Chapitre 2D : octobre 1753

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Les jours où il pleuvait, Louise s'ennuyait, car Anne suivait des leçons de clavecin et de Latin, langue dont l’écriture était enseignée avant celle du français.

Camille, elle, recevait aussi des cours, mais plus intensivement et elle n’avait pas non plus beaucoup de temps à lui consacrer. L’on emmenait souvent Louise au square lorsqu'il faisait beau, dès qu'elle en sollicitait l’envie. Là-bas, elle retrouvait son clan, ses amis, filles ou garçons, cela n’avait pas beaucoup d’importance à son âge. Puis, quand la fin de la journée arrivait, tous les enfants rentraient chez eux avec leurs nourrices, et elle jouait alors toute seule, ayant besoin de ces moments où il lui arrivait d’imaginer ses parents, la vie qu'elle mènerais s’ils vivaient avec elle. Ses rêves l’emportaient loin de la réalité, elle se retrouvait sur un nuage, dans une bulle.

— '' Mademoiselle Louise, rentrons !

L’on avait vite fait de la ramener sur Terre.

Puis les jours pluvieux et tristes arrivèrent, Anne et Camille poursuivaient leurs leçons, et l’ennui rattrapa Louise. Il lui arrivait d’écraser son visage contre la vitre embuée du salon et regarder la pluie qui tombait. Cela avait le don de la déprimer encore plus.

Le lendemain pluvieux, voyant que l’ennui la rongeait, sa tante lui demanda d’enfiler sa plus belle robe et de se faire coiffer tout aussi bien pour une sortie improvisée. Louise adorait sortir avec sa tante, elle qui remplaçait si bien ma mère, lui apportant toute l’affection nécessaire. Une fois que la bonne eu terminé de lui enfiler ses bas et ses ballerines, elles montèrent dans la voiture. Après une demie - heure de voyage, elles arrivèrent devant un grand bâtiment de pierres plein de charme, où plusieurs voitures étaient déjà stationnées. Sur la devanture de la bâtisse, Marguerite lus à Louise ce qu'il y avait écrit, en caractères majuscules : ‘’Théâtre de la comédie française''. Sans attente, après avoir reçu deux ou trois baisemains de la part d’hommes tous plus galants les uns que les autres, Marguerite conduisit Louise dans l’immense salle et l'emmena s'asseoir sur un des sièges bien confortables situé sur un balcon, où la vue sur la scène était la meilleure. L’atmosphère était étouffante, l’odeur du parfum rajouté pour masquer les odeurs corporelles lui embrasa le nez. Heureusement, le spectacle qui débuta par un ballet de danseurs professionnels, avec en fond des mélodies classiques lui fit oublier ces désagréments. Les comédiens, dans leurs costumes colorés, faisaient pétiller ses yeux. À la fin de la représentation, Louise avait des étoiles plein les mirettes.

À la fin de la représentation, juste avant de remonter dans la voiture, un petit homme à l'allure assurée se présenta à elles. Il devait connaître Marguerite puisque, sans même décliner son identité, il retira son chapeau et lui accorda un baisemain.

— Mademoiselle Marguerite, je suis ravi de vous revoir après tant de temps. Cela faisait si longtemps que votre joli minois ne m’était point revenu. J’en oublie l’essentiel, comment vous portez-vous ?

— Je vais très fort, je vous en remercie. Ayez l’obligeance de m’appeler madame, je suis mariée depuis le temps.

L’homme sembla un peu désappointé, mais continua de plus belle.

— Qui est cette jeune demoiselle qui vous accompagne ?

Elle plaçait ses mains gantées sur ma tête.

— Voici ma nièce Louise – Victoire.

— Elle est parfaitement à votre image, mignonne et fraîche.

Marguerite sembla gênée et regarda son gousset accroché à son cou. Elle s'exclama alors de façon presque théâtrale :

— Le temps nous presse, Louise–Victoire a sa leçon de clavecin, au revoir ! De ce fait, elles montèrent dans la voiture pour partir. Bien sûr, Louise n’avait pas encore commencé l'apprentissage du clavecin.

Une fois rentrée à la maison, la petite fille n'osa pas lui reparler de l’homme.

Ce n'était certainement pas un après-dîner au théâtre qui empêcherait l'ennui de la rattraper.

Louise faisait des expériences, avec plus ou moins de réussite. À vrai dire, son objectif était de tester les adultes pour se rendre compte de leurs limites. Elle tenta une fois d'écrire son nom à la peinture sur chacun des murs de l'hôtel, et bien qu'interceptée à temps, elle n'eu pas le temps de faire beaucoup de dégâts, son oncle lui asséna quatre gifles bien dures sur chacune de ses joues, deux fessées déculottées et une privation de dessert jusqu'à nouvel ordre. Il arriva aussi à Louise de s'allonger par terre pour décaper le bas de la porte de bois de sa chambre avec un morceau de métal. L'ennui lui faisait vraiment faire n'importe quoi !

Elle passait ses journées à tourner tel un fauve en cage, marchant de pièce en pièce sans connaître l'objectif final de cette ronde. Comme elle attendait le moment où la cuisinière les appelait pour venir prendre le repas ! Louise passait enfin un moment avec sa sœur et sa cousine, bien que parler pendant ce moment - là soit strictement interdit. Elle leur faisait du pied sous la table, et Anne et Camille lui répondaient en ricanant. Parfois, Marguerite passait les voir, et les calmait alors de sa douce voix.

— Vous pourrez vous amuser après votre dîner. Il faut bien un temps pour tout.

Puis une fois le repas prit, les filles retournaient souvent à leurs activités, bien que Anne soit parfois libre l'après - dîner.

Dans ce cas-là, elles se retrouvaient dans la chambre de Louise pour passer un bon moment ensemble fait de rires et de jeux de main, que la petite fille appréciait tout particulièrement. Un soir après le souper, elles couraient autour de la table du salon en chantant à tue-tête :

— Nous n'irons plus aux bois, Les lauriers sont coupés ! La belle que voilà la laisserons nous danser Entrez dans la danse, voyez comme on danse, Sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez ! La belle que voilà la laisseront nous danser et les lauriers du bois les laisseront nous faner Entrez dans la danse, voyez comme on danse, Sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez !

Marguerite avait de la patience contrairement a son mari, et comme les filles ignoraient ses sermons et ses ordres de cesser leur chant aussi fort que faux, il les attrapa chacune par une oreille et les enferma dans la chambre de Louise. Anne et Louise riaient de plus belle en sautant sur le lit, jusqu'à ce qu'une latte ne casse dans un bruit de craquement, et ne vienne stopper leurs bêtises.

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