Chapitre 40B: juillet 1791

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Je passais ainsi deux bonnes heures avec André et Jacqueline qui s'amusait avec son ''demi-oncle'' comme il se plaisait à le dire, et vers dix-sept heures trente, les deux jeunes femmes rentrèrent. Malou soutenait par le bras Gustavine prête à tomber, se tenant le ventre de ses deux mains et s'asseyant comme elle le pouvait sur le canapé. J'accouru.

—''Seigneur... Que se passe t-il ?

Malou répondit.

—''Nous étions dans une échoppe lorsque nous avons entendu des coups de feu. Apparemment, ce serait des militaires qui auraient tiré sur la foule rassemblée sur le Champs de Mars. Elle a peur que son mari ne soit blessé.

—''Participait-il à cette réunion ? Questionnais-je ma belle-fille

—''Oui Louise, comme tous les autres. J'ai tellement peur...

Je lui apportais un verre d'eau en réfléchissant à ce que je pourrais faire pour elle. Soudain, j'osais exprimer l'idée à laquelle j'avais pensé en premier.

—''Vous savez quoi ? Nous allons nous rendre à l'Hôtel Dieu pour savoir si il se trouve là – bas. Cela vous dit ?

Elle acquiesça en essuyant de son mouchoir les larmes qui avaient commencé à embuer ses yeux. Je me rapprochais d'elle pour la rassurer.

—''Ne vous inquiétez pas. Je suis sûre qu'il n'a rien. Vous l'accompagnez Malou ?

—''J'aimerais beaucoup mais je ne connaît pas le chemin. Accompagnez - la donc, je reste ici pour m'occuper de la petite et d'André.

C'est ainsi que sous le soleil de fin de journée nous nous rendîmes à pied jusqu'à l'Hôtel Dieu dont j'avais un peu sous-estimé la distance. Heureusement que nous n'étions pas avec André ou Jacqueline à ce moment-là car nous mîmes une bonne heure pour parvenir jusqu'à l'entrée de l'immense bâtisse. Une infirmière nous conduisait jusqu'à l'étage qu'on avait réservé aux blessés du Champ de Mars, qui affluaient à chaque heure. Comme ils n'étaient pas répertoriés, ils nous fallait chercher Étienne, en espérant ne pas le trouver.

Nous parcourûmes les rangées entre les lits, tentant d'identifier Étienne parmi les hommes alités. Ils y avaient beaucoup de femmes et enfants dont certains étaient mourants. Les militaires n'avaient vraiment eu aucune pitié.

Soudainement, Gustavine se mit à courir. Rejoignant cet homme aux yeux mis-clos alité, elle s'agenouilla près de son époux, le père de sa fille. Agrippant ses mains et enfouissant son visage dans son cou, elle pleurait doucement. Je restais un peu en retrait, observant le ballet des infirmières qui s'activaient à écouter le cœur des inconscients et a les faire évacuer si ils étaient morts pour libérer un lit. N'ayant jusque là pas pris conscience de la gravité de la situation, nous avions affaire à un véritable massacre.

Gustavine, entre deux doux baisers et deux sanglots, chuchotait à l'oreille d’Étienne pour l'empêcher de partir.

—''Mon amour... Ne me quitte pas je t'en supplie... Je t'aime trop...

A chaque fois que l'infirmière passait près de son lit, mon cœur se mettait à battre très fort car je craignait qu'elle ne le déclare mort. Lorsqu'il ouvrait les yeux, ma belle – fille l'embrassait passionnément, lui qui geignait de douleur comme un animal, bougeant la tête de droite à gauche comme si il voulait se dégager de ces étreintes. On nous expliquait qu'il avait reçu une balle dans la jambe et qu'on lui avait fait respirer de l'éther pour l'endormir et ainsi faire disparaître sa douleur pendant qu'on la lui retirait. Il n'était donc pas en danger de mort.

Au bout de trois quarts d'heure déjà, je commençais à trouver le temps un peu long, mes oreilles saturées des cris des blessés et des pleurs des proches arrivés trop tard, ou des enfants apeurés qui réclamaient leur mère. Gustavine elle, serait bien restée toute la nuit auprès de son mari, mais vers dix – neuf heures trente, André devait prendre son dîner pour ne pas aller dormir trop tardivement. Comme nous n'arriverions qu'une heure plus tard, je me disais qu'il était grand temps de quitter l'hôpital.

—''Nous y allons Gustavine ? De toute façon vous ne le ramènerez pas chez vous ce soir. Sans doute demain pourra t-il sortir ? En attendant il nous faut rentrer.

Ma belle – fille soupira en laissant son amour aux mains des médecins. Demain, lui promettait - elle, elle reviendrait pour le ramener chez eux. A notre arrivée, Malou berçait en vain Jacqueline qui criait de faim, tandis que mon petit André dessinait, encore habillé, n'avait pas encore pris son dîner.

Je préparais rapidement une soupe pour qu'il n'aille pas au lit le ventre vide et après sa prière, il s'endormit dans les bras de Morphée. Comme cela m'énervait de voir Gustavine allaiter sa fille, je préférais aller dans ma chambre, en priant pour qu'elle rentre au plus vite chez elle.

Dès le lendemain après-midi, Gustavine ramena son mari en chaise roulante jusqu'à chez eux. J'étais curieuse de savoir comment il montait et descendait les escaliers, aussi ma belle-fille m'expliqua qu'il se débrouillait à les monter et descendre assis pendant qu'elle s'occupait de la chaise roulante. Elle devait se dépêcher d'aller ensuite récupérer Jacqueline qui devait patienter sagement au rez de chaussée.

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