Mariage princier - 1

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La section précédente n’est pas terminée mais je publie la suite pour les impatient(e)s ^^

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Les pétales de fleurs pleuvaient par myriades, voletaient tels de minuscules flocons emportés par une brise légère. Massée le long de l’avenue principale, la foule scandait : « Longue vie au prince ! Longue vie à la princesse ! » La procession se rapprochait lentement de la cathédrale.

Bien campé sur son destrier, vêtu de ses plus beaux atours, ce jour était son jour, il espérait qu’il le serait aussi pour Sara. Belle comme le jour, sa longue chevelure ruisselait sur ses épaules et sa robe de mariée. Elle se tourna vers lui, lui envoya son plus beau sourire. S’il semblait sincère, Owen en doutait encore.

Il se rappela le jour pas si lointain, où, coincés par le mauvais temps, elle lui avait appris qu’il n’était pas le premier. Elle avait cité son prétendant favori : William. Tous les deux avaient été plus souvent réunis lors de la célébration de la victoire qu’il ne l’aurait voulu. Si cela ne suffisait pas, elle lui avait avoué vers qui se dirigeait en réalité son cœur. L’intrus ne descendait pas d’une lignée royale, mais elle s’en moquait.

L’ancien esclave ne lui avait jamais fait la cour, mais en avait-il besoin ? Il épousait les mêmes projets qu’elle, comme s’ils s’étaient toujours connus. La moindre de ses paroles passait pour une déclaration. Il ne pouvait le savoir, malgré tout, ses mots étaient ses mots à elle, et elle vibrait d’impatience de le lui apprendre.

Mais il n’était rien et son père le lui rappela. Alors, bien en peine de pouvoir y échapper, elle reçut moult prétendants à sa cour. Parmi tous, William et Owen lui firent la meilleure impression. Mais Krys prit le pouvoir après avoir éliminé son père. Les exactions qu’il commit peu après ébranlèrent Sara et, de peur qu’il ne s’en prenne à elle, elle, la seule personne qui pouvait encore nuire à son image, se devait de fuir, loin, très loin de lui.

Owen lui envoya un carrosse et l’attendit à la frontière, une troupe de vingt hommes pour les protéger. Elle profita de l’occasion, il l’amena dans sa capitale, auprès du roi Théodore, son père. Là, le temps de sa convalescence, tous la persuadèrent du bien-fondé de ses choix. Les crimes du régicide ne s’en faisaient plus compter et, tous les jours, elle rencontrait ceux qui fuyaient les atrocités commises. Prêtres, nobles, simples gentilshommes, tous ceux qui échappaient à la colère du monstre échouaient ici ou dans les royaumes voisins.

Le roi lui proposa de rester tout le temps qu’elle voudrait. Son cœur s’apaisa. Son handicap – sa jambe n’était pas totalement guérie à son arrivée – permit à Owen une véritable proximité, une dépendance dont elle se révéla reconnaissante. Au départ méfiante au sujet de sa vie dissolue, elle l’en pardonna et accepta ses avances.

La fierté du prince n’avait d’égale que son bonheur. Celle dont tous rêvaient serait bientôt sienne. Un voile assombrissait encore, cependant, ce jour serein. Les préparatifs avaient été avancés, un danger improbable guettait. Provenant des confins des terres habitées, un assassin maintes fois repéré par la maréchaussée des royaumes du sud fut signalé. Exceptionnellement rapide, sans pour autant suivre une ligne droite, il n’eut de cesse de s’enquérir de l’heure et du lieu des noces. L’alerte datait de sept jours déjà et seuls 24 heures le séparaient encore de la capitale.

Jamais on n’avait entendu dire d’un assassin qu’il fut aussi puissant. Affamé, il pouvait se rendre maître d’un bivouac de huit soldats sans coup férir. Devant ceux qui reprenaient conscience, il souhaitait bon appétit bien qu’il fût seul capable de se servir. Toujours, il demandait des nouvelles des noces ; nul ne doutait de ses intentions.

Même dans la mémoire d’un roi, un assassin aussi doué n’aurait semé autant de traces. En catimini, ils avancèrent la date et isolèrent la ville princière. À cette heure, nul ne pouvait y pénétrer. Pour leur sécurité, les futurs époux paradaient à dos de cheval plutôt qu’en carrosse. Les voies de traverses avaient été dégagées pour leur permettre de s’y échapper. Owen doutait que l’Assassin puisse être déjà présent, mais les prouesses par lesquelles il s’était fait connaître ne manquaient pas d’alimenter ses craintes.

