Chapitre 4 - 1158 -

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Le sermon de mon vieux est enfin terminé. En toute franchise, il ne me fait ni chaud ni froid, c’est comme s’il hurlait dans le vide. Je commence à avoir l’habitude maintenant et il ne m’impressionne plus. En général si je ne le contredis pas et que je lui envoie une vanne bien piquante, il laisse vite tomber et là, c’est ce qu’il va se passer.

Cette histoire de lycée arrive à pic, ça lui permet d’oublier les pneus de sa voiture… Bilan de l’engueulade : j’ai trouvé comment étouffer une connerie ! Il suffit d’en faire une bien pire.

En montant dans ma chambre, j’ai fini par lâcher le morceau à Max qui n’est pas né de la dernière pluie et qui avait déjà tiré les mêmes conclusions que moi au sujet de notre frère. Allongé sur mon lit, je cherche désormais un moyen d’entamer la conversation avec Paulo. Ça fait deux fois que je vais le voir et je n’y arrive pas. Le premier échange a dévié sur la bagarre de ce matin où il s’est pris une bonne raclée par un gars du lycée. Paulo lui aurait piqué sa meuf. Et la deuxième fois, on a parlé de la pouffe de mon vieux que Paulo aurait rencontrée. Putain, elle a des gosses de notre âge ! Si jamais mon père la ramène ici, on va se coltiner un mec dans ma classe et une meuf de 2003, donc au collège. C’est pas bon du tout, ça ! La maison va ressembler à une colonie de vacances, il va falloir partager les salles de bains, la télévision, se traîner les mioches dans le bus, le lycée et peut-être même en soirée. J’étouffe rien que d’y penser.

Imaginer notre baraque occupée par des étrangers me perturbe autant que l’état de Paulo que je choisis de retourner voir. Il est blanc et s’est emmitouflé dans sa grosse couette sans avoir pris la précaution de se déshabiller. Je me demande bien ce qui peut le mettre dans cet état. J’y connais rien en drogue dure et Max non plus. On est comme deux cons à se relayer discrètement pour pas que mon vieux se rende compte de ce qu’il se passe.

Je manque de délicatesse en m’asseyant sur son lit, il ouvre un œil, pousse un grognement et bougonne de sa voix grave :

— S’te plaît merdeux, laisse-moi dormir !

— Vas-y Paulo, j’ai un truc à te demander avant !

— Quoi ? marmonne-t-il en se tournant vers le mur pour être tranquille.

Il a soudain très chaud alors qu’il doit faire quinze degrés dans nos chambres. Il balance sa couette et se déshabille de manière efficace pour se rallonger en boxer sur son lit. Mon vieux avait coupé les radiateurs pendant notre absence, et maintenant ça va prendre trois plombes à remonter en température.

Je vais dire n’importe quoi, mais au moins peut-être que ça va le faire réagir. Putain, sa chambre est minable. Pire que la mienne. Il a déballé ses affaires et en a mis partout. Il y a des vêtements sales étalés sur le plancher, ainsi que des chaussures qui sentent mauvais.

— À Londres avec Max, on a sniffé de la coco… je lui mens sciemment.

Paulo ne réagit pas de suite pourtant je suis certain qu’il m’a bien entendu. J’attends sans bouger en regardant son bureau sur lequel il a balancé sa combi de surf intégrale, striée d’auréoles blanches et salées car il ne l’a pas rincé. Elle est posée en vrac, au milieu de ses affaires de cours. Il doit avoir des devoirs pour demain, mais il est trop éclaté pour les faire. Il s’est pris quatre heures de colle, à faire mercredi, pour sa baston. Max et moi on est tranquilles, on est renvoyés jusqu’à jeudi, comme Jimmy et Dylan d’ailleurs…

— T’as dit quoi ? souffle soudain Paulo en s’asseyant pour me dévisager.

Il a la trace de son oreiller sur la figure, et les yeux larmoyants. Il se gratte le menton en m’écoutant parler.

— Bah, y avait des Hollandais dans notre hôtel et on a voulu tester Caroline. C’était cool, sauf la redescente…

J’invente n’importe quoi, comme si je savais exactement de quoi je cause. J’utilise la technique de mon vieux : plaider le faux pour connaître le vrai. Cette méthode est toujours efficace !

— T’es pas sérieux ?

— Si je te le dis ! D’ailleurs, j’aimerais bien recommencer, donc si t’as un plan…

Paulo réfléchit. J’ai envie de rire, car il a l’air inquiet et en colère. Du coup, je vais le laisser mijoter. Je me lève de son lit sans lui adresser la parole et je retourne dans ma chambre. À peine une minute plus tard, il débarque en titubant.

— Hey Speed, tu fais pas ça ! T’es con ou quoi ? T’as quinze ans. C’est qui ces enculés qui fournissent des gosses de quinze piges ?

— Les mêmes que ceux qui t’ont fourni !

— Oh, mais ta gueule ! On parle de toi, là !

Paulo est vraiment énervé maintenant. Il envoie un coup de pied dans la porte de ma chambre qui ne tient pas ouverte. Je pense que le laisser croire que je peux faire comme lui est finalement une bonne idée. Ça va le faire bien chier, l’inquiéter et probablement l’amener à réfléchir à ses propres actes…

— Je fais comme je veux de toute façon, c’est pas toi qui va me faire la morale avec la gueule que t’as aujourd’hui !

— Hey, mais je plaisante pas !

Paulo saute sur moi, prêt à m’en coller une. Je me retiens de rire parce que je sais que s’il m’envoie un coup, je vais le sentir passer. Il est avachi sur moi, il me plaque contre mon lit. Je le défie du regard. Ses cheveux trop longs qui lui tombent sur le visage cachent ses yeux rouges et ses pupilles dilatées.

— Tu vas faire quoi, Ducon ?

Il n’a pas le temps de répondre, car Max avance sa tête dans l’embrasure de ma porte de chambre et questionne :

— Qu’est-ce que vous foutez ?

— Paulo est en manque ! J’essaie de le calmer…

Paulo me lâche en soupirant.

— Manque de sexe, je précise, car on pourrait se demander si c’est pas en manque d’autre chose…

— Mais ferme-la, merdeux !

— T’as sniffé quoi à Londres ?

Max écarquille les yeux, car il ne saisit rien à la question de Paulo. Ce dernier comprend que je me suis foutu de lui, il me met une tape sur le visage et se laisse retomber à côté de moi.

— Ton frère est con ! finit-il par lancer à Max en me montrant du doigt.

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