Chapitre 7 Cauchemars et fantasmes

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Lettre XXI De la duchesse de Galanta à la marquise de Souche-Parré


Ma chère protégée,


Je vous prie de bien vouloir m'excuser de la longue absence de lettres. Il m'a fallu répondre à vos soucis autant que possible et converser avec le propriétaire du palais romain, ce qui, à votre surprise, ne fut point une mince affaire. Je vais donc vous en conter les grandes lignes et vous répondre de la plus franche honnêteté.

Vous comprenez bien que l'objectif de notre entreprise n'est pas une maisonnée charitable destinée à accueillir les pauvres âmes. Comme vous aviez pu le remarquer (et ma chère, vous n'êtes pas une bête créature), les personnes que vous pourrez y rencontrer ne correspondent pas tellement au tableau idéal du chrétien lagandien. C'est un milieu autre mais qui plus est est fascinant, mystérieux et excitant. Que cela ne convienne pas à vos manières, nous pouvons parfaitement compatir puisque vous incarnez la femme pieuse, sage et sans trouble passé. Mais que vous puissiez offenser les membres de notre palais, ces derniers ont pu interpréter vos critiques comme une indignité envers leur personnalité. Je vous invite donc, si vous comptez rester parmi nous à prendre une expression polie et soignée envers ces êtres qui ne vous ressemblent pas. Alerter les autorités n'est pas le meilleur conseil et ce que je vais vous proposer vous fera longuement hésiter sur la décision de vous désoler auprès des grands.

Notre société souhaite dresser les dames aux véritables plaisirs de la vie. Rien de vulgaire en ces mots, la notion de plaisir vous semble inconnue, risquée et c'est tout à fait dans votre droit de refuser l'apprentissage des bases. Je crois que vous avez fréquenté le couvent et ses hideuses femmes de noir et la sexualité ne faisant pas partie du droit chemin, vous en ignorez le nécessaire. Ces établissements ne sont que des trous noirs destinés à nous abrutir. Le palais romain est le prolongement de l'éducation molle de notre espèce et il est donc temps Madame, de nous confier votre volonté de mieux connaître le monde cruel dans lequel nous vivons. Dans la première leçon, je vous éduquerai aux jouissances honteuses mais nobles. Admirable pieuse et bonne servante de Dieu, je vous retirerai lentement cette horrible croix noire qui pend à votre cou. Dieu ne recèle d'aucune autorité, les hommes se rattachent à un personnage qui ne s'est jamais manifesté. C'est un dieu pour les désespérés, ceux qui ne croient plus en la vie délicieuse et chaude. Dieu vous contraint à une existence fade, entrave vos gestes et vous soumet à une divinité invisible.

Lorsque vous vous serez détachée de l'inutile, la deuxième leçon sera consacrée aux habits que vous porterez. Une femme se doit de montrer les parties les plus alléchantes de son corps, de susciter le désir des mâles et la jalousie des femmes. Les années inactives vous auront rendu lourde, immobile et clouée sur votre siège, il est temps que vous fassiez preuve de confiance. Vous procéderez à quelque privation : le champagne fumé, le vin blanc et frais vous seront retirés pendant de longs mois, les pâtisseries seront aux mains gourmandes de vos amies pendant que vous avalerez à contre cœur l'eau pure, neutre et qui vous paraîtra répugnante. Quand votre ventre aura diminué, que vos bras seront plus fins et moins encombrants, je ferais appel à une couturière. Vous serez enfin surprise de votre taille de jeune fille, des tortures endurées pour arriver à un résultat satisfaisant. Les femmes vous regarderont avec envie et vous flatterez le maître responsable de votre bien-être et votre estime de soi. Nous offrirons vos vieux vêtements à des œuvres charitables ou bien même à l'église pour ne point les gâcher. Ils seront reprisés par de bonnes âmes, ce seront les enfants qui les porteront : votre gentillesse sera vantée dans les institutions, on parlera volontiers de vous, les mauvaises langues se tairont sur les quelques défauts que toute femme tente de cacher. Vous changerez, vous verrez. Ce seront des parures plus décolletées, plus complexes, plus recherchées, véritables aimants du genre masculin. Comme tout mari attentionné, votre époux fera preuve de crises maladives, d'inquiétudes qui rongent le corps et l'esprit, mais vous tiendrez bon.


