Chapitre 33B: octobre 1784

5 minutes de lecture

Après que j’eus décidé de refuser le mariage, puis que finalement, je restais sur une décision qui était la bonne, selon moi, je me rendis chez André pour lui donner mon choix, un soir où j'étais sûre qu'il serait chez lui.

—'' Bonjour André. Puis-je entrer?

—'' Bien sûr, faites comme chez vous.

Je m'installais sur le canapé, puis en tenant avec anxiété ma petite besace, après qu'il m’ait proposé un thé, je me lançais.

—'' Je veux bien me marier avec vous. J'ai réfléchi et je suis d'accord.

—'' C'est vrai? Vous êtes sûre? Je ne voudrais pas vous presser...

—'' Non, c'est bon, je me suis décidée. Pour André et Léon-Paul. Et puis un peu pour moi aussi. Je ne peux pas rester toute seule.

Il vint s'asseoir près de moi, et je posais mon unique condition.

—'' Je ne veux pas d'autres enfants. C'est la seule chose que je vous demande. Cela ne vous dérange pas?

—'' Non. Je considérerais André et Léon-Paul comme mes fils, même si je ne pourrais les coucher sur mon testament, ne possédant rien. Si il n'y a que cela, alors tout est parfait. Il n'y a plus qu'a décider de la date.

—'' Pour suffisamment marquer l’événement, je propose le vingt-cinq février de l'année prochaine. C'est la date d'anniversaire des quatre ans d'André. Il sera content.

—'' Marions-nous plutôt le vingt-sept. Je travaille en semaine, le dimanche sera plus convenu, sinon, je devrais quitter immédiatement l'église après la cérémonie, ce ne serait pas confortable.

L'idée de ce mariage donnait des ailes à André. Il était de plus en plus proche de moi, et moi de plus en plus proche de lui. Ce serait un mariage très simple, il n'était pas question de dépenser l'argent que nous n'avions de toute façon pas dans une cérémonie grandiose.

Les enfants étaient ravis, même si André avait du mal a comprendre que Léon resterait à jamais son père, mais que André le remplacerait. Il me disait que André serait son faux père, je le corrigeais, il serait son beau - père.

Octobre fut doux. Un soir, André se mettait a rire aux éclats. C'était tellement rare que je m'en souvenais comme si c'était la seule fois. Il avait retrouvé le chat couché dans son lit. Gustavine se mit à rire aussi, lorsqu'il le dégagea avec détachement en le prenant par la peau du cou, et en le jetant au sol. L'animal, surprit dans son sommeil, se sauva dans l'appartement et alla se blottir sous le grand meuble du salon.

Quelques jours plus tard, Gustavine m'aida à essayer ma robe de mariée, celle que je portais le 4 janvier 1773, le jour de mon mariage avec Léon. Malheureusement, je ne rentrais plus dedans, ayant pris trop de poids pendant mes cinq grossesses. N'ayant ni les moyens ni l'envie de me racheter un habit, je me contenterais d'un vêtement du dimanche. Repassée, la jolie robe blanche conviendrait aussi très bien pour l'occasion.

Gustavine était restée au lit toute la matinée du onze octobre, prise d'un mal de ventre qui lui donnait des nausées, et qui la faisait se crisper et se recroqueviller dans son lit. La nuit précédente, elle n'avait pas fermé l’œil. Ses mains chaudes sur son ventre endolori avaient l’air de la soulager, en guise de bouillotte. Elle n'avait rien avalé de toute la journée. C’est alors qu’elle se mis à crier, depuis la chambre. J’accourus.

—'' Que se passe t-il Gustavine?

—'' Je saigne! Je vais mourir Louise! Mon Dieu épargnez - moi...

Une petite gifle, comme c'était la coutume, la fit se taire. Elle avait presque dix-sept ans, c'était une femme désormais. Je ne lui expliquais rien, parce-que je ne savais pas grand chose sur le sujet et que ce n'était pas nécessaire de lui faire peur. Elle mettrait des langes, elle se débrouillerait quoi.

Dans le miroir, nous nous contemplâmes tous les quatre. Moi, jeune veuve au visage blanc et aux cheveux roux blanchis attachés rapidement par un chignon, je portais une robe bleue qui couvrait mes pieds. Je tenais les épaules de mon petit garçon, qui fixait la grande glace de ses yeux d'enfant, il portait des cheveux courts blonds raides que j'avais recoupé depuis son anniversaire, il les avait raide, contrairement à Léon - Paul qui les avait toujours eu bouclés. Gustavine était une jeune femme maintenant, qui portait ses cheveux bruns attachés par une tresse que j'aimais lui faire et une robe toute simple. Quant à Léon-Paul, il me ressemblait beaucoup, avec ses boucles rousses que j'avais dû recouper, les quelques tâches de rousseur qu'il lui restait, il portait un pantalon de toile, une chemise blanche, et des chaussures en cuir abîmées que je devrais raccommoder. Bientôt, André entrerait dans notre famille. En attendant, il vivait toujours dans son logement au dessus du nôtre, jusqu'à temps que l'on se marie, et ensuite, il irait s'installer chez moi.

Même si André ne vivait pas avec nous, chaque dimanche nous allions ensemble à la messe, et presque chaque soir, après qu'il soit rentré de son travail, il soupait en notre compagnie. Lorsqu'il venait, je ne pouvais m'empêcher de sourire, heureuse de sa présence, de savoir bientôt que je vivrais avec lui, que je deviendrais son épouse et qu'il deviendrait mon mari.

Un jour, je m'inquiéta car je ne l'avais pas vu de la soirée. Il n'était pas venu prendre son souper avec nous comme il en avait l'habitude. Je me souviens qu'André caressait le chat qui ronronnait lové sur le canapé, lorsqu'on frappa à la porte. Léon-Paul couru ouvrir, puis il s'en retourna vers moi, en tenant la porte entrebâillée.

—'' C'est André.

Je m'approchais.

—'' Entrez - donc. Pourquoi n'avez vous pas mangé avec nous?

Il sortit un paquet de sa sacoche en fixant André. Mon fils dégagea le chat de ses genoux et d'un bond, sauta du canapé pour venir vers lui. Il déchira le paquet, ouvrit la boite et nous montra fièrement les crayons de couleur que André lui avaient taillés. Dans une petite boite de bois, quatre beaux crayons, un rouge, un bleu, un vert et un jaune, attendaient de montrer leurs pouvoirs sur une feuille de dessin. Mon fils cadet passa sa soirée à gribouiller, attablé dans le salon, en me montrant de temps en temps ses œuvres. Léon-Paul aurait voulu lui montrer comment écrire son prénom, mais son frère était encore trop petit et maladroit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0