Chapitre 5D: juin - juillet 1756

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Comme nous étions pressé de savoir ce qu'il y avait écrit, ma tante nous fit la lecture. Le destinataire n'était autre que Victoire de Châteauroux !

Une fois qu'elle eu terminé, nous restâmes bouche bée un instant. Nous allions rendre visite à notre mère pour la première fois ! La surprise laissa vite place à l'inquiétude, ne risquais-je pas d'être déçue ? A quoi ressemblait–elle ? Pourquoi tenait-elle à voir ses filles après tant de temps ? Ma tante elle-même s'inquiétait, se demandant si sa sœur allait bien.

Bientôt morte d'inquiétude, je me posais vraiment beaucoup de questions. Mes mains tremblaient, ma bouche sèche, j’avais envie de la voir, mais je redoutais terriblement ce moment.

Heureusement, ma tante nous informa que nous ne serions reçues là-bas que dans deux jours.

J'aurais le temps de respirer et de réfléchir. Durant ces deux jours, je ne mangeais presque plus, rongée par l'appréhension. Camille, courageuse, n'avait pas peur, ou du moins, elle ne le montrait pas.

Puis ce fus le moment du départ, le trois septembre 1756, j'allais voir celle qui m'avait mise au monde pour la première fois. Durant le trajet, mon ventre me faisait souffrir, les mains moites, je triturais nerveusement mon mouchoir en tissu. Je n'avais alors qu'une envie, que la voiture s'arrête et fasse demi – tour. A mon grand regret, le trajet ne dura pas très longtemps, et nous arrivâmes rapidement près d'un immeuble.

Au moment d'entrer dans le bâtiment, alors que j'avais jusque là réussi à me contenir, les larmes me montèrent aux yeux, brouillèrent ma vue, et je ne parvenais plus à les empêcher de couler sur mes joues. Ma sœur s'agenouilla devant moi pour être à ma hauteur, me prit les mains, me consola et me rassura.

— N'ayez pas peur Louise, nous ne resterons pas longtemps et cela se passera bien, vous verrez.

Sur ces mots, elle me baisa la joue, puis me donna la main. Ma tante, voyant mon chagrin, s'adressa à son tour à moi.

— Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de raison que cela se passe mal.

Quelque peu rassurée, je suivis Camille tout en traînant des pieds. Nous montâmes des escaliers, pour arriver devant la porte d'un appartement. Ma tante frappa deux coups, puis la porte s'ouvrit. A ce moment-là, j’eus envie de déguerpir. Un homme ouvrit, vêtu simplement et portant une moustache. Il nous invita à rentrer et tout de suite, je questionnais ma tante :

—''Est - ce mon père ?

—''Votre père est décédé à votre naissance. Il s'agit d'un homme que je ne connais pas.

L'appartement, modeste comparé au notre, était tout de même coquet. Mon cœur battit plus fort lorsque j'aperçus une femme assise dans son fauteuil. Dès qu'elle nous vit, elle se leva pour venir vers nous. Elle s'avança doucement, prudemment, comme si elle n'était pas sûre que nous étions ses enfants. Elle portait de beaux cheveux noirs mais un visage vieilli.

Arrivée près de nous, elle salua d'une longue bise chaleureuse sa sœur, puis elle s'approcha de moi et Camille. Elle nous serra dans ses bras aussi fort qu'elle le pu et nous embrassa.

— '' Mes filles, mes enfants, vous êtes si belles, comment ai - je pu vous abandonner toutes ces années ? Pardon, pardonnez-moi, je vous en prie.

Une nouvelle fois, les larmes me montèrent aux yeux.

—''Maman...

Camille, impassible, ne versa pas une larme. Elle en voulait à notre mère de nous avoir ignorées des années durant. Ma soeur n'avait pas l'intention de la considérer comme sa mère, car celle qui nous élevait, c'était notre tante. Elle aurait dû pouvoir lui pardonner, la rancune n'étant guère un bon sentiment. Pour la première fois, je n'étais pas d'accord avec elle, prenant l'indépendance de son opinion.

Maman nous prépara un bon repas, que nous dégustâmes avec appétit. J'aurais aimé rester indéfiniment avec elle, mais ce n'était pas possible. Je demandais le pourquoi du comment à ma tante Marguerite.

—''Votre mère ne peut pas s'occuper de vous. Ce n'est donc pas pour rien qu'elle vous a confiées vous et votre sœur à mes soins et ceux de mon époux.

Après le repas, nous repartîmes, moi avec le cœur fendu, triste de quitter ma mère, et ma sœur bien soulagée. Je ne la comprenais pas. C'était une femme bonne, qui avait cru bien faire en nous laissant à sa sœur. Il n'y avait aucune raison de lui en vouloir.

Peu de temps après cette visite exceptionnelle, la deuxième fille de ma tante, Marie, âgée de dix – huit ans, rentra à la maison, après avoir étudié quatre ans dans un couvent parisien.

Elle ne comptait pas rester enfermée ici, et aussitôt qu'elle ai déposé ses affaires, elle sortit rejoindre ses amies au bas de l'hôtel, sans même nous adresser un regard. Sa mère ne pouvait rien faire pour l'empêcher de sortir, bien qu'elle connaisse les habitudes de sa fille, à savoir fréquenter des garçons, et faire je ne sais quoi avec eux. Attitudes qui pour des filles de son âge étaient des plus vulgaires, et extrêmement mal vues.

Mon oncle se devait d'empêcher Marie de détruire la réputation de sa famille, et il n'avait pas d'autre choix que de la confier aux bons soins de l'Eglise, le mariage étant inenvisageable, personne ne voudrait d'elle. Lui et sa femme réfléchissèrent beaucoup sur leur choix d'ainsi précipiter le destin de leur fille, car en la confiant aux nonnes, ils la condamnaient à finir tristement ses jours, sans enfants, sans mari.

Pour l'instant, la jeune fille ne se doutait de rien, et ses parents la laissait terminer son adolescence, insouciante, de toute façon, il n'y avait plus grand chose à faire pour elle.

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