Assis en cours, je m’ennuie de plus en plus. Tout le contraire de Marion qui est à côté de moi et qui se concentre sur la correction d’une étude de texte que nous a donné notre prof d’espagnol. Penchée sur sa feuille, je ne vois que ses longs cheveux blonds.

Devant moi, la nouvelle ne se retourne pas alors que ça fait dix minutes que j’insiste. Je m’en fiche tellement de ce qui se passe pendant ce cours. J’aime pas l’espagnol.

Chez moi, la routine a vite repris le dessus. Mon paternel n’a pas reparlé de sa pouffe depuis une semaine. J’espère au fond de moi qu’elle a disparu pour toujours, mais Paulo, qui est bien plus informé que moi, m’assure que mon vieux la voit un week-end sur deux et que nous devrions être très prochainement tranquilles pour deux jours à la maison. Nous commençons dès à présent à préparer une soirée pour fêter ça !

Mon grand frère semble avoir retrouvé son état normal. Il se tient à carreau et consacre tout son temps libre à ses entraînements de rugby depuis qu’il a appris qu’il a été repéré sur un match par UBB. Avec du recul, il parle de cet épisode comme d’une expérience défonce classée… Je ne sais pas trop si je dois le croire. Même si je garde un œil sur lui, je suis plus serein et tout semble rentré dans l’ordre.

De son côté, Max est toujours en mode chagrin d’amour. Il est en train de chercher comment faire un échange avec un lycée hollandais pour six mois. J’ai beau lui dire qu’une de perdue égal dix de retrouvées, il se lamente en pensant qu’il passe à côté de la femme de sa vie. Décidément, il est de pis en pis.

Je regarde l’heure sur mon portable. Encore vingt minutes à tenir ! Je fais le tour rapide de mes réseaux, mais j’ai du mal à trouver des gens connectés en journée. Est-ce que je suis le seul et unique élève à s’emmerder en cours et n’avoir personne pour discuter ?

Je tombe sur la nouvelle application que j’ai téléchargée : Fart ! C’est complètement nul, mais ça fait toujours son petit effet. Surtout quand toute la classe est concentrée et qu’il n’y a aucune agitation. Je fais genre de me focaliser sur mon interro où je rattrape rapidement sur Marion les corrections que j’ai sautées. Je pose mon portable sur mes genoux, puis je choisis le bouton du pet humide. Au bruit plutôt explicite que mon téléphone émet, Marion sursaute et me file un coup de pied en m’indiquant de ranger mon iPhone. Je souris en lui faisant signe que non. Le son n’est pas assez fort et il n’y a qu’elle qui a entendu.

— La prof va te le confisquer… me dit-elle en faisant les gros yeux.

J’augmente le volume en étouffant un fou rire, puis je mime la concentration extrême sur ma feuille. J’appuie au pif sur l’écran qui lâche aussitôt un pet long et bruyant. Marion m’écrase le pied. Je serre les dents pour ne rien laisser transparaître. Quasiment toute la classe a entendu cette fois-ci. Les élèves sont tous hilares et cherchent d’où provient le son. La nouvelle se retourne en affichant un grand sourire sur ses lèvres.

Mais a priori la prof est sourde, ce qui soulage Marion. Celle-ci essaie même de profiter du brouhaha pour me prendre mon portable des mains et m’empêcher de recommencer. Ce qui produit l’effet inverse puisqu’en me débattant, j’appuie à nouveau sur une touche qui enclenche directement une série de pets.

Toute la classe comprend ma bêtise et les commentaires sur le sujet fusent :

— Speed, tu pourrais te retenir !

— Vu ce qu’on entend, tu t’es chié dessus !

— Non, mais madame, on peut ouvrir la fenêtre, on va tous mourir asphyxiés !

La vieille prof d’espagnol, qui n’a toujours pas entendu les sons horribles que lâche le haut parleur de mon portable, ne saisit rien à ce qu’il se passe. Elle se contente de tapoter avec son stylo sur le bureau pour tenter de ramener le silence dans la classe.

— Gamin, t’es satisfait de ta connerie ? m’interroge Marion en secouant la tête désespérément.

Le cours se termine, mais la journée est loin d’être finie et moi, je suis d’humeur insupportable. Je ne tiens pas en place. J’ai pourtant couru toute la récréation, j’ai fait une tournante de ping-pong. D’ailleurs, je suis nul à ce jeu. Comme je n’aime pas perdre, au lieu de me détendre, cela m’a énervé de plus belle.

De retour en classe, je suis dans un état catastrophique, je passe mon temps à me balancer sur ma chaise. Le prof de Maths me saoule toujours autant et j’ai envie d’embêter quelqu’un. Marion va hurler si je la dérange, déjà que chaque fois que je fais bouger le bureau, j’ai droit à un coup de coude… Jimmy et Dylan ont été placés à l’autre bout de la pièce justement pour que nous ne troublions l’ordre public. Il me reste la nouvelle avec qui je file toujours une parfaite idylle. Je l’appelle discrètement :

— Psttt, tu dors avec moi ce soir, la nouvelle ?

Elle se retourne sur le champ, fait rouler ses yeux bleus et me répond en passant ses cheveux bruns derrière ses oreilles :

— Vendredi, je t’ai déjà dit !

Putain, mais c’est long d’attendre encore vendredi. Je pousse sur le bureau pour basculer contre le mur. Je suis sur les deux pieds arrière de ma chaise. Je regarde autour de moi, je me souviens qu’on est jeudi et que ce soir, comme tous les jeudis soirs maintenant, on joue au Poker avec mes deux frères et Jimmy et Dylan, et parfois divers potes. J’interpelle mon voisin de gauche, de l’autre côté de l’allée :

— Ethan ?

Je vais lui proposer de se joindre à nous ! Il est cool comme gars et nos soirées entre mecs sont plutôt agréables. La dernière fois chez Jimmy, son père nous a offert des cigares et du Cognac…

— Ethan ? j’insiste un peu plus fort.