Chapitre 17B: mai - septembre 1768

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Nous restâmes l'après – dîner avec Célestin, Joseph et France, et apprîmes à connaître la famille de mon beau – frère. Tandis que les enfants s'amusaient avec les jeux d'enfants d’Adélaïde et Auguste, nous restâmes tout l'après – dîner à table avec la belle – famille, dont plus particulièrement le mari de Camille, qui travaillait dans une banque, et était passionné de clavecin. C'était cependant un homme timide, aussi lorsqu'il parlait, il ne regardait pas son interlocuteur dans les yeux et cela me perturbait grandement. Notre bon et chaleureux repas fut perturbé par Philippe qui était insupportable, l'enfant pleurait, alors nous rentrâmes de toute façon, nous étions tous un peu fatigués.

Arrivés à la maison, Marguerite dormait, et je devait préparer à manger pour Célestin et moi-même, une soupe de légumes qu'il trouva trop salée. Moi qui me disait que c'était tant pis pour lui s’il avait faim, il réclama autre chose, alors tout en bouillonnant de l'intérieur, je lui préparais un autre plat, dont à mon grand soulagement il se contenta. Avant c'était Camille qui faisait à manger, mais maintenant qu'elle n'était plus là, je devais me débrouiller et prendre les coups des remarques sur la qualité du repas confectionné. Une fois son repas avalé, il s'en alla coucher sans même me dire bonsoir.

Le lendemain matin, je ne me levais qu'à dix heures, j'aurais voulu savoir si Célestin préparerais son déjeuner seul. Alors que je me rendais au salon, il n'y avait personne, sauf Marguerite, qui s'était levée difficilement pour aller manger, car cette fois personne ne lui avait apporté son petit déjeuner au lit. J'eus pitié, et honte, je l'avais oublié dans ma vengeance personnelle. Ma pauvre tante s'était battue vingt ans durant pour nous élever ma sœur et moi, je l'aimais d'un amour fort, et maintenant qu'elle était vieille, je me devais d'en prendre soin. J'aurais voulu voir Camille, pour recueillir ses impressions sur ses noces, mais elle ne vint pas ce jour-là.

Nous restâmes sans nouvelles des semaines durant, ce qui était très long, puis elle revint à la maison quelques jours avant le premier anniversaire de Philippe, j'eus envie de lui demander beaucoup de choses, mais voyant son silence, je me taisais : ce qu'elle ne me disait pas, c'est ce qu'elle ne voulait tout simplement pas me dire. Les époux étaient beaux tous les deux, et comme Célestin disait, il n'y avait plus qu'un fils qui manquait pour venir finaliser le tableau. C'est tout ensemble que nous fêtâmes les un an de Philippe, le vingt —''Cinq juin, Auguste lui offrait un hochet en argent, Joseph fis venir un peintre qui pris un portrait de la famille, et le tableau fus accroché dans la chambre de l'enfant.

L'été fus long et ennuyeux : France et Camille ne passèrent presque pas à la maison. Je passais mes journées à assembler un puzzle refait mille fois, à relire la gazette de Célestin, tout ça coupé par les repas, que j'apportais à Marguerite trois fois par jour, et que je devais confectionner, pour moi et pour Célestin. Celui – ci m'agaçait, il passait ses journées dehors et se mettait les pieds sous la table, en râlant quand ce n'était pas prêt à temps, ou que ce n'était pas à son goût. Je sortais dans la rue, pour me libérer de cette atmosphère étouffante, profiter du soleil et du ciel bleu. Je trébuchais une fois sur un pavé soulevé par une racine, et j'avalais littéralement de la terre, une autre fois en voulant m'acheter une crème glacé je me rendais compte que je n'avais pas d'argent... Des fois je crois qu'il fallait mieux rester chez soi.

