Chapitre 10 - 1202 -

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Max est dans la salle de bains depuis deux heures, il pomponne sa gueule d’ange comme une fille et va encore sentir le parfum à perpette. Paulo tambourine derrière la porte en beuglant, il ne va pas tarder à la défoncer si ça continue. Le premier est malin et prévoyant, il accapare toujours la pièce longtemps à l’avance. Paulo se fait systématiquement avoir, il se retrouve en boxer à fair les cent pas dans le couloir et à regarder l’heure tourner. Mes frangins s’engueulent rarement, mais la salle de bains est un de leur sujet de discorde.

J’ai préféré squatter la douche de la chambre de mon vieux plutôt que de désespérer. Mes frères ont sorti leurs costumes. Moi pas question que je porte autre chose qu’un jean's. Alors malgré le dresscode : tenue de soirée obligatoire, j’enfile le seul pantalon propre de mon armoire qui plus est a un trou au genou, fait en skate le week-end dernier. Tant pis, ça fera l’affaire pour le bal du lycée, surtout si je finis à quatre pattes ! Les efforts vestimentaires ne servent à rien, c’est les mêmes gens qu’on voit toute l’année. On se connaît pour certains depuis la maternelle. Max n’est toujours pas sorti, j’en profite pour m’infiltrer dans sa chambre bien rangée pour lui piquer une chemise bleu et blanche à petits carreaux. J’enfile illico un sweat à capuche par-dessus pour qu’il ne s’aperçoive de rien. Sinon, il va me prendre la tête parce que je lui emprunte ses fringues et que chaque fois que je le fais, il m’arrive systématiquement une merde avec.

Je me coiffe vite fait, enfin pas trop, car j’ai les cheveux mouillés et c’est chiant à démêler, même s’ils sont nettement moins longs depuis mon passage chez le coiffeur le mois dernier. Plus les années défilent et plus ils raccourcissent ! Comme Harry Styles m’a fait remarquer Marion, ça m’a aussitôt conforté dans l’idée de ne plus les couper jusqu’à la fin de l’année !

Assis dans le canapé, j’attends patiemment que mes deux frères se ramènent. Pire que des meufs, ces deux-là ! Ils sont tombés dans le flacon de parfum ! Ça va empester toute la voiture. C’est Paulo qui nous emmène, mon père a fini par lui rendre les clefs de la caisse, il en avait marre de faire le chauffeur.

Le bal du lycée dure jusqu’à minuit et ensuite chaque classe organise son propre after. Nous nous mélangeons peu. Paulo est invité chez un pote avec les Terminales S tandis que Max et moi, nous irons chez un gars de notre section.

À peine descendus de la voiture, j’entends siffler, je reconnais Jimmy et Dylan cachés derrière le gros buisson d’un massif, à proximité de l’entrée. Max et moi nous dirigeons vers eux. Ça fait trop bizarre de voir les gens en costume de soirée, surtout mes collègues surfeurs. Je remarque que je suis le seul à me pointer en mode délinquant. Jimmy est appuyé sur le coffrage du compteur électrique de la salle pour rouler un énorme pétard avec quatre feuilles OCB.

— Oh putain les gars, vous me faites trop rire avec vos tenues !

Je les détaille de la tête aux pieds et constate qu’ils ont même mis des chaussures de ville noires. Je ne savais pas qu’ils en avaient. Peut-être qu’ils les ont achetées pour l’occasion ? Moi, j’ai gardé mes vieilles Converse ! Ça, c’est une valeur sûre.

— Ta gueule, Speed ! Bois un coup ! me lance Dylan en me tendant une bouteille de vodka.

Il n’a pas rentré sa chemise dans son pantalon, il est tout débraillé. Les manches de sa veste sont un peu trop longues et il n’a pas boutonné son col. On dirait un pauvre type bourré en fin de soirée alors que la nôtre n’a pas encore débuté.

— Tu sais que tu ressembles à rien, toi ! je lui lance en m’enfilant cinq ou six goulées cul sec.

— Au moins, tu dois te sentir moins seul ! me répond-il en me faisant un doigt d’honneur. Car tu ressembles jamais à rien.

Je mime de lui envoyer un bisou en guise de riposte. Jimmy allume son pétard pendant que je tends la bouteille à Max qui boit une ou deux gorgées et me la redonne. L’alcool est interdit durant le bal mais chacun a prévu d’emmener quelque chose pour l’after. Mais il semblerait que Jimmy et Dylan commencent par la fin. Ça ne me dérange pas, il faut bien démarrer par quelque chose de toute façon !

— Bon je vous préviens les gars, ce soir je choppe une meuf ! je m’écrie en buvant à nouveau.

— Encore faut-il qu’il y en ait une qui veuille de toi… me lance Jimmy en me tendant son pétard.

Je rends la bouteille à Dylan. Je vais être défoncé si je bois et qu’en plus je fume trop. J’ai plus l’habitude surtout que je touche plus du tout aux cigarettes. Alors dès le premier taf, j’ai la tête qui tourne et même l’estomac qui se soulève. J’essaie de ne pas le montrer, ce con a dû mettre la dose, par-dessus le marché !

— Je suis en manque de cul, les gars ! Il me faut une meuf, ce soir !

Je commence à ressentir les effets du mélange joint et alcool, je suis déchiré. Je déblatère n’importe quoi.

C’est faux, je dis ce que je pense et c’est mauvais signe !

— On est tous en manque de cul, Ducon ! ajoute Jimmy.

— Oui mais toi, c’est depuis la naissance ! je lui réponds.

Tout le monde éclate de rire. La soirée s’annonce bien. Encore faut-il qu’on soit en état de passer le portail où nous attend le vigile.

— Pas moi ! indique Dylan un grand sourire aux lèvres.

Putain, c’est vrai ! Il est toujours avec Jenny, celui-là. Il me retend sa bouteille à laquelle je bois sans hésiter.

— Ça fait combien de temps, maintenant ? je lui demande.

— Six mois !

Nous sommes tous béats d’admiration. C’est interminable, six mois ! Tout fier, il se recoiffe en se regardant dans le rétroviseur de la bagnole la plus proche. Il a mis beaucoup de gel et on dirait qu’il a les racines grasses. En plus, sur les cheveux longs, je trouve ça horrible. Mais Dylan n’est pas beau de toute manière ! Il n’a pas d’allure dans ses survêtements qu’il porte avec des claquettes. Son visage est assez ingrat, il a un gros pif et au collège je le surnommais Cyrano.

— Hey Jimmy, tu te souviens du bal de l’an dernier ? je l’interroge en tirant encore sur le pétard.

— Oh putain ! s’esclaffe-t-il.

— Vous y étiez pas ! nous dit Max.

— Non, mais qu’est-ce qu’on a ri, sérieux ! j’ajoute en repensant à notre nuit sur le toit du bâtiment voisin d’où nous avions tiré avec nos pistolets.

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