Chapitre 37

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Max passe son bras autour de mon cou. Il s'appuie de tout son poids sur mes épaules. Il est lourd et collant à cause de la chaleur et du fait que nous sommes tous les deux torse-nus. Sa proximité me réconforte. Généralement, c'est tout le contraire. Je ne supporte pas son contact. Mais à cet instant, j'ai besoin de bras pour me serrer fort. Pour effacer toute ma peine et calmer mes angoisses. Max me fait penser à Paulo. Peut-être que c'est lui qui lui a dit de veiller sur moi. Ou pas. Je regarde le bassin. L'eau est tellement plate et immobile. Le clapot des vagues me manque. Mon village me manque. Ma maison me manque. Ma mère me manque.

— On peut rappeler Marion ensemble, si tu veux... me propose Max en resserrant son étreinte autour de moi.

Je soupire fortement, encore incapable de prononcer un seul mot. Max tapote affectueusement mon dos et m'enlève doucement mon téléphone des doigts. Il allume l'écran et tape mon code secret. Depuis quand connait-il mon mot de passe ? Je lève les yeux vers lui pour l'interroger. Il ne commente pas mais sourit fièrement. Il est peut-être plus malin qu'il n'y paraît. Je dois me méfier de lui. Max me lâche et se met à coté de moi. Nos épaules se frôlent pendant qu'il cherche dans mes favoris le nom de Marion. Il lance l'appel video. Nos quatre yeux sont rivés sur le téléphone. J'essuie vite fait une larme qui est prête à couler le long de ma joue quand Marion répond. Elle fait signe de la main pour nous saluer. J'esquive un léger sourire pour tenter de montrer que tout va bien mais j'ai encore la gorge serrée par la peine.

— Ça va, Marion ? demande Max pour tenter de briser le silence.

— Oui et vous ?

Marion essaie de percer à travers l'écran mes pensées. Nous nous fixons quelques secondes avant que Max réponde pour nous deux :

— Oui, très bien, comme tu peux voir ! Un peu les dents qui poussent à cause d'hier mais sinon tout va bien !

— Ah oui, vous êtes sortis hier soir ? Alors, quelles folies vous avez encore inventé ? Je veux tout savoir !

Max raconte rapidement notre soirée en exagérant les passages les plus drôles, notamment quand Paulo à draguer les trois filles employées par le pub. Marion rit beaucoup en vérifiant que moi aussi. Mais ce n'est pas le cas. Je souris juste un peu en haussant parfois les épaules parce que je ne sais pas quoi dire. Au bout de quelques minutes, Max conclut en disant :

— Bon, je vous laisse tous les deux. À plus, Marion !

Il me tend mon portable et j'hésite un long moment avant de le prendre. Je ne sais pas quoi raconter à Marion. Je suis bloqué. C'est pas le moment...

Je fais signe que non de la tête à Max mais celui-ci me fait les gros yeux et m'oblige à prendre l'iPhone. J'attends qu'il s'éloigne un peu avant de regarder dans l'écran, le visage de Marion, aussi embarrassé que le mien. Je la trouve tout à coup bronzée. Je ne sais pas pourquoi, à présent ça me frappe. Elle est belle comme ça. Ses cheveux sont encore plus blonds que d'habitude et ses yeux bien plus bleus. Son visage m'apparaît doux et apaisant. J'ai envie de la toucher et je ne peux pas.

Nous nous détaillons à travers l'écran quand elle me demande aimablement :

— Ça va mieux tes genoux ?

Je lui fais oui de la tête. C'est vrai ! Je peux à nouveau marcher sans boiter.

— J'ai des genouillères pour me soulager, je murmure en inclinant mon téléphone vers mes genoux pour lui montrer l'handicapé que je suis devenu.

— Ah oui, quand même ! Faudra peut-être que tu fasses des radios si tu as encore mal à ton retour...

— Non ! C'est pas grave, faut juste attendre que ça passe. J'en ai pour trois mois !

— Si tu le dis...

Je sens qu'elle se retient d'en rajouter pour ne pas me contrarier. Je lui souris à peine, préférant une fois de plus soupirer pour tenter de me décontracter.

— Tu veux que je raccroche ? finit par demander Marion qui semble se lasser de nos silences.

— Non !

C'est sorti tout seul. Du fond du coeur. Comme un cri de désespoir.

— Ok ! répond-elle aussitôt pour me rassurer.

Elle lâche ses cheveux qui lui tombent sur les épaules, puis les secoue légèrement. Ils semblent mouillés, comme si elle sortait de la douche.

— T'as diné ? me questionne-t-elle.

— Pas encore !

— Moi non plus... murmure-t-elle. Écoute Tonio, je sais que c'est super dur pour toi. Je sais pas quoi te dire. La situation est super compliquée. Tu es loin et tu me parles pas...

— Je sais...

J'ai envie de m'excuser de plomber l'ambiance mais je ne le fais pas. Je ne m'excuse jamais. Je n'aime pas ça. Quand je le fais, c'est uniquement par intérêt, quand je sais que je vais perdre gros et que ça en vaut vraiment la chandelle. Ça ne veut pas dire que Marion ne vaut pas le coup, mais ce soir, je suis las de tout.

— T'arriveras pas à me parler, pas vrai ?

— Non !

— Écris-moi, alors...

— Je sais pas...

— Essaie ! Juste un peu, sans réfléchir, même si je comprends pas tout !

Je fais la moue en me demandant ce que je pourrais bien lui dire à l'écrit de plus qu'en face à face.

— Tu vas le faire ?

— Je verrais !

— Je dois partir dîner ! Écris-moi, s'il te plaît, Tonio ! Courage...

Elle coupe sur ces mots. J'appuie ma tête en arrière contre le muret. Je me sens perdu. Sans énergie. Je n'ai jamais connu cette sensation. Elle est peut-être amplifiée par ma nuit blanche et remplie d'excès.

Au moment où je décide enfin de me lever pour me trainer jusqu'à ma tente, je reçois un message de Marion :

Marion : J'attends ton message...

Sans réfléchir davantage, je lui réponds.

Speed : Tout me manque

Marion : C'est quoi, tout ?

Speed : Toi

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