Chapitre 17 Le choc

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Lettre LII Du marquis de Lagandière à la duchesse de Galanta


Ma très chère amie,

J'ai du prier Dieu moult fois pour m'avoir sauvé du terrible drame dont j'ai été victime. Je ne sais pourquoi je mérite ça et cela me met encore en rogne. Je n'ai absolument rien à me reprocher mais des individus de la pire race des malfaiteurs ont décidé de mettre ma vie et celle de ma bien-aimée en péril. Il faut que je vous narre pendant que mes émotions sont encore en train de me faire trembler.

Il y a eu une collision entre notre voiture qui nous transportait vers notre future habitation. Je ne sais qui a mis au courant ces assassins mais je jure sur tout ce que j'ai de plus cher en ce monde que je les retrouvais bien vite et que je les ferais condamner de la pire façon. Cette collision a eu lieu à une intersection. Le cocher n'eut point le temps de réagir et de nous prévenir quand soudain, une deuxième voiture nous percuta en plein fouet. La nôtre se renversa sur le flanc, Rosalie hurla, je tentai de la rassurer tant que je le pus. Les chevaux s'arrachèrent de leurs liens et s'enfuirent, apeurés par l'événement. Les secondes, les minutes, les heures s'écoulèrent jusqu'à ce que nous réussissions à nous libérer en brisant la vitre. Le cocher ne survécut pas et devant l'horreur des faits, je m'évanouis, ma petite Lily me secouant afin de me tenir éveillé. Avant de sombrer, j'entendis des murmures mais je ne pus savoir s'ils étaient féminins ou masculins. Je me maudis plus tard d'ailleurs de ne pas avoir su ce que j'avais intercepté mais je vis deux silhouettes noires s'enfuir.

Et comme par miracle, je me réveillai sur une couche entourée de monde. Je compris ce qu'on me disait, si j'avais mal, si je souffrais. On prit soin de moi mais prenait-on soin de ma petite Lily ? Autour de mes bras, des bandages ensanglantés où coulait encore cet affreux liquide. Je gémis de douleur lorsque le médecin serra encore un peu plus mes bandages afin que le sang ne déborde pas. J'eus des nouvelles de Rosalie quelques heures plus tard. Encore choquée par ce qu'il venait de se dérouler, elle me confia qu'elle ne croyait point en une banale collision. Je lui demandais sur quoi ses soupçons étaient fondés, elle me répondit que quelqu'un nous voulait du mal. Je pensais alors aux nombreuses maîtresses que j'avais laissé au palais romain, à toutes ces femmes qui souhaitaient ma mort...Seraient-elles mécontentes de quelque action que j'aurais fait à leur égard ? Je vous informe que nous ne quittons pas l'auberge avant quelques jours, nos blessures étant toujours très vives. Mais il va de soi que je m'interroge toujours sur ce mystérieux accident ainsi que sur ces deux personnes en noir. Le lendemain, je demandai prudemment à Rosalie si elle voulait m'accompagner sur les lieux. Elle rétorqua que nous ne pouvions rien y faire et que si nous déposions une plainte auprès de la maréchaussée, ses parents seraient forcément alertés et les miens dérangés. Comprenez-vous, je ne pouvais rester assis à attendre que mes blessures se pansent. J'insistai un peu pour qu'elle vienne me seconder, elle finit par accepter.

Nous nous rendîmes donc sur les lieux en voiture découverte, Rosalie souhaitant avoir une vue d'ensemble sur ce qui nous entourait, ce que je compris immédiatement. Il restait quelques débris des deux voitures et des traces de sang séchées du pauvre cocher décédé. Nous nous avançâmes jusqu'à l'endroit où la seconde voiture avait dérapé, nous ne vîmes aucune trace dans la boue, ce qui concluait que nous avions été attaqués. Cramponnée à mon bras, ma petite Lily murmura :
« Mais qui donc peut nous en vouloir autant ? Est-ce ma mère qui a commandité tout cela ? »
Je ne sus que répondre, pétrifié par son accusation. Je savais la mère furieuse de notre relation mais au point de vouloir faire une chose pareille à sa propre chair ! Je ne pus y croire, nous rentrâmes donc à l'auberge.

Je tiens à vous remercier de votre aide, j'ai celle que je voulais mais nous avons encore tant d'affaires à résoudre. En espérant que vous ne soyez pas derrière toute cette farce car les conséquences risquent d'être fort regrettables.


Bien à vous,


Cédric.


Lettre LIII De Rosalie de Parme à son amie Perrine


Si tu savais ce que j'endure en ces jours si malchanceux ! Je ne t'ai pas écrit, j'en suis navrée mais beaucoup de choses se sont déroulées depuis que nous nous sommes quittées à la sortie du couvent. Les souvenirs, les rires discrets malgré le regard torve des sœurs, les tâches collectives ne s'oublient point, nous avons construit moult souvenirs ensemble et j'en suis très heureuse. J'aimerai te revoir mais je crains que la situation actuelle m'empêche de venir te voir en ton domaine près de la côte. J'ai rencontré un homme exceptionnel, un jeune homme fiable et très gentil que Papa et Maman détestent bien. J'ai bataillé des jours, protesté, crié auprès d'eux pour leur faire comprendre que je n'étais en aucun cas en danger. Lorsque nous débutions une correspondance avec un garçon, nous jeunes filles sommes prudentes, réservées et attendons que ce dernier se révèle et fasse ses preuves. Il a été fort patient, attentionné et rassurant mais Maman ne l'entendit point de cette oreille. Je te résume les grandes lignes, n'ayant pas assez de temps pour tout te révéler, j'ai peur que chaque lettre que j'envoie soit entre les mains d'un domestique de Maman.

