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On frappait à la porte. Le moral dans les chaussettes, je n’avais aucune envie d’ouvrir. J’entendis alors du bruit, comme si on essayait de crocheter ma serrure. Avant que je n’aie eu le temps de réagir, la porte était forcée.

  • Ah ! T’as fini de manger des pissenlits et des orties avec ton Etienne ?
  • Et toi ? Pas trop fatigué de t'être tapé tout mon immeuble ? Barre-toi, Lorenzo.

Je n’étais pas d’humeur. Mon compte en banque était à sec et je ne savais plus du tout où j’allais. J’avais perdu toutes mes illusions et regrettais amèrement d’avoir démissionné quelques mois plus tôt. Pour qui m’étais-je prise ? Comment avais-je pu croire que je pourrais faire fortune en tant qu’influenceuse écolo ! Mon bilan comptable affichait un plan suicide. En trois mois d’activités, je n’avais vendu qu’un seul « panier à vaisselle de douche » et il se baladait maintenant dans toute la ville, passant d’un magasin de seconde main à l’autre, d’un troc facebook à un vide-grenier dominical, tel un Lorenzo ne restant jamais deux nuits de suite chez la même nana. Il me fallait une solution. Je n’avais pas de temps à perdre avec un débile entrant par effraction dans mon salon.

  • Casse-toi de chez moi où j’appelle les flics.
  • Appelle. Leur répondeur passe du Wagner. C’est moi qui ai programmé leur playlist.

Mon hacker mélomane avait-il piraté le téléphone de la police pour y mettre sa musique préférée ? Il en était capable. Quoi qu'il en soit, Wagner ou Carlos, il avait raison : j’allais tomber échouer sur un répondeur. Après avoir passé les « pour un meurtre, taper 1, pour un viol, tapez 2,… » puis les « pour le centre-ville, tapez 1,… », et en admettant que l’IA ne m’ait pas raccroché au nez et que je sois mise en contact avec un humain, ce dernier me dirait qu’il n’y avait plus rien à faire si ce n’est contacter un serrurier : « Et n’hésitez pas à nous rappeler si votre intrus s’en prend à vous physiquement. »

Tandis que je ruminais mon impuissance, Lorenzo s’approcha de moi :

  • T’as pas des kinder pingu ?
  • Non. Mais j’ai un panier à vaisselle de douche. Je t’autorise à aller l’échanger contre des biscuits végan au vrac d'en face.
  • Personne n’en veut de ton truc ! Les gens ne veulent pas de solutions ; ils veulent des problèmes. Regarde-toi. J’ai vu tes statistiques : tu passes ton temps à regarder la fin du monde arriver sur les réseaux sociaux. Et puis tu crois que tu vas nous faire gagner combien de temps avec ton panier à vaisselle écolo : une heure ? On va se faire chier toute notre vie pour gagner une heure à la fin ? Et encore, il y aura bien une centrale nucléaire pour nous péter à la gueule avant. Allez, viens. Ce soir, c’est côte de bœuf et gratin dauphinois.
  • J’ai pas faim. Tire-toi.

En démontant mon business plan, il venait de me lacérer. J’avais juste envie de pleurer. J’avais tout raté et j’étais maintenant sans job, sans envie, sans futur. Et ce mec campé devant moi était parti pour démonter le peu de vie qu’il me restait.

  • Tu veux gagner des sous ? Tu veux que les gens reviennent ? Fin du monde et faim dans le monde, c’est ça la recette. Et les vidéos de chats, ou de chattes. C’est ça que les gens regardent toute la journée. Toi la première ; j’ai accès à tes statistiques.

Encore une fois, il m'énervait. Mais que faire ?

  • Va pour la côte de boeuf. Mais tu me répares ma serrures pendant que je me prépare.

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