Chapitre 40C: juillet- août 1791

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Quelle n'était pas ma surprise à l'arrivée de mon fils, le soir du vingt juillet, alors que je récitais ma prière avec André et Malou agenouillée dans la chambre. Tenant sa petite malle, vêtu d'une chemise légère, il m'embrassa en s'expliquant.

—''Je viens d'avoir dix-huit ans et je ne peux plus rester à l’internat. Je pensais que vous pourriez m'héberger le temps que je trouve un logement à louer...

—''Entrez mon fils.

André embrassa son frère qui le prit sur ses genoux en m'expliquant les raisons de ce retour précipité. Je demeurais perplexe.

—''Je ne vois que deux explications Léon – Paul. Soit vous ne le saviez pas il y a encore trois jours et je les trouve bien culottés, soit vous êtes au courant depuis un an et vous exagérez de ne pas vous être organisé avant. Alors ?

Léon – Paul souriait.

—''J'avais oublié mon anniversaire... Je pensais qu'il était déjà passé et qu'il n'y aurait pas de soucis...

—''En attendant, on va devoir vous trouver un logement tout près de la Faculté. Vous avez fait le trajet à pied depuis là – bas ?

—''Un ami qui possède une voiture m'a ramené. Je voulais vous demander maman...

—''Si vous en désirez une, je suppose que vous pouvez vous la payer.

—''Non, c'était pour vous demander si vous seriez d'accord pour que je parte durant tout le mois d'août dans la maison d'un de mes amis avec deux autres garçons. Il habite en Normandie.

—''Vous êtes parfaitement libre Léon – Paul. Cela devrait même être vous qui décidiez pour moi. Et vos études ?

—''Maman. Auriez-vous lu le traité de la loi de Le Chapelier ? Tout le monde peut désormais exercer, sans formation, n'importe quel métier. Toutes mes années d'études ne valent plus rien aujourd'hui. D'ailleurs, je suis sûr que la Faculté va fermer. Je n'irais plus.

—''Ne vous rendez - vous donc pas compte du coût de ces études, Léon – Paul ?

—''Excusez-moi mais je ne m'appelle pas Le Chapelier. Justement, si les études sont onéreuses et n'ont plus d'intérêt, à quoi bon continuer de les suivre ?

Dégoûtée, je ravalais ma déception. Comment pouvait-on être idiot au point d'écrire une telle loi ? Mon fils aîné restait quelques jours avec nous avant qu'il ne trouve un appartement à louer près de chez son ami avec lequel il partirait un mois durant en vacances.

Dans la nuit du vingt-et un au vingt-deux juillet, je ne parvenais pas à trouver le sommeil. La chaleur, mon ventre endolori n'arrangeaient rien mais je pense que c'était surtout le souvenir d’Émile qui revenait m'assaillir. En effet, ce vingt – deux juillet 1791, mon fils cadet était parti depuis déjà dix ans.

Si faignante était t-elle, Jacqueline se débattait lorsqu'on essayait de la faire se tenir debout. Préférant les bras de sa mère et n'essayant même pas le quatre pattes, l'enfant profitait de l'affection sans limites de sa mère et de son statut d'aîné qui lui accordait à peu près tous les privilèges.

Ce fus au début du mois d'août, avec la visite d'Auguste, que nous cessâmes un peu de la harceler. Malou venait en effet de lui écrire après avoir soigneusement inventé une histoire sur fond d'accouchement et de problèmes d'argent. Gustavine avait servi de prétexte, non sans donner quelques tapes à ma nièce qui ne manquait pas de se moquer d'elle et du mensonge tordu dans lequel elle venait de la mettre.

Lorsque Auguste débarqua enfin par une après – midi orageuse d'août, les deux jeunes femmes pleuraient littéralement de rire. Le jeune homme se demandait bien dans quelle malheureuse situation pouvait être Gustavine qui était censée avoir accouché au mois de juillet et être sur le point de rendre l'âme. Apparemment, mon neveu manquait d'humour. Après que sa sœur, comprenant qu'il était temps, lui ait tout expliqué, il lui asséna une violente gifle. Gustavine tenta alors de le maîtriser.