Camille revint un peu plus tard, et n'y tenant plus, en l'intime de la chambre, je déversait mes larmes si longtemps contenues. J'étais épuisée des remarques blessantes de Célestin, de l'absence de ma grande sœur, du manque de nouvelles des petits neveux, et de la faiblesse de Marguerite. Camille tenta de me consoler :

—''Louise... voyez je ne peux pas venir vous voir tous les jours, j'ai des obligations d'épouse a présent. Ma sœur je vous aime, mon affection profonde pour vous ne sera jamais changé par mon mariage.

—''Je suis fatiguée de Célestin, voir Marguerite aussi faible me submerge...

—''La seule chose que je puis faire pour vous, c'est tâcher de venir vous voir plus souvent, Auguste est compréhensif, il me laissera sûrement passer à la maison de temps en temps. Séchez vos larmes, elles ne font que vous épuiser davantage.

Puis Camille rentrait chez elle, et je me retrouvais de nouveau seule.

Alors que je me levais le matin suivant, encore somnolente, je sursautais : je venais d'apercevoir une jeune femme de l'autre côté du miroir. Elle fixait la glace de ses yeux dont les pupilles rondes reflétaient le visage, un visage arrondi, mélancolique. De petites boucles rousses tombaient en cascade depuis le sommet de son crâne jusqu'au sol fait de lattes de bois. Elle aurait marché sur ses cheveux si au détour du regard de l'autre côté du miroir, elle ne les avait pas avec délicatesse et détachement, de ses mains marquées de pliures, rassemblés sous un châle couleur ciel. Mes yeux descendaient vers sa taille, difficile à distinguer sous la chemise légère aux bords dentelés qui lui descendais jusqu'aux pieds, de petits pieds que l'on distinguait à peine à cause de la longueur de la robe.

De ces pieds se continuaient des doigts roses, sur lesquels l'on pouvait voir briller la rousseur d'un duvet. La chemise laissait aussi distinguer l'esquisse d'une poitrine encore juvénile, dont la jeune femme avait honte, une belle se devait d'avoir des seins charnus... Cette jeune femme-là n'aimait pas son corps, elle le regardait en se disant qu'il ne lui appartenait pas, que ce n'était pas possible. Pourquoi devrait-elle assumer un physique qui n'était pas le sien, alors que sa sœur s'était approprié son corps sans problèmes ? Ce portrait je le regardait avec précision une fois dans la journée, puis j'évitais ensuite de le revoir dans quelque reflet que ce soit, de peur d'être surprise par sa disgrâce.

Camille avait tenu sa parole, a peine trois jours après sa promesse de venir me voir plus souvent, elle revenait.

—''Il ne voit aucun inconvénient à ce que je vienne vous voir plus souvent, car il sait à quel point je suis attachée à vous. Me disait -elle.

Nous allions nous promener, nous discutions de nos tracas, cependant je la sentais dans la retenue, elle ne me disait pas tout, certaines choses lui brûlaient les lèvres mais au dernier moment je la sentais renoncer.

Philippe effectua ses premiers pas à la fin du mois d'août. Alors que nous vaquions tous à nos occupations, le petit garçon lâcha subitement la main de sa mère qui le retenait, et marcha deux pas avant de tomber lourdement sur le derrière. France souriait devant ce spectacle, quelle mère ne s’extasierait pas devant les premiers pas de son enfant ?

Il y eut une période particulièrement difficile entre le début et la fin du mois de septembre : Philippe faisait ses dents, Amédée attrapa un vilain mal et Georges, lassé de ce manque d'attention de la part de ses parents, tapait, hurlait, brisait, pleurait, pour espérer un peu d'affection. France devant gérer seule ses quatre enfants, préféra venir vivre quelque temps chez nous, de façon à recevoir un peu de mon aide. Je l'aidais en effet, à donner sa bouillie à Philippe, à soulager ses dents, mais aussi à consoler Georges et soigner Amédée. Thérèse restait sagement dans ma chambre pour apprendre son clavecin, nous ne l'entendions pas.

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