Chapitre 33A: mai - septembre 1784

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C'était un dimanche matin de mai. J'emmenais toute ma petite famille à la messe de onze heures, comme j'en avais l'habitude depuis si longtemps. André traînait des pieds comme d'habitude, ce n'était pas un petit garçon très joyeux en général, mais ces derniers mois, il ne riait plus a rien. On sortais de l'immeuble lorsque je me rappelais avoir oublié mon chapelet dans ma chambre. Je m'adressais aux filles.

—'' Attendez-moi là. Surveillez André. Je vais chercher mon chapelet.

Lorsque je redescendais, André suçotait un bonbon près d'un homme qui lui caressait les cheveux en riant. Quelque peu gênée, je prenais mon fils par la main en me demandant d'où lui venait la friandise. L'homme s'adressait a moi.

—'' Bonjour. Vous vivez dans l'immeuble?

—'' Oui.

—'' Je m'appelle André. Enchanté.

—'' Euh... Excusez moi, nous allons à la messe, je dois vous laisser. Au revoir.

Sur le chemin, André avait l'air enjoué.

—'' Le monsieur y s'appelle comme moi et pi il m'a donné un bon!

—'' Un bonbon André. Vous avez retrouvé votre langue à ce que je vois. Dépêchez-vous de le manger.

Après la messe, nous rentrâmes directement. Sur le palier, pendant que j'ouvrais la porte, je croisais de nouveau le voisin. André courait vers lui.

—'' Alors bonhomme? je vois que vous aimez les bonbons! Je n'en avait qu'un, mais chez moi, il y a un bocal rempli ! S'exclama l'homme

—'' André! Quelles sont ces manières? On ne court pas vers les inconnus comme ça. Surtout si c'est pour avoir des bonbons. Excusez-le.

—'' Cela ne me dérange pas. Vous savez, quand on vit seul, les sourires des enfants font votre bonheur. Vous permettez que je lui en donne un autre?

—'' Bon... Si cela peut le faire sourire un peu. Mais ce sera le dernier. Nous passons à table dans moins d'une heure.

André suçait avec gourmandise le bonbon, ses mains collaient, sa bouche aussi. Il n'avait plus dans les jours suivants que le nom du voisin dans la bouche. André, André, André. Je le recroisais souvent, ce voisin, c'est vrai qu'il était charmant. Malgré sa solitude, il avait l'air de croquer la vie à pleines dents. Mon fils retrouva vite le sourire et l'appétit, dès qu'il le voyait, son visage s'éclairait. Lorsque nous fûmes invités dans son petit appartement pour prendre un dîner, quelques semaines plus tard, il dévora son assiette sans en laisser une miette. Il avait même entrepris de l'appeler papa, mais je trouvais cela un peu rapide et je l'en dissuadais.

Au début de l'été, je recevais une lettre d'Auguste destinée a Malou, qui l'informait qu'il viendrait la chercher dans deux semaines, pour la ramener dans le nouvel appartement que Auguste père avait acquit pour qu'elle ait sa chambre. Je tentais de la lire discrètement, mais Malou, qui attendait cette lettre depuis quelques jours, l'intercepta. Folle de joie, elle prépara ses affaires, bien que je jette la lettre au feu, que je la punisse, je ne voulais pas cela pour elle, mais elle était cette fois plus douée que moi.

—'' Vous m'entendez Marie - Louise? je ne veux plus entendre parler de vous! Vous vous débrouillez avec votre père, vous avez gagné, vous devez être fière de vous, mais ne comptez pas sur moi pour vous aider sur quoi que ce soit.

Deux semaines plus tard, son père vint la chercher. Elle n'avait pas quatorze ans et je ne savais pas comme serait sa vie avec eux. Sans doute douce, peut-être difficile. Je ne l'embrassais même pas, dégoûtée. Elle partait avec ce sentiment d'avoir gagné une bataille, je la quittais avec ce sentiment amer d'avoir perdu la guerre.

Mon fils attrapa la varicelle cet été. Les petits boutons purulents le grattait tant que j'avais dû lui enfiler une paire de gants pour qu'il n'ait pas de cicatrices. On allait se promener, au cimetière chaque dimanche, je me sentais incroyablement libre, je faisais ce que je voulais avec mes deux fils, ma belle - fille. Parfois, André nous accompagnait, il travaillait toute la semaine comme cordonnier mais le dimanche lui permettait de s'amuser avec mon petit garçon. Il était devenu un soleil pour mon fils.

Un jour, il arriva chez nous avec un chat dans les bras. Je n'avais jamais possédé un tel animal, mes fils étaient fous de joie. C'était un gros chat gris qui se lova dans le canapé lorsqu'on le libéra dans l'appartement, Gustavine le caressait avec douceur, le sourire aux lèvres. Lorsque je l'invitais à manger avec nous, André se mettait souvent en face de moi. Il me regardait alors de ses yeux doux, je le trouvais beau. Il avait un visage juvénile, des cheveux bruns, et un sourire enchanteur. Le jour de l'anniversaire des onze ans de Léon - Paul, il lui fis même la surprise de lui offrir un manteau neuf, ce que mon fils n'avait pas eu depuis des années.

Grâce à lui, l'appartement retrouvait la chaleur qu'il avait perdu après le décès de Léon. Une nuit, je me rappelais d'une phrase de ma cousine. France m'avait dit alors que je n'étais encore qu'une jeune fille, que si je rêvais d'un homme la nuit, j'étais amoureuse. Cette nuit là, j'imaginais André en nouveau père pour André.

Un fameux dimanche de septembre, je sirotais un verre d'eau, tranquillement assise chez André, tandis qu'André était gardé par Léon-Paul et Gustavine, à la maison. Mon voisin pris alors un air sérieux, en m’attrapant délicatement les mains.

—'' Louise. Je voudrais vous demander quelque chose. Réfléchissez-y, mais sachez que je veux pas de réponse tout de suite. Voilà... Accepteriez vous de m'épouser?

—'' Oh... Écoutez André... C'est un peu rapide... Nous nous connaissons depuis quelques mois a peine...

—'' Réfléchissez - y. C'est tout ce que je vous demande.

Le soir dans mon lit, je pesais les inconvénients et les avantages de ce mariage. Je ne parvenais pas à me décider, mais rien ne pressait de toute façon. En voyant André jouer avec André, je me disais qu'il ferait un merveilleux beau-père.

La nouvelle du décès de ma nièce, Françoise, en réalité décédée le soir de ma visite, me fit l'effet d'un coup au cœur.

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