Chapitre 17C: septembre 1768 - janvier 1769

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Puis fini par rentrer dans l'ordre : Philippe n'eût plus mal a ses dents, Amédée retrouva sa santé, et de ces faits Georges reçu de nouveau l'attention de sa maman. Ils finirent par rentrer chez eux en me laissant dans mon éternelle solitude.

Les mois passèrent sans grand intérêt, certains matins je me levais sans comprendre l'utilité de mes efforts pour cette journée à venir. Je me remotivais alors et je pensais à Marguerite, elle qui donnait un vrai sens à ma vie.

Celle-ci, de plus en plus faible, devait être nourrie à la cuillère, bouchée par bouchée, avaler un bol de soupe prenait parfois plus d'une heure. Le pire selon moi était les draps qu'il fallait continuellement changer, car incontinente, la pauvre était réduite à une existence minable, humiliante, rabessante par rapport à la beauté qu'elle avait été autrefois. Célestin ne s'en occupait pas du tout, il passait ses journées à l'extérieur et revenait uniquement le soir pour le souper qu'il réclamait à dix – neuf heures sonnantes. Si par malheur le repas n'était pas prêt lorsqu'il arrivait, il me rabaissait moi aussi, '' Sale incapable'', ''comment je vais vous éviter le couvent ?'' ou encore pire '' votre sœur fait meilleure femme d'intérieur que vous'‘ en effet je détestais que l'on me compare à ma sœur, j'éprouvais une telle jalousie à son égard, je la trouvais si intelligente, si belle, si parfaite, que ré - enfoncer le couteau m'était insupportable.

Malgré ses brimades, jamais il ne levait la main sur moi, mais c'était par simple intérêt : comment trouver un époux à une jeune femme détruite et blessée ?

Alors que l'état de Marguerite ne faisait que se détériorer, et lassée de devoir m'occuper de ces tâches ingrates seule, je décidais de parler à Camille droit dans les yeux. Lorsqu'elle revint me voir un peu plus tard, il était temps pour elle de comprendre la situation. Comme à son habitude, elle me donna un baiser sur la joue et s'apprêta à aller saluer Marguerite. Je l’interrompais.

— ‘’ Camille ?

—''Oui ma sœur ?

—''J'aimerais vous parler de … enfin j'aimerais que vous m'aidiez à prendre soin de Marguerite.

Camille me regarda, baissa les yeux, et s'apprêta à éviter la dispute en s'enfermant dans sa chambre. Cependant je l'en empêchais.

—''Vous ne comprenez donc pas ?!

Je n'eus pas de réponse.

—''Regardez-moi Camille–Marie ! Elle releva les yeux et me fixait maintenant de ses yeux noirs plein de mécontentement.

—''Pourquoi négligez-vous votre rôle ? Pourtant il vous suffirait de venir lui donner à manger...

—''J'ai déjà un rôle à remplir auprès d'Auguste, et puis...

—''Et puis quoi ? Vous me prenez pour votre souillon ? Sans enfant, avec votre mari, la vie doit être confortable, non ?! Vous pensez un peu à moi ?

—''Bien sûr Louise... ce n'est pas ce que vous croyez...

—''Vous croyez qu'il est agréable pour moi de nettoyer les draps à longueur de temps après les besoins de notre tante qui était si humble autrefois ? Vous me décevez énormément Camille...

—''Je ne sais pas... je ne sais plus... Murmura ma sœur en mettant ses mains sur son visage.

—''Si vous ne savez rien alors quittez cet appartement !

Et Camille sortait de la maison. En fin de journée je me repentis, si j'avais eus plus de tact, peut être aurait - elle décidé de m'aider. En attendant j'avais tout fait de travers, Camille n'était pas plus encline à m'aider, et peut être ne la reverrais - je pas avant longtemps. J'étais dans une prison : si je partais, Marguerite mourrait faute de soins, mais aurais – je le courage et la force de continuer à prendre soin d'elle ?

Quelques temps plus tard, suite à une visite de routine, je retrouvais ma sœur recroquevillée sur son lit, les deux mains sur son ventre, elle pleurait durement.

—''Oh mais que se passe-t-il ? La questionnais - je doucement en lui frictionnant le dos

—''C'est que... Hoqueta t -elle comme une enfant. Je suis enceinte.

—''Mais c'est merveilleux ça Camille! Vous allez avoir un enfant!

—'' Mais vous êtes sotte ou quoi?! S'énerva t-elle. Je suis en train de vous dire que je suis enceinte d'un homme que je déteste !

—''Oh, Camille, ne vous énervez pas, ce n'est pas de ma faute tout ça. Et puis Auguste est votre mari. Pensez seulement à l'enfant que vous portez, qui n'a rien demandé non plus. Il ne devra pas souffrir du manque d'appréciation entre ses deux parents, vous m'entendez?

—''Mais je ne veux pas d'un enfant. Je ne peux pas devenir mère maintenant, c'est beaucoup trop tôt… Elle repartait dans ses sanglots, je tentais de la rassurer.

—''Allez, vous ne serez pas toute seule à l'élever et puis, vous n'accoucherez pas tout de suite. Vous aurez quelques mois pour préparer son arrivée. D'accord? Et puis, moi je serais là Camille, hein?

—''Merci… Ravalais t-elle ses larmes, la figure trempée et les yeux rouges en me serrant dans ses bras.

J'étais très heureuse de devenir tante, mais aussi un peu inquiète pour ma sœur qui se voyait imposer cet enfant et qui se rendait compte qu'elle deviendrait mère. Je récitais une longue prière pour que tout se passe bien. Camille, peu de temps après, déménageait dans un appartement que venait d'acquérir son mari.

Toute la famille se réunissait au premier jour de l'année 1769, pour célébrer la nouvelle année. Autour de la grande table du salon, je me souviens de France, Joseph, et leurs quatre enfants : Thérèse, Amédée, Georges et Philippe, qui siégeait tel un roi sur les genoux de sa mère. Camille et Auguste, Célestin, qui avait pour une fois l'air heureux, et moi. Ce soir-là nous partageâmes le moment le plus agréable depuis longtemps. Au milieu d'un fou rire, je repensais à Marguerite, et mon visage joyeux s'assombrissait soudainement : elle était tenue a l'écart dans sa chambre et elle n'était pas même au courant de la grossesse de Camille. à la fin de la soirée, alors que tout le monde rentrait chez soi, je me décidais à aller lui annoncer la venue prochaine du bébé.

Après que je lui annonçais la nouvelle, Marguerite me regarda, ses yeux vieillis sans aucun sentiment. Je fus surprise lorsqu'elle me disait :

'' — J'attendais que … Que vous m'annonciez cela pour partir. J'ai conduit deux de mes filles au mariage, j'ai fait ce que j'ai pu pour qu'elles soit heureuses, je vous ai élevé, et maintenant … vous n'avez plus besoin de moi.

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