Bientôt, dans toute sa magnificence, la cathédrale leur apparaîtra. Ils se marieront, fêteront l’événement et consommeront leur union pour en garder mémoire à jamais. Pourtant, transgressant ces pensées bienheureuses, un casque fendant la foule alerta l’œil alerte du prince. En dessous, un soldat approchait, le visage blême, le souffle torride. Il héla son officier qui se baissa pour l’entendre. Le capitaine jeta un œil en arrière. Owen comprit avant qu’il ne lui rapporte.

Il était là !

— Il a pénétré nos murs, alerta l’officier.

D’ordinaire, le prince se demanderait comment un homme seul pouvait déjouer l’ensemble des moyens mis en œuvre pour protéger ce jour. Cette fois, l’urgence s’imposait.

— Avons-nous le temps d’atteindre l’office ?

Le capitaine jeta un œil sur l’étendue de la voie.

— Oui, je le crois, avança-t-il d’un ton peu assuré.

L’ambiance avait changé. Les soldats observaient toutes fenêtres ouvertes, tous passants en mouvement. Cette inquiétude se communiqua aux badauds, dont les holàs faiblirent. Le prince sourit à sa fiancée. Sans doute l’espion ne se trouvait-il qu’en bordure de cité.

— Là !

Un cri de nature à glacer le sang du plus intrépide ! Le doigt de l’observateur montrait un toit.

— J’ai aperçu une ombre, expliqua le garde, sur le ton d’un homme qui aurait vu le diable.

C’en était trop, il fallait fuir, protéger la princesse. Il se tourna vers elle ; elle comprit immédiatement. Sur la gauche, dans la direction opposée au signalement du soldat, Owen ordonna de s’engouffrer dans la ruelle.

Deux chevaux avaient peine à y tenir de front, le prince laissa Sara le dépasser. Devant, sept cavaliers pour la protéger. Derrière, avec lui, plus encore. Des archers à pieds couraient et zigzaguaient autour d’eux. Il fallait s’éloigner rapidement, rendre leur itinéraire imprévisible.

Du bruit sur le toit. Tous regardèrent.

— Une queue, j’ai vu comme une queue ! clama un archer.

— La queue du diable, gronda un autre.

Au bout de la rue, les premiers cavaliers obliquèrent sur la gauche. Il était question de rejoindre la sécurité du palais. Soudain, des carreaux d’ardoise tombèrent du toit. Une ombre dévala la pente, Owen hurla, les archers cherchèrent la cible, les cavaliers accélèrent. La princesse leva la tête. Un choc, son cheval tangua. « Ne tirez pas ! hurla le prince. »

Le cœur de la promise manqua un battement. Un homme, là, derrière elle ! Une ombre furtive avait fondu sur elle, maintenant, il était là. Sa main droite chercha ceinture et arme. Elle n’en possédait aucune. Elle ordonna à son cheval de suivre la troupe sur la gauche, mais… refusant l’injonction, celui-ci prit la direction opposée !

— Sara ! hurla Owen.

L’homme se rapprocha, les deux corps se touchèrent. Elle tira sur les rênes, sa monture regimba, l’homme enserra ses bras, diminua la pression qu’elle exerçait sur les rênes, le cheval accéléra. La princesse donna un puissant coup de coude au flanc du corps honni, qui ne broncha pas. Elle se prépara à en donner un second.

Suivi de ses hommes, Owen se trouvait quelques pas en arrière alors que d’autres empruntaient des trajets parallèles. L’ennemi, à l’instar des assassins vêtus de noir, la tête masquée d’une cagoule de même teinte, semblait d’une habileté sans borne. À l’approche d’une intersection, après avoir dévalé le toit pour s’échoir juste derrière sa cible, il accélérait maintenant pour les semer. Sa fiancée se démenait sans que l’intrus n’en ait cure. Peut-être arriverait-elle à lui échapper, quitte à se blesser.

Qui connaissait ses intentions pour elle ? Depuis la mort de son père, on lui attribuait une valeur marchande fabuleuse, comme si un prince nourrissait de secrets desseins à son égard. Ayant perdu nombre des leurs, le premier réseau à s’en prendre à elle cherchait possiblement à l’enlever par la ruse. Quel clan autre que celui des assassins serait mieux placé pour cela ? Au moins n’en voudraient-ils à sa vie.

Il ne savait pas la jument en robe blanche offert à Sara capable de telles prouesses. Lourdement chargée, elle évitait les obstacles et accélérait sans cesse. Le cœur d’Owen se serra. Il la voyait s’éloigner, s’éloigner de lui. Le jour le plus beau de sa vie se terminerait en honte infinie. Non, la jument fatiguerait, elle ne pourrait déjouer ainsi les lois établies.

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