Chapitre 17D: janvier - février 1769

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Quelques minutes plus tard, Marguerite ferma les yeux, sa respiration s’accélérait, puis dans une expiration plus forte que les autres, elle s’éteignait à jamais. Je priais et je restais un temps à lui tenir la main, celle - ci était toujours aussi chaude, mais elle était moins douce qu'autrefois. Suite à son départ, je ne parvenais pas à verser ne serait - ce une larme, après tout, elle méritait ce repos éternel plus qu'autre chose.

Notre tante fut enterrée près de sa sœur, son fils, son frère, toutes les personnes autrefois chères à son cœur.

L'appartement était un peu grand pour deux personnes, et Célestin n'était pas présent la journée. Lorsque je lui demandais s’il avait l'intention de vendre la maison, il répondait qu'il attendait mon mariage.

Il neigea en février, et avec ma sœur, nous sortîmes au parc. Les enfants qui jouaient à faire de la luge me rappelaient les bons moments de notre enfance, désormais révolus. Lorsqu'une petite fille sauta de la balançoire, pour atterrir à genoux sur le sol terreux, déclenchant les sermons d'une femme qui devait être sa nourrice, je riais, j'étais comme ça moi aussi. Lorsque je regardais le ventre déjà un peu rond de Camille, je voyais comme une continuation de la vie, ce petit bout d'espoir, encore bien en sécurité contre sa maman, découvrirait la vie dans quatre mois. Un jour peut - être, jouerait-il dans ce parc, et un peu plus tard, regarderait-il ses propres enfants s'amuser ?

Ce soir-là, France étant passée à la maison, j'avais proposé à Amédée de lui raconter un conte, avant qu'il ne dorme. Le petit garçon s'était réfugié sous sa couverture chaude, et m'écoutais avec beaucoup d'attention. J'étais assez complice avec lui, peut - être était - ce son caractère calme ?

— '' Vous êtes prêt mon garçon ?

—''Oui !

—''Alors il était une fois, un petit garçon appelé Georges qui ne vivait avec sa maman et son grand frère Amédée dans un grand appartement à Paris. Il était heureux, il aimait bien sauter dans les flaques d'eau après la pluie et jouer à la bagarre avec son frère. Par contre, il n'aimait pas les haricots blancs.

—''Pourquoi il n'aimait pas les haricots blancs ?

—''Parce-que ça fait péter. Lui répondis-je très sérieusement

Amédée était mort de rire, ce genre de phrase qu'il n'entendait pas souvent, dans sa tête de petit garçon, faisait comme une étincelle.

—''Bon, j'en étais où… Ah oui, j'aurais oublié de dire l'essentiel si je n'avais pas dit qu'il détestait se laver. Sa maman lui disait toujours : oh Georges, vous êtes tout crotteux, venez vous laver !

Alors vous savez ce que Georges faisait ? Il échappait aux mains de sa mère comme un savon (oh non !) et courait se cacher sous son lit. Sa maman l'appelait :

—''Georges ? Georges ? Où êtes-vous passé ?

Elle le chercha, si longtemps qu'elle finissait par bailler et se dire à elle toute seule :

—''Bon, si Georges ne veut pas se laver, il sentira mauvais et son frère ne voudra plus jouer avec lui. Mais bon, c'est son problème…

—''Alors Georges se disait : Maman elle dit ça pour me faire sortir de ma cachette, mais je ne tomberais pas dans son piège.

Un jour cependant, alors que Georges s'était encore caché sous le lit, et qu'il sentait très mauvais…

—''Les haricots qui pètent ? Demanda Amédée

—''Oui, les haricots qui pètent, si vous voulez ! Alors son frère vint le voir avec un biscuit qui sentait bon dans la main, aussi Georges lui demanda un biscuit, et il répondit : maman elle donne les biscuits dans la cuisine.