La troisième épreuve sera des plus difficiles et je connais votre réticence à apprendre des choses honteuses et insolites. J'évoquerai les plaisirs du sexe féminin. Je vous poserai les questions les plus outrageantes au risque de vous froisser et de vous voir quitter la salle de classe. Dans votre tendre enfance, vos parents, soucieux de bien vous élever et de ne point vous exposer aux dangers de la vie, vous ont caché l'essentiel : le plaisir qu'une femme peut avoir avec son propre corps. Le connaissez-vous ? Avez-vous exploré les moindres recoins, osé effleurer votre peau ? Avez-vous ressenti des frissons, des sensations encore inconnues, une envie de découvrir ce qui vous compose, créature ? Lors de votre mariage, l'affreuse épreuve qu'est la défloraison ne suffit point à prendre conscience du corps de l'autre.

Comme tout jeunes gens inconscients et bêtes, le toucher est gênant et stérile de sensations. Le public se délecte du résultat obtenu : une fille dénuée de tout savoir et un garçon frivole. Hors mariage, votre mari vous-a-t-il confié ses désirs de mâle ?

Afin que vous puissiez suivre convenablement ces enseignements, je vous convie donc à un dîner dans deux semaines. Nous irons bien volontiers à votre rythme et nous ferons chaque jour une mise au point pour observer les changements et les tracas qui pourront vous accaparer.

En attendant une réponse ainsi qu'une approbation de votre part,

Bien à vous, votre confidente jusqu'à la mort.


Petit bleu Du marquis de Lagandière à la duchesse de Galanta


Fidèle maîtresse,


Il a fallu que je contourne votre domaine afin d'observer la présence dérangeante de votre mari. J'aurais pu, à mes risques et périls, me glisser tel un resquilleur dans votre couche pour violer votre sommeil. Monsieur de Galanta a-t-il la nuit des oreilles attentives ? Il se pourrait que si ce n'était point le cas, je pourrais profiter de ce malheureux défaut pour faire l'aventurier.

Je n'ai pu rentrer chez moi, un désir brûlant et avide dans l'estomac. Les chevaux épuisés et le cocher un peu désespéré, je décidai de reposer ce petit monde dans une auberge un peu cossue de campagne. Je vous écris depuis une chambre simple et proprette, armé d'une toute petite plume et d'un encrier à moitié vide puisque je n'ai point eu le temps d'emporter des affaires. En me baladant près de l'auberge, j'ai remarqué le beau duc de Galanta en calèche, sans doute en direction d'une autre campagne. Je me souvins l'avoir salué. Le bonhomme m'a rendu mes salutations. Après que le véhicule se soit éloigné, j'ai souri, très crânement et lorsque je suis rentré dans l'auberge, le gros et gras propriétaire m'a lancé un regard torve et interrogateur. Très rapidement, j'ai levé la tête, marché droitement vers le comptoir pour commander un verre de champagne et voyant la monnaie que je lui présentai, ses yeux ont étincelé d'une lueur brillante. Voilà comment réconforter ces pauvres gens dont les conditions sont un peu à plaindre.


Et maintenant que Monsieur le duc s'est bien éloigné, je vais de ce pas vous rejoindre afin de vous punir de votre mauvaise tenue. Moult jours se sont envolés comme le vent sur la côte de Lagandière mais mes désirs restent et demeurent.


A tantôt,


Votre amant le prince.


Lettre XXII De la duchesse de Galanta à son époux


Mon amour,


Quelques troubles viennent me posséder ces temps-ci. Chaque jour qui me sépare de vous me fend le cœur, me dirige vers une voie très sombre. Enfermée à double tour dans ma chambre, la bonne ne peut qu'entendre les hurlements que je pousse. Je m'arrache des touffes de cheveux, je geins telle une femme pauvre et faible. Les rideaux empêchent tout rayon du soleil, me plonge dans une obscurité mystérieuse. Et je fais un cauchemar saisissant. Un homme vêtu de noir, un capuchon sur son visage aux traits durs se précipite sur moi. En tenue de nuit, je suis impuissante. Il arrache mes jupes d'un geste violent, atteint mon intimité et y enfonce ses doigts. Les actes que je vous narre Monsieur me font le plus grand mal, m'arrache des larmes.

