Je m'éloigne à peine d'Eva, l'avoir dans mon champ de vision me donne du courage. Je me poste sur le dossier d'un banc. Courbé en avant, je regarde désespérément mon portable en souhaitant que Marion m'appelle. Je n'ai pas envie de faire ce premier pas. J'ai trop en travers de la gorge ses photos avec ce gars. Mon téléphone vibre à nouveau. C'est elle ! Je suis soulagé de ne pas avoir à composer le numéro et soudainement inquiet de ce que je vais lui dire.

— Allo ? je réponds en me raclant la gorge à la quatrième sonnerie.

— Pourquoi tu me raccroches au nez comme ça ?

Je ne sais pas... J'étais en colère, mort de jalousie, j'arrivais pas à me contrôler, j'ai fuit bêtement !

— Parce que... je lâche dans un soupir.

— Bon écoute, Tonio ! Je vais te dire ce que tu sais déjà mais juste pour que les choses soient bien claires entre nous ! Alors de un, ce gars, c'est juste un pote et JAMAIS on ne s'est embrassés et JAMAIS je ne l'embrasserai !

— Pourtant, il a l'air bien accroché à toi ! je dis d'un ton méprisant.

Sur ses photos, Noé regarde Marion avec beaucoup de désir. En plus, les dix dernières de son compte insta sont d'elles...

— Tu me laisses finir, bordel ? hurle Marion agacée.

— Vas-y...

Marion est tendue au bout du fil, je décide de l'écouter. Sa voix vibre et j'ai vraiment envie de savoir ce qu'il se passe. Je ne quitte pas des yeux Eva qui me sourit. Ça m'aide à rester calme.

— Il est peut-être amoureux mais je m'en fiche complètement, parce que je ne l'aime pas. Donc ce que je voulais te dire en deuxième, c'est que j'ai jamais embrassé personne d'autre que toi, putain ! Bon, si, Jimmy mais on s'embrassait juste pour te faire chier... Tonio, y a jamais eu personne d'autre... Tu comprends ce que je te dis ?

Je reste bloqué sur ses paroles, un sourire niais sur le visage. Marion n'a jamais embrassé personne d'autre que moi (et ce con de Jimmy).

— T'as jamais eu personne d'autre, jamais ?

— Non ! Même pas pour un action vérité ou tout ce que tu peux imaginer... Y a eu toi, toi, toi... et Jimmy pour te rendre jaloux. Mais putain, tu le sais bien tout ça ! Alors arrête de t'imaginer des trucs. Je t'ai fait une proposition avant de partir. Et j'ai vraiment hâte de rentrer pour te retrouver... Peu importe ce que poste Noé, on s'entend bien, mais il n'y a pas une minute où je ne pense pas à toi ! Alors, profite de tes vacances et ne doute pas de moi. Compris ?

— Oui !

Ce que vient de me dire ma meilleure amie sur un ton mi-crispé mi-blasé me rend heureux. J'ai envie de sauter partout de joie. Je me garde bien de lui dire quoique ce soit ou même de lui faire comprendre mon bonheur. Je reste de marbre, juste par fierté et pour ne pas reconnaître que je me suis planté. 

— Tu es rassuré ?

— Oui... 

— T'es con parfois !

Non, mais ce n'est pas complètement de ma faute, c'est celle de Max ! C'est lui qui a trouvé ces photos. Moi, j'en ai rien à faire des posts des gens. Je regarde jamais, même pas les fils d'actualités des réseaux. Je vois à peine ce qui passe sur la page d'accueil. Ça ne me serait jamais venu à l'idée d'aller voir les abonnés de Marion ! Tout est parti de cet abruti de Max !

— Je sais !

— Bon, je dois te laisser... À plus tard !

Après ces révélations, je suis complètement détendu et rassuré. Je ne doute plus de Marion. Je traverse le terrain de pétanque et je me rassois à coté d'Eva, un grand sourire au lèvres.

— Alors ? finit-elle par demander.

Je lui raconte, en toute franchise, ma relation avec Marion du début à aujourd'hui. Sa conclusion est simple et directe :

— Toi, t'es amoureux !

J'éclate de rire. Évidemment que non ! Je ne suis pas amoureux, mais j'ai l'habitude d'entendre ça tous les jours, alors maintenant, cela me fait vraiment marrer.

— Pas du tout ! je nie avec assurance.

— Bah, si, c'est tellement flagrant !

Les grands yeux bleus d'Eva veulent percer mes pensées les plus secrètes et cela me perturbe. Je détourne le regard, bondit sur mes jambes d'un coup, ce qui me vaut un mal au genou droit et je commence à partir en lui jetant par dessus l'épaule :

— Bon, si c'est pour me sortir une connerie pareille, c'est pas la peine de continuer...

— Mais pourquoi tu t'énerves ? m'interroge Eva qui me poursuit.

— Parce que je sais mieux que tout le monde ce que je ressens, bordel !

Non mais c'est vrai ça, putain ! C'est pas parce j'aime bien Marion que je l'aime.

— Si tu le dis ! Bon, par contre, je te préviens, Tonio ! À partir de maintenant, je te surveille !

— Tu me surveilles de quoi ?

Je m'arrête pour l'affronter. J'ai l'impression qu'Eva se sent soudainement investi d'une mission et ça me fait peur...

— Tu n'approches aucune fille jusqu'à ton retour... et je veille à ce qu'aucune ne t'approche !

— Ah, Marion serait tellement rassurée de savoir que mon ex me surveille...

J'éclate de rire et Eva aussi. Nous reprenons la direction du mobil-home de ma tante. Toutes ces émotions m'ont donné faim.

— Ex de deux jours...

— Ouais mais ex quand même !

— On s'est embrassés quatre fois... précise-t-elle en levant son index.

— En plus t'as compté ! Pas grave, c'était quand même des bonnes galoches...

— T'es trop gênant comme gars !

Elle me tape sur l'épaule pour m'obliger à me taire.

— Avoue, en plus t'étais amoureuse de moi !

— Mais n'importe quoi ! nie-t-elle en piquant un fard. Comment tu te fais des films, j'en peux plus !

— Vas-y, t'oses pas le dire, t'es toute rouge !

— Je t'aimais bien, voilà ! Mais maintenant, je te surveille !

— Ok, mais je ne vais quand même pas dire à Marion que mon ex se prend pur mon garde du corps... Du moins, pas avant d'être rentré !

— Ouais, tu as certainement raison...