Chapitre 9 - 1367 -

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À l’issue de la récréation, je retrouve Marion et Julie pour bosser sur notre TPE. L’ambiance est tendue, la première me fait la gueule et me parle avec agressivité tandis que la seconde ne m’adresse plus du tout la parole en feignant l’ignorance.

Je n’ai pas envie de me prendre la tête avec ces histoires de nanas. Je veux vivre ma vie sans me poser de questions, sans avoir à regretter quoi que ce soit. Je décide d’arrêter de travailler avec les filles, autant terminer le dossier tout seul. De toute façon, je suis premier de la classe loin devant les deux autres, alors elles devraient être satisfaites ! Je vais remonter leurs notes. Qu’elles se contentent de rédiger leurs parties personnelles telles que cela a toujours été prévu entre nous, c’est suffisant !

En revanche, il y a quelque chose que je n’avais pas du tout compris, c’est que la présentation devant le jury du bac se faisait à trois. Quand Marion me prévient quarante-huit heures à l’avance que j’ai plutôt intérêt d’être détendu pour l’oral, c’est l’effet contraire qui se produit. Je panique, je flippe, j’angoisse. Je m’imagine les pires scénarios. Pour combler l’inquiétude, je lis, j’apprends, je bosse, je vis ce putain de dossier. La veille, je ne dors pas de la nuit en me demandant comment mimer devant un jury de profs que tout va super bien dans notre groupe alors que ça fait un mois et demi qu’on ne se parle plus ?

Nous sommes convoqués pour 8 h 30 au lycée Centre d’Examen qui n’est pas le nôtre. La maman de Marion nous dépose trente minutes plus tôt. Tandis que nous nous sommes réparti les textes, je maîtrise la totalité du sujet par cœur, prêt à aider mes deux partenaires en cas de besoin.

Nous trouvons rapidement la salle et nous attendons devant quelques minutes. Mon cœur bat fort et le stresse monte tandis que j’observe mes deux collègues du coin de l’œil. Marion s’appuie contre le mur pour ne pas s’effondrer tellement elles angoissent. La nouvelle se ronge les ongles et fait les cent pas. Pour les détendre, je leur sors des blagues de merde :

— Quelle est la différence entre une baleine et un prof sympa ?

Marion hausse les épaules, lève les yeux au ciel puis finit par me lâcher, énervée :

— On s’en fout !

La nouvelle se mord la lèvre et ne quitte pas du regard la porte de la classe. Je soupire et râle après les deux filles :

— Vous êtes vraiment pas drôles, putain ! Y a pas de différence ! Les deux sont en voie d’extinction !

J’ai à peine terminé ma phrase qu’une prof, plutôt petite et ronde, à l’air strict et sérieux, ouvre la porte. Elles sont deux à nous noter, la rousse qui nous a fait entrer doit avoir dans la trentaine, affublé d’une robe longue et de bijoux fantaisie, elle ne lâche pas un sourire. Sa collègue, plus masculine avec sa coupe garçonne et son nez crochu, paraît aussi coincé qu’une serrure de porte rouillée. Marion me pousse à l’intérieur pour que je passe devant. Elle me glisse à l’oreille de dire bonjour. Elle fait bien, car je n’y aurai pas pensé…

— Bonjour Mesdemoiselles !

Fier de mon entrée en matière, je leur fais mon plus beau sourire et m’avance pour serrer la main aux deux profs qui restent de marbre.

— Mesdames, mais c’est pas grave… me corrige sèchement la plus vieille des deux.

— Ça se voit pas ! je lance ironiquement pour tenter de flatter leur ego.

Marion soupire discrètement et me fait les gros yeux alors que les adultes laissent échapper un rictus auquel je réponds. C’est bon, elles vont craquer sur moi !

— Notre sujet traite de l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’agriculture et des conséquences sur l’environnement, je dis en tendant la clé USB qui détient notre PowerPoint.

