Chapitre 36

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Se retrouver uniquement tous les trois. Sans question, sans rancœur, sans songer à demain. C'est un beau cadeau que me font mes frères.

Trouver enfin sa place dans la fratrie. Partager une complicité avec deux êtres ressemblants. Connaître les traits du visage de chacun pour en comprendre les pensées et les émotions. Avoir la même histoire, le même traumatisme, la même peur. Parce que désormais plus rien ne sera comme avant.

Assis dans le sable de Cannes, avec un fond de musique rock qui sort de mon portable, nous terminons la bouteille de vodka directement au goulot. Paulo, installé entre Max et moi, roule un pétard pendant que je regarde les étoiles briller dans le ciel.

La plage est déserte. Il ne reste que nous. Tous trois déchirés mais heureux. Il fait encore très chaud cette nuit et nous finissons allongés à même le sable pour fumer ce dernier pétard avant de tomber un par un endormi.

Nous sommes réveillés quelques heures plus tard par les rayons du soleil qui se lève sur la mer Méditerranée. Après m'être longuement étirés, nous prenons la direction de la voiture pour rentrer au Camping.

Ma tante et mes cousines me sautent dessus pour me souhaiter mon anniversaire pendant que Paulo et Max foncent dans notre tente pour se recoucher. J'ai la voix à nouveau enroué. Je guette chaque mouvement de Paulo du coin de l'oeil en attendant son départ imminent.

Après plusieurs heures de sommeil, il se lève. Je suis attablé avec mes cousines à jouer aux cartes. Ça m'occupe. J'ai le coeur en mille morceaux.

— Double Kem's, crie Clotilde et Louise en se tapant dans les mains.

— Putain, Tonio, j'avais kem's, râle Laura en me jetant ses cartes en pleine figure.

Je ne lui réponds pas. Je suis perdu dans mon observation de Paulo qui charge son sac dans sa voiture, me lançant par moment un regard rassurant.

— Bon bah, je vais y aller, annonce-t-il en claquant le coffre.

Il retire son polo bleu et le balance sur le siège passager, puis il met ses Rayban Aviateur qui lui vont super bien. Je soupire un grand coup quand il s'approche de moi et qu'il pose sa main sur mon épaule. Sans me lâcher, il embrasse tout le monde alors que je reste assis, le regard dans le vide. Il serre Max contre lui et tous les deux se tournent vers moi. Je déteste les moments d'effusion. Je déteste les étreintes en public.

— Dis-moi au revoir, tête de gland ! m'ordonne-t-il en resserrant ses doigts sur mon épaule.

Je me lève rudement, faisant tomber mon fauteuil. Je ne prends pas la peine de le ramasser parce que je sens tout le poids de la tristesse me tomber dessus d'un coup. Je claque deux bises rapides à Paulo qui cherche mon regard. Je l'évite et je pars le plus vite possible d'ici sans laisser à quiconque l'occasion de commenter.

Max m'appelle une ou deux fois, mais je ne me retourne pas. Je fonce vers le bassin. J'ai chaud, vraiment très chaud, pourtant je ne porte rien d'autre que mon maillot. J'ai envie d'être seul. J'en veux à tout le monde de m'abandonner le jour de mes quinze ans. Je n'arrive pas à croire que c'est terminé, que Paulo est parti, qu'il ne reviendra plus chez moi. Je me sens seul. Je me sens vide. De chaudes larmes dégoulinent le longs de mes joues.

Je trouve un coin tranquille au bord de l'eau. Je me laisse tomber contre un muret pour pleurer. Je déteste la vie. La vie est une pute, je dois toujours m'en souvenir. La vie n'épargne personne. La vie est une salope. Il ne faut pas s'attacher aux gens. Il faut aller de l'avant sans aimer parce que les séparations sont trop difficiles à supporter.

Mon téléphone vibre dans ma poche. Qu'il aille se faire voir. Je ne regarde même pas qui c'est. Que tout le monde aille se faire voir. C'est terminé, jamais plus je croirais ce que l'on me dit. Jamais plus, je ne m'imaginerai qu'on m'aime. Mon portable vibre à nouveau. Bordel de merde, je ne veux pas répondre. Je le sors tout de même de ma poche. C'est Marion qui essaie de m'appeler. Elle doit vouloir me fêter mon anniversaire. Putain, si je ne réponds pas, elle va insister et insister encore. Elle m'énerve quand elle fait ça. Elle me saoule, elle aussi. J'en veux plus de cette fille. Je ne veux plus lui parler. Je veux qu'elle sorte de ma tête. Je veux qu'elle me laisse !

À nouveau, mon iPhone vibre sous un appel de ma meilleure amie. Agassé et en transe, je décroche. Le son de sa voix me fait paniquer, je ne sais pas quoi lui dire.

— Bon anniversaire, Tonio ! déclare-t-elle joyeusement.

— Merci, je gémis.

Incapable de dire quoi que ce soit de plus, je préfère couper la communication. J'essuie mes larmes à mon avant-bras. Putain, j'ai rien pour m'essuyer le visage de mes larmes. Je renifle à fond et crache. Je suis pitoyable. Avec Marion aussi. Je m'en veux de lui faire ça. Mais j'ai besoin d'elle et elle n'est pas là.

Je me sens terriblement seul. Terriblement mal. Accablé par la peine. J'entends des pas dans mon dos. Je ne veux voir personne. J'ai honte de me mettre dans cet état, pour rien. Pour la perte d'un frère. Pour une présence que je n'aurai plus.

— Ça va ? me demande affectueusement Max en s'asseyant à côté de moi.

Je me tourne pour ne pas qu'il me regarde.

— Ça va aller, Tonio ! Je te jure que ça va aller, frère ! continue-t-il calmement. Par contre, rappelle Marion. Elle est dans tous ses états ! Vraiment, faut que tu la rappelles...

Je renifle tant que je peux. Entendre la voix de Max dans mon dos me rassure. Lui, il est encore là !

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