—''Non mais vous êtes fou de lever la main sur votre sœur ! Elle n'a rien demandé !

Malou, assez secouée de ce geste inattendu, s'était assise sur le canapé, et se tenait les mains sur le visage. Sa cousine et moi-même tentions de la consoler. Je l'embrassais pour qu'elle ne pleure pas.

—''Ce n'est rien Malou... Il n'a pas réfléchi...

—''On voulait juste plaisanter... Rire un peu... Je ne sais pas moi...

—''Je le sais mais c'était à ses yeux de mauvais goût. Répliquait agacée Gustavine en soulevant sa fille assise par terre pour la mettre sur ses genoux.

Auguste, qui tournait dans le salon comme un lion en cage, avait l'air de s'en vouloir, mais il avouait que ce mauvais jeu lui avait fait précipitamment quitter son travail et qu'en ce moment, avec la nouvelle loi dont m'avait parlé mon fils aîné, ce n'était pas le moment de s'absenter de son cabinet. Il repartait le soir même sur Rouen après avoir partagé avec nous un souper dans une ambiance glaciale.

Après ce petit incident, André me posa plein de questions sur son cousin qu'il connaissait en vérité très peu, contrairement à Malou, qu'il considérait même depuis peu comme sa confidente. Le soir, assis sur le lit d'André, ils se chuchotaient des secrets à l'oreille que je n'avais pas le droit d'entendre. Jeanjean riait en racontant ses petits déboires à sa cousine, encore peu importants du fait de son jeune âge.

La petite Jacqueline avait profité de ces quelques jours d'intérêt diminué pour elle pour s'essayer en douce aux joies de la marche. D'après André, elle avait commencé par se mettre debout contre l'armoire de la chambre le jour de la visite d'Auguste.

Encouragée par sa mère, André, moi qu'il considérait comme sa '' demie-grand – mère '', et Malou, la petite fille s'élança, parcourant deux pas avant de retomber. Couverte de baisers et de congratulations, elle riait couchée par terre en dévoilant ses quelques dents.

Gustavine arrivait un jour en nous annonçant qu’Étienne venait d'apprendre les fiançailles de son frère Jacques. Le mariage était prévu pour le mois de février de l'année prochaine, avec une jeune veuve cliente de son cabinet de notaire. Gustavine s'y rendrait avec son mari et leur fille, à l'église Saint – Maclou de Rouen. Je ne voulais pas m'y rendre car j'avais trop peu accepté le fait d'avoir été renvoyée de chez eux aussi brutalement, et puis, je n'étais même pas sûre d'être invitée.

Cette lettre, lorsque je la lu, me fitcomme un coup de couteau dans le cœur. Malou était avec moi, elle lisait par dessus mon épaule car je savais en vue de l'adresse au dos qu'il s'agissait de Léon – Paul.

Maman,

Vous n'imaginez pas mon bonheur de pouvoir humer l'air de cette belle campagne calme et fraîche, loin du tumulte de Paris pollué. Je respire enfin, maman !

De surcroît, suite à ce repos durant le mois d'août en compagnie de mes amis, et après la proposition du maire de La Houblonnière pour un poste de médecin dans sa paroisse, j'ai pris la décision de ne pas rentrer sur Paris pour exercer ma nouvelle fonction comme je ne peux pas le faire là – bas. Heureux de me savoir enfin utile et que mes études soient reconnues, je vous prie maman de bien vouloir considérer ma décision comme un acte réfléchi et n'ayant rien contre vous ou André, je ferais en sorte de vous donner des nouvelles pour ne pas vous inquiéter inutilement.

Aussi, en tant que fils aîné dévoué =), je vous enverrais une petite rente chaque mois pour que vous ne manquiez de rien, comme je crois que je le faisais pendant mes études à la Faculté.

En espérant ne pas vous décevoir,

affectueusement,

Léon – Paul.

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