupes dont elles se parent. Repus, nous nous allongerons sur l'herbe fraîche et profiterons des instants ensoleillés.

Notre nid d'amour ne se construira pas tout seul et nous désirerons sans doute nous fiancer. Nos fiançailles se dérouleront près de cette rivière aux arbres garnis de merles et de rossignols au chant festif. Contrairement aux mariages habituels, nous nous unirons nus, comme les animaux, je baiserai ta peau douce et fraîche, frôlerai ta fine taille. Comme bague, une liane que je lierai autour de ton doigt et que tu ne devras jamais quitter. Tu feras de même avec moi et je t'en fais la douce promesse.


En attendant de te rejoindre, relis cela plusieurs fois pour faire passer le temps.


En t'aimant de tout mon cœur, Cédric.


Petit bleu marin De Rosalie de Parme à la duchesse de Galanta

Combien te dois-je pour tes loyaux services ? Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as effectué afin de nous unir, moi et Cédric. Quand pourrons-nous nous voir pour que je t'embrasse bien fort et que tu ais le privilège d'être témoin de mon union ? Maman n'a pas été très contente de mon choix mais peu importe, je suis heureuse. Je le regretterai sans doute plus tard puisque, malgré tout ce qui se déroule en ce moment, je tiens énormément à elle et Papa et je n'aime pas les voir ainsi tourmentés. Mais n'est-ce pas la meilleure solution pour leur faire comprendre que je ne veux pas d'un autre homme que ce cher marquis de Lagandière ? Je ne t'écris pas seulement pour te remercier de tous tes exploits, je veux aussi te dire que je m'apprête à fuir vers un endroit délicieux en compagnie de mon futur époux. Je suis actuellement dans une auberge (je ne te dis pas l'endroit, je te fais entièrement confiance mais sait-on jamais si ce petit bleu se perd) et je me prépare à fuir.


En t'embrassant,


Lily.


Petit bleu marin De la marquise de Souche-Parré à la marquise de Parois


Je tiens à vous prévenir que le couple est en route vers leur cachette. Ils vont bientôt partir de l'auberge où ils séjournent. Selon la bonne, dans une heure qui suit. J'ai demandé par quel chemin passaient-ils pour se rendre dans leur petit coin de paradis, nous avons tout ce qu'il faut pour mener notre plan à bien. Ce sera un véritable champ de bataille. Une calèche vous attendra devant chez vous, un cocher vous conduira au lieu dit.


Delphine.

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