C’est un lundi comme tant d’autres qui a changé ma vie, ou du moins ce qu’il en restait. Dehors c’est une chaude journée d’été qui commence, trop chaude, tout est trop d’ailleur, le ciel trop bleu, le soleil trop brillant, ma vie trop morne, bref un lundi comme tant d’autre. Je me prélasse dans mon fauteuil d’extérieur, une clope au bec et une bière à la main, une belle fin de matinée en somme. Quand enfin j’arrive à décoller mon cul du rotin, c’est pour me diriger lentement vers la boîte aux lettres. Je fais vingt pas et je transpire, je déteste la chaleur ; je déteste être vieux. Parmi les amas de pubs - malgré le très visible ‘NON AUX PUBS !’ collé sur la façade - je trouve un petit coli, un peu plus gros qu’une boîte d’allumettes, auquel est attachée une enveloppe dont je déchire le dessus.

“Mon très cher John,

Tu ne me connais pas mais moi je sais tout de toi. Je sais ta morne existence et le peu d’importance que tu y attaches. Je sais ta solitude, la famille que tu n’as plus, les faux amis dans le dos desquels tu craches lorsqu’ils sont tournés. Je sais ta retraite misérable qui part en fumée de cigarette et s’écoule en alcool. Tout le voisinage sait cela. Mais je sais aussi ton passé, tes actions, tes luttes, tes débats. Tous ont échoués, c’est un fait, mais je t’admire mon cher John. Tant de ténacité, de bravoure, de morale et surtout tant d’intelligence et de conscience. Car vois-tu John, tes combats je les ai tous suivi et à chacun de ceux-ci j’ai adhéré. Je suis comme toi : un homme de conviction trop conscient du monde qui l’entoure pour pouvoir vivre heureux, pour pouvoir être compris. Et c’est par respect que je t’envois cette lettre, pour te proposer ta dernière action pour changer le monde. Changeons le monde ensemble John ! Surement y laisserons-nous notre vie, mais soyons franc, est-ce une vie ?

J’espère que tu accepteras mon offre. Si c’est le cas, ouvre le coli !

À très bientôt mon cher John.”

 Je retourne à mon rotin - toujours tranquillement car il ne faut pas trop en faire - le colis à la main et m’avachis dans le fauteuil. Heureusement que j’ai déjà commencé à picoler sinon j’aurais certainement tourné de l’oeil en lisant cette lettre. Le sang et la violence je m’en tape et je peux engloutir des litres avant de sombrer, mais les émotions fortes c’est pas ma tasse de thé. Quoi qu’il en soit je décide d’ouvrir le coli, au pire je le foutrai à la poubelle. J’y trouve juste un téléphone portable - un de la vieille génération qu’on peut balancer du troisième étage qu’il fonctionnera toujours - que je dévérouille en tapant le code noté sur un post-it accolé à l’un des côtés de la boîte. Je farfouille un peu, messages, appels, brouillons, rien, il n’y a qu’un numéro enregistré en contact, “appelle moi”. Je sais pas si c’est une blague, c’est un peu trop poussé pour en être une, trop d’informations personnelles, des trucs que personne ne devrait savoir. Ça peut-être un vieil ami ou un détraqué qui m’observe. Je dois savoir bordel. J’appelle !

Bienvenu chez Relai-Coli, veuillez vous munir de votre numéro client, un conseiller va prendre votre appel !

 En fond tourne en boucle une musique classique, du vivaldi je crois ou un truc du genre, j’arrive pas bien à dire vu la qualité. Je regarde dans la boîte, en dessous du code pin un autre code à 8 chiffres et lettres est noté.

Relai-Coli bonjour, que puis-je faire pour vous ?

Vous avez un truc à ce numéro : 5685AR78 ?

Ha, monsieur Dacksalb ?

Oui

Votre coli est arrivé ce matin, vous pouvez venir le retirer en magasin.

C’est où ?

12 rue Gambetta, bonne jou….

 Je lui raccroche au nez. Bordel j’avais pas prévu de sortir… Un petit litron et je me bouge !