Je hurle mais personne ne peut m'entendre, même la jeune domestique qui demeure très souvent à mon chevet et qui, à mon grand malheur, a du sortir pour quelques courses. Cet homme a une force surpuissante et moi qui ne crois pas en Dieu, j'ai le sentiment que c'est lui, en chair et en os. Ais-je réellement pêché Monsieur ? Qu'ais-je réalisé pour mériter un tel acharnement de violence ? Ses mains glacées empoignent mon séant, il s'avance doucement et commet l'irréparable. Je frissonne, je ne peux crier car la peur se coince dans ma gorge. Un liquide froid coule sur mon entrejambe, ce terrible prédateur se retire, me jette sur le lit et recommence. La honte envahit mon corps, je tente de croiser son regard toujours dissimulé. Et je crois Monsieur que c'est un lâche. Un scélérat qui s'en prend aux femmes bonnes et sages. La peur me quitte, la force me reprend. Je me souvins soudainement qu'un couteau repose sous mes coussins, celui que la bonne a eu la décence de glisser. Le fin du cauchemar s'achève lorsque je poignarde l'inconnu à la poitrine. Tout s'efface et la réalité reprend sa place. Je sens les bras doux et la chair chaude de la jeune domestique, son odeur de cuisine et rassurante, je puis enfin me rendormir.


Je n'osai point vous le dire, vous avouer cela mais déposer mes mauvais rêves sur une lettre, vous les communiquer me délivre de cette entrave. Je ressens un mal qui me ronge de l'intérieur.


Prenez soin de vous,


Votre épouse tourmentée.


Lettre XXIII De la marquise de Souche-Parré à la duchesse de Galanta


Chère confidente,


Il m'a fallu bien du temps et de la réflexion avant de me prononcer. Les événements datant de quelques semaines m'ont fortement éprouvé et les jours qui suivirent me menèrent à penser tout autrement. Vous parliez d'un dîner gentil, tout à fait naturel, muni de discussions banales. Un fort beau jeune homme, bien vêtu et l'air arrogant apparut sur le palier et donna son pardessus au domestique. Je remarquai la familiarité et la grossièreté dont il faisait preuve, mais lorsque son épaule frôla la mienne, il me salua et baisa élégamment ma main. Tout commentaire critique s'évapora de ma langue, je me surpris à lui faire mon plus beau sourire. L'outrage passé, j'admirai la bonne forme de votre époux et la perfection de la table. Les plats, choisis avec amour et délicatesse, enchantèrent mon palais et réchauffèrent ma gorge. Les conversations furent de très bon goût et les campagnes de votre époux charmantes, et je puis comprendre que vous n'ayez point l'envie de voyager, Lagandière étant une ville fort belle. Je remarquai que le prince du palais romain se comportait bien, mangeait avec appétit mais pas de trop (sans doute pour cacher une faim plus prédatrice) et me regardai quelques instants. Comme toute femme sensible, je fus ravie de cette attention qui touche à la fois le cœur et la fierté. Après cette sage fête, le domestique eut la gentillesse de nous servir un délicieux whisky à la robe ambrée, frais et achevant d'étourdir ma bonne âme. C'est à ce moment là Madame que je ne compris point ce qui m'arrivait.

Le mari reparti pour une de ses campagnes, nous partîmes dans un de vos adorables salons dont l'atmosphère est calme. Y repose un lit à baldaquin aux tissus de dernière mode et une odeur de rose très légère et à peine perceptible. Je ressentis une étrange sensation dans le bas ventre et dans la poitrine, de petits picotements que je jugeai agréables et que je pris pour les effets du vin. La présence du prince m'intimidait et lorsque je frôlai pour la seconde fois son épaule, je compris que j'allai fauter. Conscient de son effet, le jeune homme s'approcha de moi jusqu'à réduire les quelques centimètres qui nous séparaient, souleva délicatement mes jupes et mouilla mon cou de sa langue. Pourquoi ne reculai-je point devant cette infidélité et cette offense ? Je songeais à mon époux, à sa terrible réaction à la narration de ces gestes imposés ! La main chaude et habile se faufila dans mes cheveux, prit soin de ma peau pendant que l'autre osa une chose que Dieu ne tolérerait point.

Sous mes jupes, se cache un élément de mon corps que je ne soupçonnai pas : un élément dont se serve les nymphes pour séduire les hommes et ces derniers en raffolent, de cette partie sensible, discrète munie de cavités profondes. Le plaisir se décupla lorsque j'accueillis les lèvres minces au goût de champagne. La langue rencontra la mienne, je tremblai de peur et d'appréhension. Ma plume tremblote, les tâches d'encre s'accumulent, je ne peux Madame, je ne peux. Tout cela est bien trop éprouvant, bien trop violent pour mon être. Maintenant, j'ai un esprit malsain et pervers qui vient frapper à ma porte pour me rappeler les agissements du prince sur mon pauvre être. Bouleversée, je cachai mes préoccupations de femme à mon époux et enfermai l'inavouable comme une jeune femme honteuse, dans une boîte dissimulée en haut d'une armoire que la bonne ne pourrait jamais fouiller. Il m'arrive de repenser à ces choses et de vouloir les refaire. Seule dans le lit froid, les yeux ouvertes vers le plafond faiblement éclairé par les bougies agonisantes, je me surprends à souhaiter l'attention du prince et ses paroles tendres. Je vous suis docile Madame et je lui suis fidèle. Les leçons que vous m'inculquez me délivrent peu à peu, me détachent du regard bienveillant de Dieu mais avec le recul, je perçois toujours Son regard suppliant et sévère.