Oui, elle me cherche et nous avons fui dans une auberge après un malencontreux accident. Nous filions rapidement entre les bois pour rejoindre une adorable cabane appartenant à mon amoureux quand soudain, sortie de nulle part, une seconde voiture surgit d'un carrefour et nous percuta. J'eus la plus grande frayeur de ma vie, je crus notre dernière heure arrivée. Impuissante, incapable de faire quoique ce soit, tétanisée par le choc, je hurlai dans les bras de Cédric mon bien-aimé. Je m'éveillai la première, criai de l'aide puis me tirai de l'habitacle désormais hors d'usage. Ma tête tournait, le sang coulait le long de ma tempe, je ne pouvais l'arrêter ! Nous fûmes accueillis dans une auberge heureusement proche du lieu de l'accident, deux braves hommes transportant Cédric évanoui. On dut me porter aussi, je ne m'en souvins pas mais le médecin, à mon réveil, m'informa que j'avais fait une crise de nerfs très sévère et m'avait administré une tisane. Je retrouvai mon futur époux quelques heures après avoir été abrutie et pleurai contre lui. Il faisait de même, meurtri par ses blessures aux bras, je grimaçai aussi. Je n'avait pas trop d’égratignures mais le peu que j'avais me faisait assez mal.

Que d'aventures que voilà ! Nous sommes tous les deux très choqués et incapables de dire ce qui s'est passé ! J'ai interrogé Cédric sur les personnes qui pouvaient nous vouloir du mal, être contre notre union, il ne voulut d'abord point me dire à qui il pensait. Je le pressai de questions, insistai pour avoir une réponse, oh que j'avais peur à ce moment-là ! Il m'avoua qu'ils pensaient à deux maîtresses très proches de lui avant qu'il ne me rencontre. Ce fut un choc lorsque j'appris qu'il couchait avec d'autres femmes mais conservait ma rancoeur pour ne pas le perturber. Il me décrivit un portrait terrifiant : ces deux mignonnes se détestaient tellement qu'elles auraient été prêtes à s'allier pour compromettre notre amour. Nous ne sommes pas au bout de notre peine ma chère Perrine !
Je dois te laisser, Cédric me réclame auprès de lui.


En t'embrassant tendrement,


Rosalie.


Lettre LIV De la comtesse de Parois au marquis de Lagandière


Monsieur,


Voilà bien des semaines que je ne prends pas le temps de vous écrire mais ce que je tiens à vous révéler est grave.

J'ai appris par quelques personnes que vous aviez subi un terrible accident dans un chemin forestier. Fort choquée par la nouvelle, je m'informai un peu plus sans protester pour ne point trop montrer mon vif intérêt. Il va de soi que nous ne sommes plus trop amis mais je ne vous veux pas de mal et j'appris qu'une seconde voiture vous avait percuté avec à son bord une jeune fille. Je sais qui sont les coupables de cette collision et désormais je n'ai plus peur de parler et de dénoncer les malfrats qui ont causé cela. Après l'accident, j'ai reçu les confidences de la marquise de Souche-Parré, disant qu'elle avait, en compagnie de son amante la duchesse de Galanta provoqué un grave accident. Elle décrivait avec une fierté mal dissimulée comment elles s'y étaient prises puis leur fuite vers une vieille maison inhabitée. Elle n'a pas donné plus de détails mais je pense que cela suffit à les accuser de ce terrible crime.

Vous êtes une personne sensée Monsieur de Lagandière, je pense que vous avez du vous questionner sur cet accident surnaturel et surtout sur les auteurs de cette tentative de meurtre car il faut bien le dire, on a voulu vous assassiner ! Ces deux femmes ont monté un plan machiavélique afin de vous faire regretter l'amour porté pour une fillette. Peut-être aurais-je fait cela si la rancune s'avérait insupportable mais avec le recul, vous demeurerez toujours le maître des lieux et le prince du palais romain. Contrairement à ces dames, je me révèle être votre plus fidèle maîtresse et je vous supplie de me croire. Je vous apporterai la preuve que ce sont elles les perturbatrices de votre future union. Je suis en effet, contre que vous épousiez une petite de ce genre mais si cela est votre choix, je ne peux vous en empêcher. En les dénonçant, je vous sauve d'une vengeance patiemment élaborée visant à occire votre fiancée. Vous savez qu'à l'avenir votre confiance pourra se reposer sur ma personne car si j'avais vraiment souhaité votre disparition, sachez que je n'aurais pas choisi ces deux complices minables. Je ne leur souhaite pas de mal mais il est inacceptable qu'un homme bon soit victime du pire.

Je souhaite que vous vous rétablissiez rapidement et que la petite se porte bien. Si cela s'aggrave, envoyez-moi un mot et je viendrais à votre chevet.


Bien à vous,


Alice de Parois.

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