Chapitre 29A: mai 1780

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Ce trois mai, j'avais trente ans. Une nouvelle étape puisque jusque-là, le fait de pouvoir dire que j'avais vingt – neuf ans me rassurait sur le fait que j'étais encore jeune. Désormais, j’entrais dans une période de vieillesse, mais pour me rassurer, je pouvais me dire que les gens pour la plupart ignoraient mon âge, et qu'il était parfaitement impoli de demander celui d'une dame. Je garderai donc ma vieillesse pour moi toute seule, dans mon esprit déjà angoissé par la mort et la maladie.

Émile, qui avait quatre ans, restait mon bébé. Mais plus il vieillissait, plus mon mari me reprochait de ne pas le laisser grandir. C'est d'ailleurs lui, une grande première, qui lui offrait son premier pantalon et sa première chemise, moi qui aurait voulu attendre ses cinq ans, Léon disait trouver mon comportement envers lui ridicule. Je rangeais donc soigneusement les robes de mon fils. Gabrielle qui, connaissant la surprotection que j'accordais à mon benjamin, m'avait pourtant conseillé de les enfouir pour ''enterrer'' en quelques sortes le bébé qu'avait été Émile dont je ne faisais pas encore le deuil.

Émile était tout excité ce dimanche-là. En effet son père l'emmenait à la pêche au brochet et à l'ablette, au bord de l'étang du village. Mon petit garçon, coiffé de son chapeau '' de ses quatre ans'', un simple canotier qui faisait sa fierté, et de sa canne à pêche qu'il manqua plus d'une fois de mettre dans l’œil de Léon – Paul ou de Malou, suivait Léon, sautillant, devant être très heureux de faire quelque chose avec lui, pour la toute première fois.

Léon, armé de ses deux seaux et de sa canne à pêche, eu l'air de m'interroger par le regard, juste avant de quitter la maison. Dans ma tête, je me disais : vous êtes bien confiant, mais nous allons voir comment vous vous débrouillez avec votre enfant.

J'aurais tout fait pour voir comment Léon gérerait l'énergie et l'impatience de son fils, qui n'avait que quatre ans. Je doutais beaucoup qu’Émile reste des heures à guetter le poisson assis sur la berge, surtout que mon mari, comme tous les hommes, n'avait aucune patience avec les enfants, surtout les plus jeunes.

Dans l'après – midi, François frappa à la porte, il cherchait son ami, je lui disais qu'il était au bord de l'étang avec son père, mais qu'il pouvait les rejoindre s’il voulait. L'enfant couru donc vers l'étang, pour retrouver Émile.

Peut – être une heure plus tard, Émile revint avec François, un énorme poisson dans les bras, aux anges, mais trempé et grelottant. Les deux garçons se disputèrent le droit de garder le poisson, aussi Léon leur confisqua, et me le donna pour que je le cuisine. J'avais horreur du poisson, mais il fallait bien en faire quelque chose. Tout s'était bien passé, bien qu’Émile s'était vite dispersé, surtout quand François l'avait rejoint, la partie de pêche s'était transformée pour eux deux en baignade improvisée, et c'était Léon qui avait pêché seul le brochet.

Gustavine ne posait pas de problèmes, jeune fille discrète, c'était une bonne élève qui restait une des meilleures de sa classe. Son père était fier d'elle, même s’il n'était pas convaincu qu'elle passe son diplôme de sage – femme, il aurait préféré qu'elle se marie jeune, selon lui, cela lui permettrait de bien vivre. Il y avait aussi la société, qui disait qu'une femme ne devait pas travailler, Léon disait aussi que si elle devenait sage – femme, et qu'elle se mariait ensuite, elle serait malheureuse parce qu’elle devrait de toute façon arrêter.

Toutes ces choses qui faisaient que Gustavine n'était pas sûre de faire ce qu'elle voudrait. C'était une jeune fille de douze ans aux cheveux raides bruns, au visage de tout ce qui y avait de plus banal, des sourcils fins, une belle dentition. Je n’avais jamais éprouvé beaucoup d'affection pour elle, car mes fils étaient tout pour moi, même si je l’appréciais. Il y avait plusieurs degrés d'affection, d'abord celui presque amical entre Gustavine et moi, puis celui plus proche qui me liait avec Malou et Michel, une affection profonde, qui n'égalait pas celle que j'éprouvais pour mes deux fils, un amour maternel infiniment tendre. Avec mon mari, la relation était devenue comme deux personnes qui cohabitaient, juste supportable. Je ne pouvais pas dire que je le détestais, ni que je l’appréciais vraiment, c'était juste une relation maritale sans saveur et sans sentiments.

Avec Gabrielle, nous avions remarqué qu'une maison se construisait près de chez nous, de nouveaux voisins qui me ravissaient, j'espérais qu'ils seraient gentils et amicaux, que l'on s’entendraient bien. Notre maison était située juste à côté de celle de Gabrielle, seulement la nôtre surplombait le village, elle était située un peu en retrait et un peu en hauteur par rapport a lui.

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