Je tiens à continuer les expériences que vous me confiez et je vous suis d'une calme reconnaissance.


Bien à vous, votre fidèle amie Delphine de Souche-Parré.


Lettre XXIV De la comtesse de Parois à la duchesse de Galanta


Madame Galanta,

Je ne fus ni choquée, ni bouleversée par vos propos car il semble que je lise dans votre esprit. Votre façon de penser est révoltante, outrageante et peu recommandable envers nos concitoyens et notamment envers ma personne. Vous ne savez point à qui vous vous adressez et je vous conseillerai de diminuer vos vapeurs puisque votre lettre m'a posé beaucoup de méchantes interrogations. Devrais-je l'expédier aux institutions compétentes afin qu'une sanction soit prise et que votre bêta d'époux se rende compte de l’ignominie de vos écrits ? Mon âme coule d'un poison noir et mortel que je transmets à mes rivales et d'un sang rouge et fluide lorsque celles-ci sont à distance. Je suis la vipère dont Cléopâtre utilise le poison pour se suicider, la fautive de tout ce chaos. La vipère qui vous fera bientôt vous effondrer.

Une question effleure mon esprit : si j'attouchais ne serait-ce qu'une seule fois la peau et la chair du prince du palais romain, quelles seraient vos réactions ? Si je puis me permettre, laissez-moi l'honneur de vous les rappeler. Votre peau se hérissera tels les poils d'une lionne apeurée. Les gens verront votre regard se métamorphoser, ils comprendront qui est ce personnage qu'ils vénéraient et qui se révèle être un tyran. Votre cœur se brisera en mille morceaux qui se déverseront dans votre corps, vous piqueront, vous blesseront et laisseront des plaies béantes, rouges, effrayantes. Les traits du visage se crisperont jusqu'à se craqueler, jusqu'à devenir de la pierre lisse et froide, les jambes fines et aimées des hommes s'enterreront dans le sol et vous rendront impuissante face aux cérémonies. Une fois que vous serez une statue, je vous exposerai dans la chambre à coucher lors de nos discussions, de nos ébats, de nos rires bienheureux. En guise de remerciements pour m'avoir laissé ce charmant prince, je demanderai à une bonne de vous nettoyer afin que vous ne preniez point la poussière. Vous demeurerez à jamais dans cet antre insupportable, enfermée dans ce carcan de pierre jusqu'à ce que nous nous éteignions. La haine vous dévorant de l'intérieur ma chère, vous ne pourrez cracher sur nos sépultures, point positif pour nos deux âmes.


Vous n'êtes pas surpuissante et votre titre ne prouve point votre invincibilité,


Propos rédigés par la favorite du prince.


Lettre XXV Du marquis de Lagandière à la duchesse de Galanta

Madame,


Le dîner me hante encore et n'a point fini de me hanter. Notre plan a fonctionné à merveille et comme je peux le deviner, notre élève vous a envoyé une longue lettre pour justifier le pêché qu'elle a commis. Nous l'avons emmené vers la délivrance et les plaisirs de la vie. C'est comme cela que les institutions doivent dresser les jeunes gens : pas besoin de théorie, seulement de la pratique. Prenons la nature dans sa plus belle authenticité, un lion et sa femelle feront l'affaire. Mettons-les à l'oeuvre. La femelle obéissante se pliera bien volontiers aux attentes et se montrera dans ses plus beaux atouts. La lionne offrira son séant et se laissera aller à la brutalité du sexe masculin. Une pénétration simple et rapide qui choquera bien l'assemblée. Et on dira « Voilà mesdames et messieurs, voilà comment nous résumons la sexualité. Mais vous verrez par la suite de leçons éducatives les fondements essentiels d'une vie équilibrée ».

