Sadre

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Première voie sur la gauche, lui avait expliqué le passant. Il frôlait les petites maisons sur sa droite pour laisser passer une cariole pleine de fourrage lorsqu’il repéra la prison. Il descendit et flatta l’encolure de son cheval pour le remercier de la vitesse atteinte, espérant qu’il n’était pas trop tard.

Il frappa.

— Qui est là ? dit une voix de jeune adolescent derrière la porte.

— Est-ce bien ici qu’un Salien est emprisonné ?

— Oui, répondit l’autre d’un ton peu assuré.

— Je suis le commandeur. Ouvre, s’il te plait.

— Le comm… Le quoi ?

— Le dirigeant de ce pays. Ouvre.

— Je ne peux pas. Le bourgmestre me l’a interdit.

— Où est-il, ce brave homme ?

— Avec les autres : il prépare la potence.

Il arrivait à temps. Restait à s’assurer de l’état du prisonnier.

— Je suis le supérieur de ton bourgmestre. Ouvre.

Krys perçut une hésitation, mais le jeune homme répéta l’ordre reçut. C’est dans le plus grand calme que l’ancien gladiateur estima la solidité de la porte et de la serrure. Il ouvrit sa sacoche pour sortir une petite boîte. À l’intérieur, crochets et tiges métalliques se partageaient l’espace. Passé maître en fabrication et ouverture de serrures lorsqu’il était esclave, la porte ne lui résista pas longtemps.

Effrayé d’entendre ces bruits inattendus, le jeune homme se trouvait accolé au mur du fond lorsqu’il entra. Krys repéra immédiatement la porte de l’unique cellule. Une petite ouverture lui permit de repérer un corps allongé, les vêtements tachés de sang.

— S’il est mort, je ne donne pas cher de la peau de ton bourgmestre. Où sont les clés ?

Si la bouche resta silencieuse, le regard de l’adolescent ne put s’empêcher de se poser sur le bureau. Krys s’en approcha.

. . .

Le bandit lui tournait le dos. Jérôme allait pouvoir se sauver. Pourtant, il hésitait, peut-être y avait-il mieux à faire. La commune entière le féliciterait s’il abattait le vandale. Une épée était accrochée près de lui. L’homme arborait bien plusieurs poignards autour de sa ceinture, mais agissait comme s’il n’existait pas. Occupé à chercher, il parlait tout seul. Le jeune planton ôta la lame de son support sans bruit. L’ennemi s’échinait maintenant sur le tiroir fermé à clef. Jérôme avança dans le plus grand silence, se plaça derrière l’intrus, leva son arme. Le grand guerrier, toujours courbé, fouillait ses poches. Tenant la garde à deux mains, il ne restait plus à Jérôme qu’à porter le coup. Un seul suffirait. Son nom se répéterait de bouche en bouche dans le village.

C’était maintenant ou jamais !

Mais ! L’homme avait arrêté sa main juste avant que la lame ne l’atteigne…

— Merci d’y avoir pensé, dit-il, se saisissant de l’épée sans un regard pour l’agresseur, ça sera plus pratique avec ça.

Jérôme recula, ébahi. Il ne pouvait rien contre lui, l’homme était trop rapide, avait des yeux derrière la tête. Qui était-il ? Il frôla les murs pendant que l’autre insérait la pointe de l’épée dans une rainure, se positionna, puis donna un puissant coup de pied. Le tiroir vola en éclat, le bureau se brisa et se répandit partout dans la pièce.

— Ah, ce doit être ça, ricana le voleur.

Dépité, Jérôme se sauva pendant que l’intrus pénétrait dans la cellule. Impuissant à l’intérieur, il convenait de prévenir les responsables communaux avant que le prisonnier ne s’échappe. Il n’eut pas besoin d’arriver au bout de la rue qu’il vit débouler le bourgmestre, M. Gombert, le pas rapide, accompagné de ses hommes et de quelques villageois.

La troupe accélérait au fur et à mesure que l’adolescent racontait son histoire. Au vu de la porte grande ouverte, M. Gombert, ulcéré, appela le bandit.

L’intrus apparut, une serviette à la main, en train de s’essuyer. Du haut d’un perron de trois marches, il faisait face à un groupe de huit personnes au beau milieu de la rue. L’un d’entre eux le visait avec son arc. Un autre, le gros, comme l’appelait Jérôme, armé d’une épée, fulminait avec impatience, prêt à en découdre.

— Qui êtes-vous ? demanda M. Gombert.

— Je veux voir le bourgmestre, s’enquit l’homme.

— Vous l’avez devant vous ! fulmina le responsable communal.

— Bien. Amenez-moi celui qui a torturé le prisonnier.

— Comment torturé ? Il s’agit d’un Salien !

— Comme on a du vous le dire, je suis le dirigeant de ce pays. Dites à vos hommes de baisser leurs armes.

L’attention du bourgmestre s’attacha à l’apparence du délinquant. Un maillot sale, un pantalon maculé de taches de graisse. Ce personnage ne pouvait être celui qui avait pris la place du roi.

— Arrêtez-le !

Une pierre gicla de la serviette de l’intrus pour atteindre l’archer à la tête. Le gros se précipita, l’arme en avant. Le bandit mit les mains sur les siennes et renversa l’épée jusqu’à son entrejambe. Le gros retint sa respiration.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda l’intrus.

Sans attendre de réponse, il projeta la garde de l’épée sur le menton de l’homme de main qui s’étala de tout son long.

— D’autres volontaires ? ironisa le vandale.

Aucune des personnes valides ne portaient d’armes. Chacun s’abstint.

— M. le bourgmestre, si vous êtes responsables des blessures infligées au prisonnier, vous en répondrait devant la justice. Rentrez chez vous. Mes hommes vous interrogeront sous peu.

Décontenancé, l’intéressé hésitait. Cet homme était-il bien ce qu’il prétendait être ? Son ton le faisait croire.

Alors que des badauds s’attroupaient autour de la prison, l’inconnu demanda :

— Quelqu’un peut-il apporter de l’eau et des bandages ? J’ai une personne grièvement blessée à soigner le plus tôt possible.

Une femme accompagnée de ses deux enfants fit un signe de tête et rebroussa chemin. Krys remarqua les regards rivés sur lui. Le bourgmestre restait planté où il l’avait invectivé, hésitant à démêler le vrai du faux. Sans cibler une personne en particulier, Krys annonça :

— Il est interdit de malmener qui que ce soit sans raison, fut-il Salien. Vous pouvez emprisonner un individu pour un motif défini, mais en aucune manière atteindre à son intégrité. Le Salien dont il est question peut représenter un atout stratégique en nous fournissant des informations vitales. L’éliminer représente un acte barbare et inutile. Votre bourgmestre est démis de ces fonctions dès à présent et répondra de ses actes. Maintenant, à moins que vous ayez des questions ou matière à témoigner, vous pouvez disposer.

Sans un regard pour M. Gombert et ses adjoints, Krys saisit armes et sacoches et posa le tout près du blessé.

— Voilà, tu ne risques plus rien. Une femme devrait nous apporter de quoi te soigner. Après cela, nous rentrerons chez nous.

Seule la tête de Ragis bougea. Elle semblait dire oui.

— Officiellement, nous ne nous connaissons pas. Tu es mon prisonnier. Personne ne doit savoir.

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