La horde - 5° partie / La poursuite

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La voix suppliante d’Étienne parvint aux oreilles de Julien.

— Mais restez… Elle a dit d’attendre ici.

— C’est pas un voleur qui va nous apprendre ce qu’on doit faire ! Dégage !

Plusieurs villageois se tenaient debout, surtout des femmes, prêts à partir. D’autres, dont Charles Gasset, responsable communal, les invitait à temporiser, arguant de leur vulnérabilité en dehors du périmètre.

— Nous sommes trop près du village, répliqua l’homme en noir, c’est ici que nous sommes vulnérables.

— Elle a un plan, lança Étienne.

— Mais elle est morte ! Combien de cavaliers as-tu remarqué à ses trousses ?

Malgré l’envie de baisser les yeux, le jeune voleur, investit de l’autorité de l’hydre, parvint à soutenir le regard du gros homme.

— Quatre.

— Et les deux autres se sont joints à eux, c’est ce que tu as dit. Elle, elle est à pied contre six lascars à cheval. Elle est morte.

— Pas du tout. Elle leur a tendu un piège. Elle les a emmenés loin de nous pour nous protéger et mieux les détruire. Un par un ! Elle fait ça depuis toujours.

Par sa dernière tirade, l’adolescent venait de se décrédibiliser. Il n’osait avouer ce qu’il savait : il ne s’agissait pas de n’importe quelle femme. Il s’agissait d’une hydre ! Elle gagnait tous ses combats, depuis des siècles. Elle jouait avec ses ennemis en les dupant.

Haussant les épaules, Bob Roubard montra le jeune homme avec son épée pour mieux signifier ses contradictions.

Étienne devait reprendre pied, sans quoi, il ne parviendrait pas à les convaincre.

— Écoutez ! Pour sauver Fanny, elle leur a fait face, elle a levé la main droite très haut alors que le cavalier était sur elle. Le cheval s’est cabré instantanément. Son cavalier est tombé au sol, ça a bloqué ceux qui arrivaient derrière lui. Elle, elle a relevé Fanny, puis s’est sauvée en direction de la Roche Tannée. Un cavalier l’a rattrapée mais, au moment de l’agripper, elle lui a ouvert la jambe. Elle ne s’est pas arrêtée, elle s’est sauvée. Elle les aura un par un, je vous dis.

Les quatre frères, Julien et Gus écoutaient en bordure du groupe. Bob Roubard se tourna vers eux, toujours en secouant la tête. Paul prit cela pour une invitation.

— Nous possédons autant d’armes qu’eux. Nous pouvons nous défendre. Ici, ce sera plus facile qu’à découvert.

L’homme en noir en avait assez de ces gosses qui savaient toujours tout sur tout.

— Parce que tu es un spécialiste du combat, toi ? Eux, ils le sont. Demande à ton copain pirate. C’est étonnant qu’il ne vous ait pas déjà assassinés d’ailleurs. Il le pourrait s’il le voulait.

Il balaya l’assemblée du regard.

— Allez on y va. Qui aime la vie me suive.

Bob et son frère, tous deux armés, emmenèrent femmes et enfants vers la colline, le plus loin possible du village. Seule, madame Raley demeura avec son mari. Lui-même demeurait indécis. S’il le fallait, il serait toujours temps de partir.

Le petit groupe observait les fuyards. Ils avaient disparu depuis peu lorsqu’Étienne, toujours sur le qui-vive, entendit des exclamations.

— Elle est de retour !

Ses petites jambes l’emmenèrent bien vite vers le groupe de femmes. Elle était là, égale à elle-même, sûre d’elle et majestueuse. Il le savait : elle les avait tous abattus. Questionnée, l’hydre magnifique expliqua ce qu’il s’avait déjà, il n’y avait pas de miracles, elle les avait eus un par un, profitant d’un sentier escarpé sur la pente de la Roche Tannée. Un seul avait fui, blessé, qu’il fallait à tout prix empêcher de rejoindre les siens.

Accrochées à elle comme si leur vie en dépendait, elles demandèrent :

— Que devons-nous faire ?

— Que ceux qui ont peur fuient vers la colline. Les autres, suivez-moi.

Sans plus d’explication, elle se mit à courir, non sans avoir croisé le regard de Paul. Un échange qui lui sembla durer une éternité. Elle partit si vite qu’il regretta son absence de réaction.

Les garçons se regardèrent, interloqués, puis la suivirent comme un seul homme. Elle traversa le camp sans un regard pour quiconque et s’arrêta en lisière de forêt.

.oOo.

Elle avait armé son arc, surveillant les alentours. Atteint à la jambe et au bras, le pirate lui avait échappé après avoir perdu son cheval. S’il parvenait à rattraper sa monture, il préviendrait les siens. Leur vie serait alors à nouveau en danger. Pour atteindre le village, il lui faudrait descendre la pente nue devant eux. Elle aurait alors tout loisir de l’abattre.

Elle attendait, cachée dans les frondaisons. Derrière elle, tous se regroupaient. Paul, légèrement dépassé par les événements, se demandait comment entamer la conversation. Lui, habituellement si sûr de lui, hésitait. Elle le devança.

— Qui est avec moi pour tenter de délivrer les habitants ?

Paul souffla. Il n’aurait pas besoin de la convaincre de les suivre.

— Nos fiancées sont là-bas.

Elle le dévisagea. Son regard passa sur ses trois frères, puis sur Julien, Étienne et Gus. Derrière eux, les autres ne semblaient pas moins décidés. Dans ce fourré qui leur offrait un abri provisoire, elle déclina son plan, sans hâte, avec détermination.

Paul hocha la tête. Mieux valait la suivre qu’y aller seuls comme prévu.

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