[13] Le Sorcier d’Ushnag

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Le soir allait bientôt tomber lorsque retentit le son d’un cor de guerre orque. Durzum rassemblait ses troupes… ou du moins ce qu’il en restait.

Gombagh fut le premier à le rejoindre. Durzum ne lui accorda aucune attention. Il considérait l’éclaireur comme responsable de la débandade.

Les archers les rejoignirent ensuite, puis deux monteurs de sangliers prêtés par le chef Buthrok. Ces derniers pouvaient être satisfaits car ils avaient atteint leur objectif : capturer le gnome qui connaissiat « les secrets des machines de guerre », selon les dires de Durzum.

Les fantassins, autant dire le gros de la troupe, arrivèrent en dernier. Une dizaine de combattants qui avaient combattu en première ligne. C’est dans leurs rangs qu’on comptait le plus de pertes.

Ce groupe était mené par Poulouk, un impressionnant barbare de deux mètres au groin de cochon. Il reniflait bruyamment en s’essuyant son visage ensanglanté. Un coup d’épée d’Eadrom avait brisé son casque et arraché son oreille gauche. Le barbare lança un regard méprisant sur Gombagh et attendit que la troupe soit rassemblée.

Lorsque tous les survivants de la bataille furent rassemblés, Poulouk se racla la gorge en hésitant tantdis que ses compagnons le poussaient en avant. Durzum devina qu’il avait dû être désigné comme « porte parole » du groupe en raison de sa stature, mais Poulouk n’était pas un discuteur, et encore moins un chef.

— Et bien, Poulouk, s’exclama Durzum qui avait décidé d’attaquer le premier, qu’est ce qui se passe ?

— Ce qui se passe ? Nous avons failli éliminer les humains et au lieu de cela, nous avons perdu six valeureux guerriers pour rien du tout !

— Nous ne les avons pas perdu pour rien, répliqua Durzum. Grâce à leur sacrifice, nous tenons le gnome qui sait produire des sons maléfiques et fabriquer des machines de guerre. Nous allons le torturer et l’obliger à nous révéler les défenses du camp des humains.

— Cette créature ridicule ne vaut pas la vie de six guerriers ! Tout ce que nous avions à faire était d’éliminer les deux guerriers humains, celui qui est marqué du dragon et celui qui porte un heaume d’or. Sans eux, les humains étaient vaincus… mais nous avons échoué parce quie Gombagh, notre « meilleur guerrier » — il accompagna ces deux mots d’un ricanement ironique — s’est enfui comme un snaga parce qu’un humain blessé l’a regardé de travers.

Durzum tourna la tête vers Gombagh qui venait de se redresser et, pendant une fraction de secondes, les deux orques se jaugèrent du regard. C’etait tentant pour Durzum de reporter la faute sur Gombagh alors que lui même avait été un des premiers à fuir. Mais Gombagh protesterait et cela se terminerait par un duel que Durzum n’avait aucune chance de remporter. Mais Durzum avait une arme plus redoutable que la force.

— Ou veux tu en venir, Poulouk ? Es-tu en train d’insinuer que Gombagh serait un lâche ?

— C’est évident qu’il est un lâche, et seul un autre lâche peut ne pas le voir !

D’un bond, Gombagh se rua sur Poulouk et le saisit à la gorge, les deux orques roulèrent au sol et s’engagèrent dans un furieux pugilat. Durzum fit un pas de côté pour ne pas être pris dans la mêlée.

— Il faut les séparer, grogna un monteur de sanglier.

— Non, s’exclama Durzum. Poulouk l’a insulté, qu’ils s’expliquent ! D’ailleurs, il combattent sans armes.

En effet, Gombagh s’était lancé à l’attaque toute griffes dehors, sans tirer son épée et Poulouk n’avait pas eu le temps ou le réflexe de prendre son arme. Ce combat était donc, en théorie, une simple « explication » entre deux guerriers. Le monteur de sanglier n’insista pas.

Le combat fut bref : après avoir saisi et traîné au sol son adversaires, Gombagh lui planta ses canines dans la gorge. Un flot de sang noirâtre coulait de sa blessure… c’est à ce moment là que Durzum daigna intervenir.

— Ça suffit, Gombagh ! Je crois qu’il a compris maintenant.

Gombagh s’interrompit et reprit son souffle en haletant… Poulouk avait, pour sa part, cessé définitivement de respirer.

— Maintenant, conclut Durzum, je dois faire mon rapport au Xarkhan : SEPT braves guerriers se sont noblement sacrifiés pour nous permettre de capturer le gnome ingénieur et, grâce à lui, nous remporterons la victoire sur les humains. Est-ce que quelqu’un veut ajouter quelque chose ?

Comme il s’y attendait, personne n’osa parler.

