Chapitre 4B: novembre 1755

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Le deux novembre, en plus de l'anniversaire de Camille, la famille apprit par la gazette que lisait Jean qu'un terrible séisme s'était produit la veille à neuf heures quarante, à Lisbonne, au Royaume du Portugal.

D'après les sapeurs, complètement dépassés par l'ampleur de la catastrophe, la plus importante du siècle, disaient-on, entre cinquante mille et soixante mille victimes seraient à déplorer sur la seule ville de Lisbonne, car l'Espagne et le Maroc étaient aussi touchés de façon moins importante.

Le tremblement de terre fut suivi d'un raz de marée et de dizaines d'incendies dû aux cheminées allumées des maisons anéanties, qui terminaient en quelque sorte le ''travail''.

La plupart des monuments historiques furent détruits, les récits originaux des expéditions de Vasco de Gama ou d'autres explorateurs réduits en cendres, l'opéra flambant neuf, le palais royal, la grande bibliothèque qui abritait soixante-dix mille ouvrages uniques et de la plus haute importance disparurent dans les flammes.

Marguerite se trouvait folle d'inquiétude pour sa sœur Alice, qui y vivait, mariée avec un natif. Elle apprit heureusement par lettre quelques jours plus tard qu'elle, son époux, et leurs trois enfants allaient bien et dormaient provisoirement chez les parents de celui - ci, bien loin de l'agitation qui régnait à Lisbonne en ce moment.

Dans la lettre que la tante de Louise venait de recevoir, Alice décrivait notamment : '' les pilleurs, qui malgré la douleur des familles anéanties, continue de dépouiller les ruines des objets qu'il leur reste'' ; '' Les échafauds, disséminés dans toute la ville, qui coupent les têtes des voleurs dans un désordre incroyable'' ; ''Les enfants, femmes, hommes pleurant, dans les décombres, à la recherche d'un proche disparu'' ; '' La peur de mourir ; ''L'effroi de voir sa vie basculer''.

Dans une phrase sans gaîté, et sans aucune persuasion, Louise entendit sa tante dire à un moment:

— '' Un jour sait t-on, passera-t-elle nous rendre visite...

Après ces événements bouleversants, une heureuse nouvelle vint leur remonter le moral. Le dix-sept novembre, naissait Louis XVIII, héritier de Louis – Ferdinand et petit fils de Louis le bien aimé. Paris resta en fête une journée durant et les heureux parents défilèrent dans toute la ville. Malheureusement pour elle, Louise arriva trop tard pour voir le cortège.

Les jumelles en revanche eurent la chance de l'apercevoir. Très fières, elles racontèrent à Louise le défilé et lui décrivirent le couple royal. une femme ayant l'air prétentieux au nez charnu, aux cheveux gris tressés surmontés d'un ruban et un homme, tout aussi laid dans le carrosse.

Même au mois de novembre, et malgré le froid, tant qu'on ne lui interdisait pas, Louise se rendait au parc.

Les amies de Louise s'y rendaient tous les jours. Elles vivaient dans un appartement beaucoup plus modeste que le sien, bien que confortable. Louise s'y était rendue une fois, sans l'accord de sa gouvernante ou de sa tante. Une femme l'avait accueillie, sans doute une nourrice, un peu avant la naissance de leur frère Jean - Baptiste. Cette femme avait l'air de tout assumer dans la maison, surveillant la cuisson de la soupe du soir, tout en pliant le linge et écrivant un courrier ! Louise n'avait jamais vu ça !

Un jour, curieuse, Louise demanda aux jumelles où étaient leurs parents.

Comme réponse, elle eut le droit à un soupir, puis Marie-Anne lui assura:

— '' Nos parents travaillent, c'est notre nourrice qui s'occupe de nous.

—''Votre mère aussi travaille ?

—''Oui pourquoi ?

Une nuit, Louise fut réveillée, bien que l'hiver règne, par la chaleur qui stagnait dans sa grande chambre. Une moiteur insoutenable qui la faisait transpirer, lui tapait dans la tête tel un marteau et la trempait de sueur. Elle retira sa couverture pour aller voir sa tante dans sa chambre.

Si elle ne fut pas particulièrement bien accueillie au premier abord, dès que Marguerite s'apperçu que Louise était souffrante, elle se leva, enfila une robe de chambre et appela une employée.

La bonne, qui n'appréciait pas d'être ainsi réveillée en pleine nuit, marmonna, puis lorsqu'elle vit Marguerite les sourcils froncés, elle daigna enfin s'occuper de Louise.

Marguerite lui demanda de lui faire prendre un bain frais, ce qu'elle accomplit encore presque endormie. Elle la surveillait du coin de l’œil. Puis l'employée sortit la petite Louise du bain, l'enroula dans une serviette, la frictionna un peu et la laissa aux mains maternelles de sa tante. Celle-ci prit bien soin de la consoler, car son mal était insupportable.

Elle l'a rhabilla de sa chemise légère, puis la prit sur ses genoux. La chaleur de sa peau rassura Louise et le timbre de sa voix suave l'emporta assez rapidement dans le sommeil. La petite fille sentit sa tante la porter jusqu'à sa couche, l'embrasser sur le front encore humide, et quitter la pièce en fermant doucement la porte.

Le lendemain matin, son mal avait cessé. Bien que sa tête soit encore un peu lourde, Louise n'était plus souffrante et elle mangea son déjeuner avec bon appétit, ce qui eut le don de rassurer sa tante.

Marguerite était la sœur aînée de la mère de Louise. Une femme d'environ quarante–cinq ans, à l'apparence juvénile, une taille mince, des cheveux aussi blonds que ceux de ses filles, des grands yeux d'un bleu saphir magnifique et une poitrine charnue mise en valeur par des corsets extrêmements serrés. Louise savait qu'elle était comblée par l'amour que lui portait son mari, ses quatre filles et ses deux nièces, mais quelques fois, elle l'entendait pleurer derrière la porte de sa chambre. Les paroles de son époux ne suffisaient pas toujours à la consoler.

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