En pénétrant dans votre domaine, j'ai senti une sorte d'intimité. Chaque mur, chaque pièce et chaque objet semblait m'appartenir bien plus qu'à votre époux. Je pénétrai dans le hall d'entrée, desservi par une belle demoiselle souriante et dont je fis des compliments. S'agissait-il de Lise, cette belle domestique aux yeux clairs ? Si cela était le cas, elle rougit du même rouge charmant et flatteur lorsqu'un homme flatte une dame. Je fus agressé par une dame aux cheveux longs et noirs que je reconnus aussitôt. La pieuse marquise de Souche-Parré m'énerva car elle avait repris son air de fausse épouse parfaite et de dame révoltée de mes familiarités. Tel un ensorceleur, j'empruntai mon plus doux regard ; elle fondit lors du baiser que je lui fis sur le dos de sa main. Puis vint le tour de l'époux, grand, imposant mais toujours avec son regard calme et ignorant tout ce qui se trame. Amusé, je lui serrai la main, une main moite et trempée de sueur – sans doute le stress d'être confronté à un homme aussi séducteur que moi – et j'eus la gentillesse de demander des nouvelles de sa santé et des campagnes. Dans son regard, je sentis une confiance aveugle et une sorte d'apaisement. Dans le mien mais qu'il ne vit point, une lueur espiègle et taquine. Mon pauvre ami, je détiens votre femme et je la posséderai jusqu'à ce que nos liens se brisent.
Je vous épargne les éléments banaux du dîner mais pas ceux les plus croustillants.

Je fus longtemps tiraillé par la vue de ces deux corsets, l'un en face de moi et l'autre à mes côtés. Délicieuse et ironique dans une toilette blanche, vous rayonniez de sagesse et de perfection : vous regagniez de l'idéale maîtresse de maison à l'apparence soumise mais si libre en l'absence de Monsieur le duc de Galanta. Quant à notre élève, dans une toilette discrète et sombre, elle éveilla en moi un soudain désir, celui qu'on ne peut retenir que peu de temps au vu de son intensité. Le regard pétillait d'une malice enfantine tout au long des discussions et une certaine réserve lorsque son attention venait à elle. Une violente envie de vous prendre me saisit. Je fus apaisé du départ de Monsieur qui s'excusa, à notre très grand soulagement. Je n'oserai point faire un commentaire critique mais il s'avère qu'il ne sait pas vraiment faire la conversation et le peu de sujets qu'il lança furent évités. Nous étions donc tous les deux avec notre proie. Je crois que vous vîtes l'agitation de mon corps. Nous proposâmes donc à notre élève de parlementer plus haut, dans un de vos salons sans fenêtres. Tout en la détendant et en usant de nos charmes, nous réussîmes à la convaincre de nous abandonner son corps, ce qu'elle fit dans les secondes qui suivirent.

Et je pris cette grosse masse entre mes mains. Je soulevai les jupes d'un geste impatient et enfonçai mes doigts dans son antre. Afin de le rendre plus ruisselant, j'ordonnai à mon élève de les mordiller avec passion et sans honte. C'est comme cela que je la préparai aux événements à venir. Je saisis l'immense séant de cette femme dodue et me soulageai de toutes ces privations dont vous êtes l'unique responsable. Je la sentis contre moi, tremblante et ses lèvres collées pour s'empêcher de gémir et de s'adonner à une liberté plaisante et érotique. Ne tenant point à cette scène irréaliste, vous succombâtes à la délicatesse de ces choses si naturelles que Dame nature ne condamne pas contrairement aux hommes à l'esprit court.
Il me fallut abandonner la dame pour vous la laisser entre de bonnes mains, et je vis cet accouplement entre femelles, une fusion interdite, étrange mais dont une énergie vive me traversa. Quelques minutes suffirent pour la faire crier, un cri de femme vaincue et nouvelle. Pressé, je vous pris violemment, vous plaquai contre le mur et achevai ma besogne.
Cela dura toute une heure, une journée peut-être car lorsque je levai la tête de vos cuisses écartées, la pièce était sombre, les domestiques n'avaient point osé allumer les bougies, sans doute désireux de ne pas nous déranger.

Notre élève, épuisée, ruisselante de sueur se releva, hagarde, rouge, essoufflée. Je la trouvai métamorphosée. Je lui tapotai la tête comme un maître ferait à son lévrier pour avoir récupéré le lièvre. Vous lui fîtes un baiser mouillé avant de la rhabiller. Nullement fatigué, je fis de même et commandai un bain dont vous savez parfaitement ce qui se passa.

Je jouis encore de ces scènes ahurissantes et perverses, je rêve de cette grosse dame pieuse à l'apparence sage. Continuez les leçons, Madame apprend fort vite.


Votre compagnon de bataille, Cédric de Lagandière.

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