Chapitre 60

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Après avoir rassemblé toutes mes affaires, je fonce sur la plage. Je fuis mon frère. Je fuis Marion qui est sur le point d'arriver. Il n'y a que l'océan qui puisse me calmer. J'ai vraiment besoin de faire le vide. Je panique complètement.

Je jette dans le sable mon skate, mon surf, mon sac. Encore une fois, j'ai beaucoup trop bu et l'alcool commence à faire effet. Je tangue. Je retire mon sweat et mon T-shirt. Il ne fait pas très chaud mais j'ai la flemme de mettre ma combinaison. J'enfile juste mon lycra qui ne servira pas à grand chose cette nuit puis je retire mes Converse et mes chaussettes. 

Une fois en maillot, je saisis mon surf et j'abandonne tout pour plonger dans l'eau. Je suis conscient qu'un orage est en train de monter, que l'océan est agité mais je suis moi-même tellement tracassé que les remous puissants qui me ballotent m'aident extérioriser ce que je ressens. Les flots me glacent le corps et pourtant je n'hésite pas à me laisser alpaguer. Je fonce droit devant, d'abord en marchant à côté de ma planche puis je l'escalade pour me hisser dessus. Je rame dans l'eau froide sans lutter contre le courant qui m'aspire avec pour seule compagnie la lune. Comme Max il y a quelques minutes, elle se moque de moi. Au travers des nuages qui défilent devant elle à grande vitesse, elle affiche son sourire brillant pour éclairer les vagues que j'affronte sans force. 

L'océan a raison de moi. Cette nuit, il est trop fort. Je ne veux pas le combattre. J'ai mal partout. Je suis faible et sans volonté. Je m'en veux. J'arrête de ramer. Je grelotte sur mon surf, secoué par le vent qui me pousse loin. Je me retourne vers la plage. Les lumières de la ville se sont éloignées et décalées vers ma gauche. J'ai beaucoup dérivé. Le courant imperceptible m'emprisonne et me retient. Je tremble et ça me fait réagir. Je dois regagner la plage, les éclairs commencent à tomber et le tonnerre à gronder. Brutalement, je ne ressens plus de colère, seulement la peur. La peur de mourir. Dans un élan de survie, je rame vers le rivage et tente de me lever sur mon surf mais le vent est trop fort et j'ai beaucoup trop bu. J'attends chaque vague pour qu'elle me ramène vers la rive. C'est très difficile et j'essaie de ne pas me focaliser sur les lumières de la station balnéaire. Je sais que les courants vont m'amener loin. Tant pis, je marcherai mais avant cela, je dois atteindre le sable. 

Après une heure de patience et la force de mes bras, je touche enfin le sable du bout des pieds. Je suis frigorifié et complètement à bout de souffle lorsque je m'étends sur le sable, épuisé. Il me faut une bonne quinzaine de minutes pour reprendre mes esprits. Mon coeur tape dans ma poitrine. Ma respiration est incontrôlable, comme les larmes qui roulent sur mes joues. Le reflet de la lune sur l'eau scintille et disparait à nouveau. Je suis sonné et perdu. Je sais que je dois me diriger vers la gauche pour revenir vers ma plage mais je suis loin, très loin, à vu de nez plus de deux kilomètres. C'est le tonnerre qui m'oblige à me lever. Il va pleuvoir et je ne suis pas certain d'avoir le courage de marcher. 

J'enfonce mes pieds dans le sable froid et mou. Ma planche sous mon bras, j'avance sans réfléchir, j'ai juste envie d'aller vite. Le vent balaie la dune et m'envoie du sable sur le visage mais je m'active. J'ai laissé mon portable au milieu de mes affaires pour éviter toute tentative de me contacter. Maintenant je le regrette. Je me sens abandonné dans la nuit, dans la vie. Est-ce que j'ai envie de mourir ? Non. J'ai foi en moi, pas en la vie. Je crois que je suis capable de vaincre beaucoup de choses parce que même quand je déprime vraiment, cela ne dure pas. Mon cerveau est ainsi fait, parfois triste parfois gai. 

Je finis enfin par voir la digue de rochers qui protège et délimite ma plage. J'en pleure de joie. Le vent est toujours très fort et j'ai du mal à avancer car je le prends de face mais ma plage est juste là, devant moi et il ne pleut toujours pas. Plus motivé que jamais je vais de l'avant. Je pars à l'assaut de la jetée sans me soucier des huitres qui me coupent les pieds. Je n'ai qu'un objectif : retrouver mes affaires et rentrer chez moi, dans Ma maison...

— Tonio ! Tonio ! crie une voix au loin qui s'agite.

Je ne vois pas très bien, le vent et les larmes me brulent les yeux. Une ombre danse sur la plage, les pieds dans l'eau. 

— Tonio ! Tonio ! 

C'est la voix de Marion qui hurle mon nom à l'océan. Elle est arrivée et est directement venue me retrouver. Je ne sais pas si je dois être heureux ou inquiet mais je fonce vers elle. J'ai besoin de la voir et de la serrer dans mes bras. 

— Tonio ! Tonio ! 

Trop essoufflé, je suis incapable de lui répondre et de rassurer l'angoisse que j'entends dans sa voix. Mais elle finit par m'apercevoir. Je ne distingue pas son visage, je ne sais pas si elle est en colère contre moi,  mais  je jette mon surf par terre et je tombe dans ses bras.

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