Chapitre 3B: juin - juillet 1754

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Quelques jours après l'annonce du mariage, et suite à d'importantes pluies, la rivière de la Seine déborda. Non pas une énorme crue, mais tout de même assez importante pour que les rues soient inondées à quelques centimètres. La famille resta cloîtrée à l'étage de l'hôtel le temps que les voies soit de nouveau praticables. Il n'y eu aucune victime, juste quelques dégâts matériels.
L'eau s'évapora vite, car l'été fut caniculaire. La chaleur dehors était tellement accablante qu'il y eu une impressionnante hausse de la mortalité infantile, mais aussi des personnes âgées.
La seule fois où Louise s'aventura à l'extérieur, les rues étaient absolument pleines de monde. Les maisons en général étaient mal isolées, et les gens préféraient rester dehors.
Dans les chambres, malgré les volets fermés, il faisait une chaleur insoutenable. La nuit, il était impossible de s'endormir, la journée, un bain frais maintenait les enfants dans un confort minimum. Comme il était impossible de rester dans ces conditions, ils furent obligés de descendre se réfugier dans la cave, le seul endroit de l'hôtel a l’atmosphère respirable. Elle avait été aménagée sommairement pour les accueillir avec les esclaves de l'oncle Jean.

Au bout de trois jours sans pouvoir sortir, comme ils ne pourraient pas rester indéfiniment dans cet endroit si inhospitalier, il fut décidé en cas de persistance de la canicule, qu'ils quitteraient la ville un certain temps. Heureusement, ils n'eurent pas à partir de Paris, car les températures redescendirent rapidement à la normale.

Jean possédait trois esclaves. Trois femmes. Toutes servaient à entretenir la famille et l'hôtel. Cependant, il lui arrivait de faire se reproduire l'un d'eux, et de revendre l'enfant une fois qu'il serait devenu capable de travailler. L'une des nègres avait un fils, âgé de sept ou huit ans, réservé par un acheteur potentiel, bientôt vendu. L'autre ne parvenait pas à enfanter, et Jean avait l'intention de la céder prochainement à bas – coût, elle se vieillissait.

Il y avait une fois par an à Paris un immense marché, où s'achetaient et se vendaient des centaines d'esclaves venus des ports d'Afrique et d'Amérique. Un matin, l'oncle Jean invita toute la famille à l'accompagner pour la vente de ses deux nègres. Il avait aussi l'intention d'acheter une autre esclave dans le but qu'elle enfante.

Il habilla dignement ses deux nègres, puis les chargea dans la voiture. Le petit garçon tremblait de peur, séparé de sa mère si brusquement, mais on avait dit à Louise de ne pas avoir pitié, que cette race-là n'avait pas de sentiments. Au bout d'une heure de voyage, un immense hangar se dessina devant leurs yeux. Une incroyable cohue régnait devant le bâtiment.

Jean déchargea les deux nègres, fis descendre son épouse, Louise, Camille et Anne, puis ils se dirigèrent vers l'entrée du hangar. Lorsque Louise y pénétra, cela l’impressionna. Des centaines d'esclaves entravés pour la plupart se tenaient devant leurs propriétaires, une pancarte dans les mains.

Il y avait des vieillards, des jeunes hommes, des femmes, des enfants, des boiteux, des infirmes et même des bébés. Jean cherchait quelque chose en particulier, il ne s'arrêta devant aucun vendeur, selon lui tous des voleurs, des arnaqueurs ou des attrapes - nigauds.

Lorsqu'il s'arrêta devant un homme qu'il salua d'une poignée de main, tout le monde était au courant qu'il savait ce qu'il voulait depuis longtemps. Derrière l'homme, un marchand très réputé, se tenait une jeune noire, qui fixait le sol en triturant un morceau de tissu. Jean ne demanda rien concernant l'esclave au marchand, car il devait déjà tout savoir. Il lui laissa nos deux nègres et il repartit avec la jeune noire, toute tremblante. Elle portait de petites tresses africaines, et avait la peau très sombre. Elle fut chargée dans la voiture pour le retour vers la maison.

Une fois arrivés chez eux, la négresse fut présentée aux autres esclaves, puis Jean lui donna les consignes de la maison, les tâches qu'elle devrait effectuer. Il lui montra la chambre où elle coucherait, la cuisine où elle mangerait et travaillerait.

Puis il lui accorda un temps de repos exceptionnel. Louise s'installa à table avec les autres, où les attendait un beau et appétissant rôti de dinde. Ils récitèrent comme à chaque fois leur Bénédicité.

— Seigneur, bénissez ce repas, ceux qui l'ont préparé, et procurez du pain à ceux qui n'en ont pas. Au nom du Père, du Fils et du Saint–Esprit. Ainsi soit t–il.

Puis la suite du repas se déroula comme tous les autres jours.

Jean ne mangeait jamais en leur compagnie, et que ce soit le midi ou le soir, il prenait toujours ses repas après son épouse et les filles. Cette fois, Louise sentait que l'impatience le rongeait, pour quoi, elle l'ignorait. Il déambulait, sans but précis, allant de chambre en chambre, faisant demi – tour, recommençant. Cela agaçait Marguerite, tout le monde le sentait, mais elle se retenait de dire quoi que ce soit, de sortir quelconque remarque pouvant le faire sortir de ses gonds.

A la fin du repas, Jean cessa son manège, et descendit les escaliers qui menaient au rez de – chaussée, sans doute pour rejoindre sa jeune esclave. Il réapparu quelques instants plus tard, accompagné d'elle et de son nègre. Il fit alors quelque chose d'étrange, puisqu'il s’enferma avec eux dans sa chambre. A ce moment précis, personne n'avait idée de ce qu'il comptait faire, mais c'était un homme sérieux et responsable, à qui l'on pouvait faire confiance. Il n'y avait donc aucune raison de s'inquiéter.

Aucun bruit ne s'échappa de la pièce pendant les longues minutes où il y resta, Louise et Anne scrutaient la porte, dans l'espoir que pour une raison ou pour une autre un événement particulier s'y déroule. Après presque quinze minutes de suspens, il sorti, accompagné de ses deux esclaves. Ces derniers semblaient dans un état particulier, entre la colère et le dégoût. En observant bien, l'on pouvait deviner des larmes qui avaient coulés sur leurs joues. Une question taraudait alors tout le monde, que s'était t-il passé derrière cette porte ?

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