La rousse branche la clé et tourne l’ordinateur vers moi. Je comprends qu’il n’est pas allumé. Ça commence bien. Je retire la clé et j’appuie sur le bouton power.

— Il était allumé, me dit la prof.

— Non non ! L’écran est noir !

— Ah ? Il ne marchait pas hier, mais ce matin on avait réussi à l’allumer… déclare la plus jeune des enseignantes.

Marion panique ! Elle m’interroge du regard, elle est livide.

— On peut faire sans pc, ça me dérange pas, j’annonce pour rassurer les profs et ma pote qui est sur le point de défaillir.

C’est vrai ! Je sais tout par cœur !

Après avoir perdu cinq bonnes minutes à essayer d’allumer le fichu ordinateur, finalement je me lance dans l’introduction sans support numérique. Face à moi les deux profs sont stoïques, je me demande si elles comprennent vraiment ce que je leur raconte. Je m’ennuie moi-même dans ce que je déblatère alors c’est plus fort que moi, il faut que je fasse le pitre et que je gesticule exagérément, sans raison.

Plus Marion me fait les gros yeux, plus j’en rajoute. La nouvelle, prise entre nous deux ne sait plus où elle en est quand elle démarre son paragraphe sur les catégories de produits. Elle finit même par sauter un passage important et commence à lire ce que Marion a rédigé. J’ai envie de rire en voyant Marion totalement désespérée lorsque Julie s’arrête enfin.

Je décide de reprendre les choses en main. Il y a des groupes de TPE qui ont préparé des mises en scène originale. Nous, au vu de l’ambiance de ces derniers temps, il n’était pas question de faire quoi que ce soit de plus que le minimum requis…

Mais si je ne fais rien rapidement, mes deux collègues vont s’effondrer en sanglots et les deux profs s’endormir.

— Bon, on va se détendre, les filles ! Je sais que vous êtes stressées, mais il y a plus important que le TPE aujourd’hui ! Elles n’arrêtent pas de se battre pour moi, c’est difficile à supporter… Donc nous allons poursuivre avec Marion qui va faire le paragraphe de Julie, car celle-ci a volé celui de Marion. C’est toute une histoire, mais ça serait vraiment trop long à vous expliquer…

— Y a aucun doute ! Il y a plus dangereux dans la vie que de vivre avec Tonio, qui l’aurait cru… continue Marion, qui entre dans mon jeu et se détend, en faisant allusion aux conséquences des produits pharmaceutiques.

Les profs commencent à se réveiller, je ne sais pas si c’est sous l’effet du café qu’elles avalent ou grâce à nos blagues complètement hors sujet. Dans tous les cas, l’ambiance est décontractée et même la nouvelle entre dans le jeu quand elle tire la conclusion de Marion.

— Moi, il y a longtemps que j’ai abandonné l’idée de vivre avec Tonio, trop nocif ! C’est comme les produits élevés et récoltés de façon naturelle… Nous devons vérifier leur source avant de les consommer !

Les minutes tournent et nos deux profs affichent un grand sourire à nous voir nous démener. Elles explosent même de rire quand je sous-entends que Julie est ma maîtresse et Marion, ma femme.

Lorsque je prononce enfin la dernière phrase de mon dossier, je souffle et je salue mon public. Marion et Julie font de même et les deux adultes applaudissent.

Nous quittons la pièce réjouis et excités d’avoir au bout du compte fini ce putain de TPE !

Cet examen aura été bénéfique vis-à-vis de mon amitié avec Marion. Il me permet de reparler de manière naturelle et détendue à celle qui m’ignore depuis des semaines. La nouvelle semble également avoir oublié ma trahison et se contente elle aussi de sourire en repensant à notre prestation. Notre note ne nous sera dévoilée qu’en juin, mais je suis satisfait de notre performance et pas inquiet de l’appréciation des professeures. Ils n’applaudissent pas tout le monde !

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