Francky

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 Devant le Relai-Coli y a pas grand’monde. Je gare ma bonne vieille Renault 16 en plein sur le passage piéton, rien à foutre. Je l’aime bien ma 16, increvable, jolie, un petit gris métallisé qui va bien avec mon humeur, maussade. Et un moteur ! J’avoue qu’à 50 balais je ronronnais vachement moins bien ! Bref, j’entre en trombe dans le minuscule magasin, le vendeur m’accueil avec un grand sourir Colgate :

 - Bonjour monsieur, que puis-je pour vous ?

 - 5685AR78, John Dacksalb !

 Il part quelques secondes dans l’arrière boutique et en revient chargé d’un petit carton style boîte à chaussure qu’il me tend. Je signe le reçu et repars aussi vite que j’étais arrivé, sans dire ni merci, ni au revoir. Les pneus de la 16 crise au démarrage décrochant quelques regards tantôt agacés tantôt impressionnés, elle fait cet effet là la 16 ! Sur le chemin du retour je n’arrête pas de regarder du coin de l’oeil le mystérieux coli qui semble briller sur la place du mort - ou est-ce ma curiosité insatiable qui fait cet effet là ? - si bien que je manque d’emplafonner une petite vieille qui traverse la rue. Au tournant de la rue Pérelle le téléphone se met à vibrer. Je prend le virage d’une main et répond de l’autre :

 - Allo ?

 - Je suis heureux de voir que ta curiosité à été piquée mon cher John !

 - T’es qui bordel ?

 La voix à l’autre bout du combiné explose d’un rire grave que je ne connais pas. La voix non plus je ne la connais pas d’ailleurs, elle est rauque et j’y ressent une espèce de nostalgie qui n’est pas sans me rappeler ma propre condition. Qu’est-ce que c’était mieux avant… Je fais une embardée pour éviter un conna… un automobiliste trop lent.

 - Haha, ne sois pas trop impatient John, mon identité te sera dévoilée bien assez tôt. Je te l’ai dis, je te respect, je ne te veux pas de mal, bien au contraire. Mais je pense que mon petit cadeau saura réveiller l’ancien John !

 - J’ai pas quitté l’milieu pour rien Francky, je m’permet d’t’appeler Francky c’est plus commode, si t’as suivis toutes mes actions tu dois le savoir aussi, ça sert à rien !

 - Francky ça sera ! Tu voudrai un petit nom aussi Johnny boy ?

 - Vas t’faire foutre !

 - Les temps ont changés Johnny, les politiciens ont plus de bagou, mais par la même ils vont plus loin, ils deviennent imprudents. Et pour moi, tout se sait Johnny, Tout !

 - J’ai cru comprendre…

 - Tout sera bientôt clairs ! À bientôt Johnny boy !

 Le salaud m’a raccroché au nez. C’est mon truc normalement. Il le sait ça aussi ? Deux minutes trente plus tard je suis de retour chez moi. Je laisse la 16 en plein milieu de l’allée et retourne à mon rotin et à ma bière. Mes mains tremblent un peu quand je veux ouvrir le coli, alcool, émotions fortes ou curiosité ? Je ne peux dire. Je déchire avidement le papier craft et vide le contenu sur la table basse. De la paperasse, articles de journaux, photos annotées au marqueur, listes de noms, de chiffres, de dates et photocopies d’emails. J’ai tout mes souvenirs de jeunesse qui remonte. Bordel c’était le bon temps. Chaque document est flanqué d’un chiffre et d’une lettre et traversé d’une ligne. Je vais chercher mon tableau en liège et commence à épingler chaque feuille, raboutant les lignes dans l’ordre des numéros. Je me retrouve avec un vrai toile d’araignée, au centre un gros point d’interrogation et au bout de chaque ligne un portrait différent :

C D E

\ | /

A -?- B

/ | \

F G H

A : Edouard LaGarde, député maire.

B : Jean Paquette, député maire.

C : Thomas Leroy, juge.

D : Eugène Davignon, ministre de l’environnement.

E : Simone Ferland, Comptable.

F : Blanche Petrie, avocate.

G : Michel Gilbert, général de l’armée de terre.

H : Eugène Chatigny, sans emploi connu.


 Dans quoi je suis en train de me fourrer ? Avec une brochette pareille, quoi qu’ils mijotent ça doit pas être du jolie. Tous mes vieux réflexes sont revenus direct, dix ans d’abstinence - je parle d’engagement politique, pas d’alcool bien sûr - et tous se dépoussière en quelques secondes. Avant même d’avoir eu le temps d’y penser, je suis sur mon ordi, une autre binouze dans la pogne et les biographies de mes nouveaux amis affichées à l’écran, béni soit l’internet. J’ai toujours su repérer les détails juteux d’une affaire au premier coup d’oeil. L’instinct du détective. Ce que je vois sur cette petite bande c’est que tous - à l'exception de M. Chatigny qui est introuvable - ont eu un rapport dans la dernière année avec une compagnie nommée CIECLE, une entreprise de production de produit chimique iséroise. Ca pu la magouille et le scandale écologique. Tout ce que j’aime !

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