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À peine sortis de mon immeuble, Lorenzo me traine dans son magazin favori, à deux rues de chez moi. Je ne m’étais pas habillée pour aller au palace, mais quand même, je ne m’attendais pas à me retrouver en plein rayon peintures et bricolage au cinquième étage de ce grand bazar pour bricolos du dimanche.

  • Lorenzo ! Tu crois vraiment que c’est le moment d’acheter une perceuse ?
  • Il faut du gaz. Les bonbonnes sont dehors, sur le toit.
  • Du gaz ? Pour faire quoi ?

Après avoir fait semblant de s’intéresser au plus cher de leurs barbecues, il a envoyé le vendeur chercher des spécifications que seul lui-même comprenait (s’il ne les avait pas inventées). Cinq minutes plus tard, l’employé persuadé d’avoir flairé son plus gros client du mois, revenait accompagné du gérant tandis que Lorenzo leur passait devant en tenant des ficelles au bout desquelles s’élevaient des ballons de forme suspecte en criant :

  • Il y a une fuite de gaz ! Il faut évacuer tout-de-suite !

La voix suraigüe de Lorenzo aurait dû trahir son canular, mais l’annonce du danger a produit l’effet inverse et ce qui fait habituellement rire les gens n’a fait qu’augmenter la panique générale. Le lanceur a dévalé les escalators et la foule de bricoleurs s’est lancé à sa suite tandis que je faisais de mon mieux pour sortir discrètement, m’imaginant déjà enfermée dans le bureau des vigiles. Ne sentant personne à ma poursuite, je retournais la tête en direction du personnel pour réaliser qu’ils avaient gobé toute l’histoire et étaient en train d’appliquer les consignes en ordre dispersés : certains fuyant par l’escalier de secours en criant que tout allait exploser tandis que d’autres cherchaient « le putain de manuel ! ». Le gérant, quant à lui, était en train de vider la mousse de l’extincteur au milieu des barbecues en criant « Laisse-moi faire !» à la bombasse de la caisse qui lui demandait où était la fuite. Je pouvais sortir tranquille.

Une fois passée le coin du bloc, je retrouvais Lorenzo en train de faire le clown, vendant chaque ballon « biodégradable » pour, cette fois, son « enterrement de vie de garçon ! ». Au bout d’une heure et demi, il avait vendu tous mes préservatifs (sous forme de ballon, d’expérience sensorielle inégalée, de placebo compostable,… selon la tête du client), fait rire tous le quartier avec son numéro de camelot loufoque et amassé une coquette somme. Le spectacle fini, la foule se dispersait en laissant une dernière pièce tandis que je reprenais mon souffle. Il était temps que ça cesse ; l’hilarité m’avait donnée des crampes aux abdos et à la mâchoire.

  • Ma poule. Mouloud est fermé le samedi. C’est nouveau. Je t’avais pas dit ?

C’était son truc ça. Passer du pire au meilleur et du meilleur au pire. Mais du coup, ça sentait bon la petite brasserie. Je jouais son jeu :

  • Oh ! Mince alors. C’est dommage ! On va devoir se rabattre sur… T’as une idée ?
  • Je connais un petit boui-boui pas très loin. On pourra partager une assiette de frites avec du ketchup.

La soirée s’annonçait bien. J’avais un sourire jusqu’aux oreilles et une faim de loup. Son téléphone a sonné tandis qu’on se remettait en marche, bras dessus bras dessous. Il a décroché, est devenu livide et est parti en courant après m’avoir dit de me débarrasser de cet Etienne une fois pour toutes. Je suis restée seule sur le trottoir, la ficelle du dernier ballon dans la main, les vigiles du magasin fonçant sur moi. J’ai pris mes jambes à mon cou dans l’autre direction.

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