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Quinze minutes après, ma sonnette retentissait long et fort dans mon appart. Pressé le mec !

"Tu ne m’as même pas laissé le temps de me pomponner !", ai-je lancé en courant à travers le salon pour ouvrir à Etienne, mon mascara à la main et des couettes sur la tête. (Je me coiffe toujours à la fin, juste avant d’enfiler mes bas – ultra-résistants en filets de pêche recyclés - et mes talons).

Me voilà donc, ouvrant la porte à moitié débraillée. En lieu et place de mon étalon, je me retrouve nez-à-nez avec la vioc du rez-de-chaussée.

  • Madame se veut zéro déchet et elle jette les hommes comme de vulgaires chaussettes ! Regardez le pauvre malheureux qui pleure sous ma fenêtre ! Le soir de son anniversaire en plus ! Votre génération se dit « woke » mais elle n’a pas de cœur !

C’est à ce moment-là que j’aperçois Lorenzo derrière la vioc. Il lui a fait son cinéma et il rigole en douce dans son dos. Pourquoi est-ce que je m’étonne. Ce mec adore faire foirer mes plans. On dirait même que c’est son hobby favori. Et maintenant je me retrouve sur mon palier avec un mec qui fait semblant de pleurnicher dans le gilet d’une vieille qui se mêle de ce qui ne la regarde pas et me traite de pute en plein milieu de ma cage d’escalier alors que mon rencard va débarquer d’une minute à l’autre. Génial.

Pas le temps, et pas le choix : je joue le jeu de Lorenzo :

  • Oh ! Mais mon chéri ! Mais qu’est-ce que tu t’es imaginé ? J’étais en train de me préparer pour venir te rejoindre ! Je voulais te faire une surprise pour ton anniversaire !

Lorenzo abonde :

  • Ah oui ? C’est pas fini alors ?

Et le voilà qui rentre chez moi tout sourire en disant « merci madame » sur un ton narquois à la mégère toujours campée sur mon pallier. Interloquée par le changement d’humeur un peu trop radical pour être vrai, elle finit par dire « Bon. Ben… Tout est rentré dans l’ordre alors. C’est mieux. Il faut arrêter ces coucheries à gauche et à droite maintenant. », avant de redescendre par les escaliers.

Quand je referme la porte, Lorenzo est avachi dans mon canapé. Il est en train de gonfler mes préservatifs compostables comme si c’était des ballons d’anniversaire.

  • Pu**** ! Pour une fois que j’ai une proposition commerciale ! Tu ne vas pas encore tout faire foirer !
  • Bah… je teste la solidité pour toi. Tu ne comptais pas les essayer sur toi quand même.

Ce mec m’exaspère.

  • J’espère quand même qu’ils ont testé la solidité avant de me les envoyer !
  • Bah… peut-être. Mais il faut trouver des cobayes pour les essais. Tu crois qu’ils ont un système de crash tests comme pour les voitures ?
  • Mais qu’est-ce qu’il prouve ton test à la con ?
  • Rien. Mon test ne prouve rien. T’as raison : tu peux essayer d’attraper une chaude-pisse avec ces trucs si tu veux. C’est la meilleure solution. On verra si ça marche.

Décidemment, ce mec fait tout pour m'agacer. Le pire, c’est qu’il m’a mis le doute. Non, le pire c’est qu’Etienne va arriver d’une minute à l’autre, et moi, je suis à moitié maquillée, j’ai du mascara dans la main droite, des couettes sur la tête et les bas que je projetait de porter sont sous les fesses d’un gosse qui gonfle des préservatifs dans mon salon. Le coupable semble lire dans mes pensées, il dit :

  • T’inquiète pas pour ton Etienne.
  • Quoi ? Tu lis mes whatsapp ? On avait dit ok pour les mails pros, mais pas touche au perso !
  • Bah… de toute façon, il dort. Je lui ai mis du Bob Marley. Il ne résiste pas ; ça lui donne envie de fumer. Si tu veux mon avis, tu le verras pas avant demain ton Jules.

Je m’asseyais, dépitée à côté de Lorenzo. Je réalisais qu’il était temps que je revoie mon business plan. Lorenzo, voyant ma mine déconfite ajouta :

  • T’inquiète. Des mecs qui voudront te payer en cacahuètes frelatées, t’en trouveras d’autres.
  • Merci ! Tu peux pas savoir comme ça me rassure. T’as d’autres paroles encourageante pour m’aider à sauter du balcon ?
  • Allez Heidi, habille-toi. Je t’invite à manger un kébab.

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