Chapitre 17A: mai 1768

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Peu de temps après mes dix – huit ans, je me découvrais avec effroi un cheveu blanc, que je m'empressais d'arracher, bien que cela fasses mal. Mon corps vieillissait, je m'usais, et cela me faisait très peur, il était tellement triste de perdre sa jeunesse.

Je n'avais jamais regardé si Camille avait des cheveux blancs, mais je me souviens que cela m'avait marqué chez France, dont les cheveux blonds étaient déjà assez décolorés.

Cela devait être une semaine avant le mariage. Alors que je m’apprêtais a aller prendre mon déjeuner. En passant devant la chambre de Camille qui n'était pas encore levée, je fus étonnée d'y entendre un singulier bruit. Je faisais alors demi–tour et me dirigeais vers sa pièce, doucement j'ouvrais sa porte. La vision de panique me saisit comme un poignard à la gorge, et je mis quelques secondes a réagir : Camille se trouvait assise sur le lit, elle cherchait sa respiration, en se tenant la gorge de ses deux mains, suffocante. Je m'approchais rapidement d'elle, lui parlait pour la rassurer et lui permettre de reprendre sa respiration, en essuyant au passage les larmes qui avaient commencé a embuer mes yeux. Je lui donnais quelques gifles pour qu'elle reprenne ses esprits, et elle finissait par me parler, sa voix chevrotante :

—''J'ai peur Louise…

—''Oh Camille, je suis là moi, ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. De quoi avez-vous peur ? Dites-moi.

—''J'ai peur d'avoir des enfants…

Je lui frottais vigoureusement le dos.

—''Ce sont les enfants qui vous inquiètent ? Mais ça ne viendra pas tout de suite Camille, rassurez-vous. Oh ma sœur…

Je lui relevais la tête, l'embrassais sur la joue et lui donnais à boire de l'eau pour qu'elle se calme. France et Célestin étaient absents, seule Marguerite aurait éventuellement pu me venir en aide. Cette crise de panique montrait bien ce qui se passait dans la tête de ma sœur, terrorisée par ce mariage.

Au matin des noces, le vingt – neuf mai, à peine étais-je réveillée que les enfants de France se trouvaient sur le qui-vive : Thérèse, qui ferait partie des demoiselles d'honneur, portait une mignonne robe blanche, un châle sur la tête et de petits souliers cirés, ses cheveux blonds étaient tressés et elle tenait un beau bouquet de fleurs violettes ; Amédée portait une tunique rouge surmontée d'une veste blanche, ses cheveux cirés sur le côté ; Georges une robe de dentelle, et Philippe idem.

Marguerite, qui viendrait au mariage, s'était levée tôt pour nouer mes cheveux, et m'aider à enfiler ma robe ivoirine, me donner le bouquet de fleurs, me mettre mon châle, mes gants. Cependant, je n’étais pas au centre de l'attention, c'était bien Camille qui se mariait. Celle – ci resta avec France à se préparer dans sa chambre jusqu'à ce que nous partions pour l'église, Marguerite, Célestin, moi-même et les quatre enfants. A dix heures, nous quittions la maison, direction Notre – Dame. Lorsque la voiture nous déposa devant l'édifice, je regardais mon gousset : il était dix heures quarante-trois. Nous patientâmes une heure avec la famille parfois lointaine, ici et là, des cousins de ma mère, de ma tante, mais aussi les parrains et marraines de Camille, c'était la première fois que je les voyais. Puis les invités rentrèrent dans l'église, tandis que les demoiselles d'honneur étaient tenues d'attendre l'arrivée de la mariée.

D'abord ce fut Auguste qui entra dans l'église au bras d'une femme qui devait être sa mère, une femme qui portait une imposante robe bleue, surmontée d'un ruban blanc. Enfin après un quart d'heure d'attente, ce fus Camille dans sa robe blanche qui arriva au bras de son parrain, nous la suivîmes, il y avait cinq demoiselles d'honneur. Aussitôt que nous entrâmes dans l'église, un sentiment de fierté m’envahissait, cela me faisait une étrange sensation de savoir que sa sœur adorée allait se marier. Plus nous avançâmes, plus je croisais des gens que je connaissais, et bientôt, mon cœur battit lorsque je vis mon frère, un homme mûr, qui ne me reconnaîtrait assurément pas. Lorsque Camille eus rejoint Auguste, son parrain se rassit et la cérémonie pouvait commencer. Les futurs époux s'agenouillèrent sur les épais coussins rouges placés devant les marches qui menaient à la chaire du prêtre, les mains jointes et ils récitèrent les prières. Le prêtre demanda leurs consentements mutuels :

—''Auguste Théodore Meursault, vis accipere Camille – Marie Châteauroux hic praesentem in tuam legitimam uxorem iuxta ritum sanctae matris Ecclesiae ?

—''Volo.

—''Camille - Marie Victoire Châteauroux, vis accipere Auguste Théodore Meursault hic praesentem in tuam legitimam uxorem iuxta ritum sanctae matris Ecclesiae ?

Elle regardait l'assemblée, puis répondait faiblement:

—''Volo.

Ils joignirent leur main droite, puis le prêtre les déclarait mariés.

—''Ego conjugo vos in matrimonium. In nomine Patris et Fili, et Spiritus Sancti. Amen.

Le prêtre aspergea les époux d'eau bénite, bénit aussi les deux anneaux, puis il récita encore des prières reprises par l'assemblée, invitant par ces paroles Auguste à enfiler l'anneau au doigt de ma sœur, qui par ce geste était enfin mariée.

Cependant la cérémonie était loin d'être terminée, les époux récitèrent encore des prières, le prêtre leur donna la bénédiction nuptiale. Ensuite, ils se relevèrent, et les demoiselles d'honneur se préparaient à lancer le riz et les pétales de roses sur les mariés. Lorsqu'ils sortirent de l'église, Camille esquissait un sourire, finalement, ce mariage s'était plutôt bien déroulé. Puis Camille suivait son époux chez lui, et nous leur emboîtèrent le pas. Nous prîmes notre dîner chez Auguste, il vivait dans son appartement natal avec sa mère veuve depuis des années et sa sœur de trois ans sa cadette, Adélaïde. La mère d'Auguste nous parla beaucoup de ses trois autres enfants dont on avait plus de nouvelles depuis longtemps, deux filles et un garçon, partis respectivement au couvent et à Nancy pour se marier. Le repas fus simple mais copieux, nous mangeâmes jusqu'à plus faim, et Auguste, plein d'attentions envers sa jeune épouse, la rendrait heureuse. Bientôt, ils s'installeraient tous les deux dans un autre appartement acheté par Auguste, mais en attendant, ils vivraient là.

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