Chapitre 40E: février 1792

5 minutes de lecture

Gustavine tenta de ravaler sa déception, ne pouvant pas se rendre au mariage de son beau-frère, le dimanche dix-neuf février.

—''Je suis dégoûtée... J'aurais tellement voulu aller au mariage de Jacques...

—''Pourquoi donc ne pouvez - vous pas y aller? Lui demanda Malou curieuse

—''C'est que j'ai perdu du sang il y a une dizaine de jours. Je suis inquiète et je ne veux pas risquer de refaire une fausse – couche. Vous comprenez ?

—''Bien sûr. Votre santé est bien plus importante qu'un mariage qu'Étienne pourra vous raconter.

Étienne revint à la fin du mois sérieusement amoché : il avait perdu le contrôle de sa voiture qui s'était encastrée dans un arbre après qu'un des harnais se soit décroché. Son épouse venait le voir dès qu'elle le pouvait à l'hôpital, et elle lui annonça sa grossesse pleine d'émotion. Nous l'avions accompagné avec Jacqueline pour ne pas la fatiguer. Ainsi, Gustavine pouvait directement ramener sa fille chez elle sans devoir repasser par chez nous.

Celle-ci nous parla avec humour, quelques temps plus tard, de la cérémonie du mariage de Jacques et Louise-Marie de son prénom, célébrée en grandes pompes à l'église Saint – Maclou de Rouen, mais aussi, et c'était nouveau pour tout le monde, à la mairie. En fait, depuis un décret passé cette année, le mariage religieux n'avait plus de valeur administrative et seul un passage par la mairie permettait de réellement être marié. Pour nous autres fervents catholiques, la seule cérémonie indispensable était celle passée devant le prêtre. C'est donc pour cela que les deux époux, déjà mariés religieusement, se retrouvèrent bien seuls à la mairie de Rouen. En effet personne de la famille n'avait jugé utile de se déplacer, et c'est pour cela que les trois témoins furent le balayeur qui passait à ce moment là, une vieille femme tremblante qui peinait à signer et un homme avec un bouquet de fleurs qui inonda presque le sol de la mairie. Étienne lui avait raconté cela en riant beaucoup, car le principal après tout était que les deux jeunes gens soit mariés.

C'est Malou qui me coupa les cheveux un jour où nous n'avions pas grand – chose à faire. Devenus beaucoup trop longs et emmêlés à force d'être attachés en chignon, tresses et autres coiffures que ma nièce mettait parfois des heures à faire, les longues boucles rousses et blanches tombaient devant mes yeux pour la première fois depuis des décennies. J'avais désormais les cheveux aux épaules, ce qui était plus facile à laver et à coiffer. Malou, en revanche, refusait que je les lui coupe, ils lui tombaient en bas du dos, mais elle n'était pas très grande non plus.

Si il n'arrivait rien de particulier au mois de mars, en avril en revanche, Malou recevait un matin une curieuse lettre. Elle s'isolait pour aller la lire dans la chambre pendant que je l'observais du coin de l’œil, épluchant mes pommes de terre. Lorsqu'elle revint, elle me la colla sous les yeux, subjuguée. La lettre enflammée faisait battre mon cœur, mais pas d'amour.

''Virginie, mon amour, ne me quitte pas. Je te promets que d'ici la naissance de mon second enfant, j'aurais quitté ma femme. Je ne l'aime plus, je n'aime plus que toi Virginie. Mon épouse est naïve, jamais elle n'imaginera que je la quitterais pour toi, il me suffira de disparaître en aussi peu de temps qu'il ne m'en faut pour l'écrire. O mon amour, je t'en prie, patiente encore jusqu'au mois de juillet ou d'août, et je te rejoindrais, pour ne plus jamais te quitter. Étienne.''

Malou s'assied dans le canapé et déchira la lettre.

—''Ce n'est pas possible... Ce n'est pas possible Seigneur...

—''Moi non plus je n'y croit pas. Cela doit être une coïncidence.

—''Vous croyez qu'il failles quand même lui en parler ?

—''Ne la tourmentons pas avec ça. Lui répondais – je peu convaincue.

Cette pensée de savoir ma belle – fille détruite hantait de plus en plus mon esprit au fur et a mesure de la journée qui défilait trop lentement, et plus le temps passait, moins j'arrivais à me persuader du fait que cette lettre soit anodine. Le pire était lorsque nous revîmes Gustavine après avoir reçu la lettre. Étrangement, et pour la première fois, comme poussées par une force qui voulait que l'on lui avoue tout, nous allâmes la voir chez elle. Dans son appartement, là où elle vivait depuis environ un an et demi avec sa fille et son mari.

Lorsque nous arrivâmes, Gustavine était en robe de chambre. Je trouvais cela étonnant à onze heures du matin. Presque paniquée de nous voir arriver sans prévenir chez elle, alors que c'était ce qu'elle faisait tout le temps chez nous, elle nous faisait patienter quelques minutes devant la porte, avant de nous laisser entrer.

Le logement était immense, mais tellement sombre que nous eûmes du mal à distinguer les pièces des unes des autres. Nous nous assîmes dans le salon, sur les canapés, mais très vite, nous comprîmes que nous n'étions pas les bienvenues. Gustavine, sans rien nous servir ni nous adresser la parole, faisait des allers – retours entre les autres pièces et le salon, l'air anxieuse.

Avant que nous ne quittâmes les lieux, quelques minutes seulement après notre arrivée, Jacqueline, encore dans sa chambre à cette heure tardive de la matinée, se mettait à pleurer au loin. Cependant, quand ma nièce voulait y aller pour la consoler, Gustavine l'en défendait fermement. Le soir venu, je prenais peur : l'enfant couchait depuis quelques mois dans un lit d'adulte, et rien n'aurait donc pu l'empêcher de sortir de la chambre, si ce n'est quelqu'un qui aurait fermé la porte à double tour.

Nous la revîmes l'après-midi même, lorsqu'elle venait chez nous, s'expliquer sur son étrange accueil. Elle recevait des ''visites'' chez elle depuis plusieurs mois et si elle enfermait sa fille, c'était parce que sinon, l'enfant la dérangeait en venant réclamer quoi que chose auprès d'elle, comme un peu d'attention. Si nous ne sûmes jamais vraiment en quoi consistait ces '' visites '', le fait de l'avoir retrouvée en robe de chambre en fin de matinée pouvait nous être utile pour comprendre.

J'avais du mal à imaginer ma belle – fille s'adonner à ce genre de péchés. Mariée depuis quatre ans, bientôt mère d'un deuxième enfant après son adorable petite fille, comment pouvait t-elle s'avérer être aussi impure et tromper impunément son mari ? Mari, qui je l'avoue, ne se gênait pas non plus.

Secouée par ces faits qui remontaient à la surface sans pour autant vouloir être dissimulés par leurs protagonistes, je ne voyais plus Gustavine de la même manière. Son mari la trompait, elle le trompait, et chacun faisait ainsi son bonhomme de chemin avec entre les deux, une petite fille de vingt et un mois.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0