Chapitre 39

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Eva ! Mais oui ! Elle a drôlement changé... J'étais sa première galoche. Je me souviens bien de comment elle stressait. Je ne la vois pas très bien car il n'y a pas suffisamment d'éclairage, mais El le semble plus à l'aise que l'an dernier, moins timide en tout cas.

— Ouais, c'est elle ! je valide en étirant mon cou pour essayer de mieux la détailler.

Elle est face à nous pour chanter en duo un truc pourri des années quatre-vingt. La vieille qui tient l'autre micro et qui la regarde avec admiration doit être sa mère.

— Elle est pas mal, constate Max. Je me souvenais pas d'elle...

Ma tante s'est à nouveau assise avec nous, elle feuillette le répertoire de chansons en fumant une cigarette. J'y comprends rien à leur karaoké. Mais c'est vraiment très drôle à regarder. Heureusement que le ridicule ne tue pas car il y a peu de personnes talentueuses ce soir. Déjà que j'ai plus que du mal à supporter autre chose que du rock, c'est une vraie torture pour mes oreilles.

— Vous voulez pas chanter un truc ? nous interroge ma tante en écrasant sa cigarette. Tonio, y a du rock, si tu veux...

— Ah oui ? je l'interroge juste pour lancer la conversation car je n'ai strictement aucune envie de me discréditer en public et encore moins depuis que je sais qu'Eva est parmi nous.

— Regarde, tu as Téléphone ou Indochine...

Je n'écoute plus ma tante depuis que mon ex a fini de chanter. J'observe la direction qu'elle va prendre pour repérer où elle va s'assoir. C'est juste par curiosité car je n'ai pas pensé à elle plus que ça depuis l'an dernier. Elle m'a ajouté sur ses réseaux, mais on ne s'est jamais reparlé.

— C'est pas du rock ça, tata ! je dis en rigolant.

— Bien sûr que si ! Allez, je réserve Cendrillon et tu viens chanter avec moi !

— Non, non ! T'es malade ou quoi ? En plus, je suis toujours aphone !

Mais ma tante est à peu près aussi têtue et volontaire que moi. Quand elle veut quelque chose, elle l'obtient toujours.

— Mais non, ça va mieux, ta voix ! De toute manière, c'est trop tard ! C'est ton anniversaire, tu fais un effort ! Allez, pour me faire plaisir ! En plus, c'est le rock que t'aime !

— Mais arrête de dire que c'est du rock, putain ! je râle en pensant au massacre des groupes français pour cette catégorie de musique.

— ROCK ! C'est inscrit, ici ! m'indique tata en me plantant le répertoire de chanson devant la figure.

Je lui arrache le répertoire des mains et je la supplie de me laisser tranquille. Mais rien n'y fait. Elle a décidé que je devais m'amuser et qu'à un karaoké, on s'amuse si on chante.

Bien évidemment, aucune de mes cousines, ni mon frère d'ailleurs, ne me viennent en aide pour contredire ma tante. Ils sont tous soulagés qu'elle ait jeté son dévolu sur moi.

— C'est à nous Tonio ! Allez viens, commence à dire ma tante.

— Quoi, déjà ?

Je tente d'esquiver mon tour en reculant mon fauteuil d'un coup pour m'échapper. Mais tata s'agrippe à mon avant-bras avant que je n'ai le temps de fuir.

— Allez, on y va !

— Au pire, tu fais du playback, me conseille Louise en riant.

Max et Clo aide ma tante à me décoller les fesses de mon fauteuil.

— Bande de traitres ! Je vous jure que vous allez payer !

Je jette un coup d'oeil vers Eva qui m'a vu et qui me regarde en souriant. J'ai honte de rien, je me répète dans ma tête... Mais ça restera quand même un des pires embarras de ma vie.

Je finis par suivre tata jusqu'à la scène. Elle n'a pas lâché mon bras et j'ai un peu mal aux genoux en marchant trop activement dans ses pas. Elle monte devant moi et me tend un micro. Je remonte mon maillot de bain. Réflexe inapproprié mais je suis limite à poil sur la scène en pleine nuit. Je n'ai rien qui puisse me cacher. Alors, je remonte tout ce que je peux remonter.

La musique commence. Je reconnais vaguement les premières notes. J'ai du entendre cette chanson quelques fois à la radio, mais je suis incapable de prononcer un mot avec ma voix cassée. Ma tante m'indique l'écran où défilent les paroles. Je voudrais être à des milliers de kilomètres. Tata commence à chanter. Je lis l'écran sans pouvoir sortir un mot et encore moins quand je me rends compte que quatre portables sont fixés sur moi. Max doit déjà être en train de mettre ça dans ses stories. Je vais le tuer !

Je reçois un tape derrière la nuque de ma tante qui m'indique le micro et l'écran. Je hausse les épaules en lui faisant signe que je vais déguerpir, mais elle s'accroche à moi pour m'obliger à danser en rythme. J'ai envie de pleurer... Et mes cousines qui pouffent de rire tout en continuant de filmer.

— Aidez-moi, je crie dans leur direction tout en tendant une main désespérée.

Mais personne ne me vient à l'aide. Pire ! Lorsque la chanson est terminée, je souffle de soulagement en imaginant que c'est la fin du supplice. Mais pas le moins du monde.

— Alors, ce soir, c'est l'anniversaire de mon neveu, commence à déblatérer ma tante qui a trop bu de punch. Il est beau, il a quinze ans et il s'appelle Tonio !

Je lui fais un merci de la tête en la suppliant de s'arrêter là. Je voudrais qu'elle rende son putain de micro et qu'on rentre, mais non, son show n'est toujours pas terminé...

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