Alors prudemment, le petit garçon sortit de sa cachette, courut très vite pour demander un biscuit à sa maman. Vous savez ce que la maman fit ? Elle l'attrapa par les oreilles et l'envoya tout habillé au bain !

Georges n'était pas content du tout, il boudait, dans son coin. Le soir, quand le père rentra, il s'exclama : oh Georges, vous sentez bon, je vais vous donner un biscuit pour vous féliciter. Georges était tellement heureux que désormais, il voulait toujours être le premier au bain !

—''Voilà. Au lit petit ange.

—''Moi maman elle me lave toujours même si je me cache sous le lit. Et père il dit que je vais être puni si je prends la tête à maman.

—''Et votre maman, elle fait des biscuits ?

—''Parfois, mais c'est toujours pour le dessert et je n'ai droit d'en manger qu'un seul, sinon mes dents vont se gâter.

—''Bonne nuit Amédée. L'embrassais-je.

Je rabattais encore la couverture du garçon, et soufflais sa bougie. Puis j'accompagnais le petit Georges vers sa chambre.

Quelques semaines plus tard, Camille venait me voir chez Célestin, inquiète.

—''Mes robes ne me vont plus Louise, depuis quelques semaines, je me sens étouffée dedans.

—''C'est normal, vous attendez un enfant. Je ne sais pas quoi vous dire, faites-vous faire une robe sur mesure.

—''Auguste n'a pas trop les moyens pour ça, et puis je suppose que je continuerais a prendre du ventre jusqu'à que l'on m'accouche ?

—''Je crois oui, mais porter des robes amples est la seule solution. De mon côté, je ne peux rien faire… Tentez de camoufler votre ventre, mais de toute façon, vous n'avez pas trop a sortir de chez vous, alors en robe de nuit ou en robe de jour...

—''Je ne vais tout de même pas recevoir ma belle – mère ou même vous en robe de chambre ! Sinon, vous avez raison, je devrais le cacher, il n'est pas beau, mon gros ventre.

—''Non Camille, ce n'est pas cela, vous êtes belle même dans cet état. C'est juste que la société veut que les femmes enceintes n’exhibent pas leur grossesse, c'est une simple question de pudeur. Une question d'ordre moral aussi…

—''Oui je sais.

—''Sinon j'avais une question : quand une femme tombe enceinte, elle le ressent ou non ?

—''C'est à dire ? Je… je ne comprends pas.

—''Quand le bébé s'est installé, vous avez ressenti quelque chose ? Je ne sais même pas comment cela fonctionne, je connais les principes de base mais j'ai du mal à comprendre comment on peut passer d'un homme et d'une femme à un bébé. Cela m'étonnera toujours.

Ma sœur riait, avec ce sourire coquin qui voulait tout dire.

—''J'ai bien une petite idée de comment cela arrive, mais je ne vous dirais rien. C'est simplement trop… trop… abstrait pour vous.

—''Dites s'il vous plaît, je vous en prie, si vous savez… Camille…

—''Non. Répondit-elle sérieusement. Vous vivrez, vous saurez et vous comprendrez ces choses - là par vous-même.

Je lisais en cachette la gazette de Célestin, car il disait qu'une femme n'avait pas a être concernée par les faits divers au Royaume de France ou dans le monde. Je savais parfaitement où il cachait le journal, alors je lui substituais en son absence et je dévorais les articles, recopiant au passage les plus intéressant pour pouvoir prendre plaisir à les relire le soir dans mon lit. Je repensais souvent à la petite fille disparue du parc il y a neuf ans, c'est si triste de voir sa vie basculer en quelques minutes. Je me souviens, c'était un beau jour de mai 1758, alors que je courais comme à mon habitude je l'avais bousculée, deux mots échangés, un simple '' Veuillez-m'excuser '', comment aurais-je pu savoir que le lendemain elle ferait la une des journaux ? Sûrement était-elle morte depuis longtemps, mais peut-être avait-t-elle pensé à moi avant d'être achevée par son agresseur ?

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