Chapitre 4C: décembre 1755 - janvier 1756

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Anne ( 1748 - janvier 1755)

Un matin de décembre, Anne se réveilla avec des rougeurs sur les avant – bras, qui ne la démangeaient pourtant pas. Cela n'inquiéta pas particulièrement sa mère, qui se contenta d'appliquer une pommade à base de plantes, pour faire diminuer l'éruption cutanée.

Deux jours plus tard, les rougeurs persistaient et s'étendaient même jusqu'aux mains. Marguerite alerta alors le médecin, pour qu'il donne son pronostic. L'homme ausculta rapidement l'enfant, et conclut à une crise d'allergie, rien de grave en soit. Il rassura Marguerite et Jean en leur affirmant que les rougeurs auraient disparues d'ici quelques jours. Les parents n'eurent même pas à attendre pour s'apercevoir que les rougeurs continuaient de s'étendre, et recouvraient bientôt la totalité des bras de leur fille. La petite commença quelques jours après les premiers symptômes à se sentir mal, souffrant d'un terrible mal de poitrine.

Bientôt, son mal fut étendu sur tout son corps, et elle avait de plus en plus de mal à se nourrir, car la douleur dans sa poitrine était insupportable. Alors sa mère, la tante de Louise, la nourrissait à la petite cuillère, passant des heures à lui faire avaler une assiette de purée. Elle appliquait elle - même tous les soirs et matins une pommade sur le corps de sa petite fille, ayant soin de n'oublier aucun endroit. Pour la soulager, elle lui faisait prendre trois bains par jours, la séchait délicatement pour ne pas lui faire mal et la prenait sur ses genoux.

En tentant de lui faire oublier le mal qui la rongeait, elle lui chantait des chansons, lui contait des histoires, ayant peut-être l'espoir de voir un sourire se dessiner sur son joli visage, seul endroit encore épargné par la maladie. La nuit, elle se levait, pour faire prendre un bain à Anne, incapable de dormir car pliée de douleur. Très fatiguée, mais souhaitant soulager sa fille, elle n’abandonnerait pas les soins. Au nouvel an, son état n'avait ni évolué dans le bon sens, ni dans le mauvais, elle parvenait toujours à marcher, à parler, mais c'était la douleur persistante et insupportable dans sa poitrine qui la rendait dépendante de sa mère.

Sa douleur devenait bientôt tellement insupportable que plusieurs fois, elle demanda à ce qu'on abrège ses souffrances, geste impossible à faire pour un parent. Un matin de la fin janvier, elle fut retrouvée morte dans son lit. Le visage paisible, on aurait dit qu'elle dormait. L'on accusa son père de l'avoir empoisonnée, mais personne n'alla creuser pour obtenir de quelconques preuves. Anne fut enterrée dans le tombeau familial.

Le jour de l'enterrement, en regardant les inscriptions figurants sur le bâtiment, Louise s'étonna d'y voir un nom semblable à celui de son oncle. Curieuse, elle lui posa donc la question.

— '' Qui est ce Jean mon oncle ?

—''La curiosité est un très vilain défaut mademoiselle. Vous devriez l'effacer au plus vite.

Ce jour – ci, Louise découvrit enfin les trois sœurs aînées de sa cousine Anne. Jusqu'à aujourd'hui elle n'avait déjà vu que la plus jeune des trois, France, quelques mois avant son départ, il y a deux ans.

La plus âgée, Élisabeth avait dix - huit ans, la cadette Marie, dix – sept ans et la benjamine des trois, France, était âgée de seize ans. Toutes ressemblaient de façon troublante à leur défunte sœur, toutes vêtues de noir, d'une voilette qui couvrait de façon partielle leur visage trempé de larmes appelée '' mantille'', et d'un large chapeau qui les masquait un peu plus encore. Louise était un peu triste, mais ne sachant pas encore exactement ce qu'était la mort, elle ne faisait que suivre les adultes et se taire.

Marguerite, accablée de chagrin, ne fit jamais vraiment son deuil. Mais il fallait qu'elle continue de prendre soin de ses nièces coûte que coûte et c'est sans doute ce qui lui permit de garder la tête hors de l'eau. Sa fille aînée de dix - huit ans, Elisabeth, qui venait de rentrer du couvent après y avoir étudié pendant quatre ans, l'aiderait à s'occuper d'elles. La tante de Louise portait le deuil par une robe noire et une voilette, et le rire, entre les murs ou en dehors, leur fut proscrit pendant quelques temps.

Élisabeth, heureuse d'être rentrée, retrouva ainsi sa mère, son père et sa chambre.

Jean, souvent absent, ne participait presque pas à l'éducation de Louise et Camille. C'était donc à leur cousine et à leur tante de veiller sur elles, bien que les employées les aident énormément. Louise pensait qu'Élisabeth, très gentille, l'infantilisait un peu trop. Après tout, à presque six ans, pensait - elle, elle n'était plus une petite enfant !

Comme son âge l'imposait maintenant, elle ne faisait plus d'études et passait donc son temps à rêver dans sa chambre. Marguerite aurait aimé qu'elle se trouve un mari qui lui plaise, plutôt que son père ne décide à sa place. Elle lui faisait parfois des réflexions :

— '' Ma fille, cessez de rêver et songez plutôt à vous trouver un mari. Sinon, vous savez bien que c'est votre père qui le fera, et vous serez malheureuse.

—''Ma mère, j'ai encore bien le temps de penser à d'autres choses, ne croyez - vous pas ?

—''Faites comme vous le voulez, mais je vous aurais prévenu.

En février, les températures descendirent tellement basses que la Seine gela littéralement sur deux lieues. Louise, Marie-Anne et Marie-Catherine marchèrent donc jusqu'au fleuve complètement figé, pour pouvoir s'amuser dessus. Des milliers de personnes avaient eu la même idée qu'elles, mais qu'importe. Une après–midi entière, elles glissèrent sur la glace avec au début peu d'assurance, mais à la fin confiance et véritable plaisir.

Le soir venu, Marguerite gifla Louise et sermonna sa gouvernante car la petite fille s'était amusée pendant la période de deuil.

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