* * *

Vu de très loin, le camp du Xarkhan Ushnag ressemblait à n’importe quel camp d’une armée en campagne : une palissade en rondins ornée de tours de guet en bois à chaque coin et à chaque porte. Mais c’est en y pénétrant que la différence sautait aux yeux : En lieu et places des tentes bien ordonnées d’un camp solarien, ou même breton, on trouvait un enchevêtrements d’abris de fortunes, de yourte et de baraques en bois dont on se demandait par quel miracle elles tenaient debout.

Un chef orque, visiblement important, faisait les cent pas au milieu du camp, pestant contre tous ceux qu’il croisait et n’hésitant pas à détruire à coups de pieds les abris dont il ne pouvait faire le tour, aidé en cela par quatre gardes du corps.

Les « sans abri » créés par ces accès de colère se contentaient de fuir en maugréant.

Durzum avait encore perdu sept guerriers, et tout ce qu’il avait pour se justifier était une ridicule créature de trois pieds… et pas une seule tête d’ennemi. Cet imbécile pavoisait devant sa prise alors que deux ou trois guerriers bretons lui faisait perdre la face en massacrant ses guerriers les uns après les autres. Et comme si ça ne suffisait pas, on retrouvait chaque matin des cadavres de sentinelles à moitié dévorées.

La tentation de faire un exemple en accrochant la tête de Durzum au bout d’une pique était grande… mais il y perdrait encore la loyauté de plusieurs guerriers au moment ou le risque d’être provoqué par un rival ambitieux augmentait chaque jour.

Et puis… ce gnome possédait peut-être réellement un grand savoir.

— Puissant Xarkhan, fit une voix de fausset.

Ushnag tourna la tête vers la créature qui venait de l’interpeller : Grigrog le sorcier. L’expression « puissant Xarkhan » était particulièrement bien choisie puisque Grigrog lui-même avait été émasculé d’un coup de dents lors d’une bagarre bien des années auparavant, ce qui l’avait définitivement relégué à des tâches indignes d’un guerrier : snaga ou sorcier. Grigrog avait choisi « sorcier » et il s’était vengé de son tourmenteur. Il était craint et méprisé par tous les guerriers de la horde, à l’exception d’Ushnag à qui il vouait une fidélité sans failles.

— Haï, Grigrog, répondit le Xarkhan d’un ton exagérément bourru.

Du menton, il indiqua au sorcier la direction de sa tente et lui tourna le dos. Le message était clair : il était prêt à l’écouter, mais il ne voulait pas le faire en public. Le sorcier s’éclipsa sans un bruit et tous deux se retrouvèrent quelques minutes plus tard dans la tente d’Ushnag.

— Comment sont les présages ? demanda Ushnag.

— Ils sont à la fois bons et mauvais, puissant Xarkhan. L’esprit d’un loup maléfique rôde sur la forêt et nous apporte la mort, mais une puissance bénéfique est prête à nous aider. Elle partage notre haine des bretons et mettra bientôt ses pouvoirs à ton service, Il te suffira de l’attendre et de savoir lui parler.

Ushnag fronça les sourcils. Il était rare que son sorcier soit aussi affirmatif.

— Quelle puissance ? demanda-t-il. Et comment l’as tu invoquée ?

— C’est l’esprit d’un puissant, d’un très puissant sorcier… bien plus puissant que je ne le serai jamais, même si je dois vivre cent ans de plus. Il m’a contacté par la pensée et m’a assuré que les humains de la forteresse sont peu nombreux, et qu’il t’aidera à les surprendre.

Ushnag était de plus en plus méfiant.

— Gare à toi si tu me racontes des histoires, sorcier ! Tu m’as souvent été utiles et je te fais confiance, mais le moment est très mal choisi pour me donner de faux espoirs.

— Les choses ne seront pas faciles, Xarkhan. Mais si tu patientes encore ce soir, l’esprit du sorcier s’adressera directement à toi et tu sauras que je t’ai bien servi… une fois de plus.

Ushnag émit un sourd grognement, l’entretien était terminé.

Attendre jusqu’au soir ne lui coûtait pas grand-chose, il n’avait rien d’autre à faire. Il donna des ordres à quelques petits chefs pour faire doubler la garde autour du prisonnier de Durzum et retourna dans ses quartiers.

Comment devait-il faire pour communiquer avec « l’esprit d’un sorcier » ? Il n’en avait pas la moindre idée et pour rien au monde il ne se serait abaissé à poser la question à un castré, même doté de pouvoirs magiques. Il s’assit en tailleur et ferma les yeux – position qu’il avait déjà vu adopter par Grigrog – mais rien ne se produisit. Grigrog avait dû lui raconter des histoires pour le calmer. Et bien tant pis pour lui ; il lui flanquerait une raclée en public, ça amuserait les guerriers et leur remonterait un peu le moral.

Puis il repensa au « mauvais côté » des présages de Grigrog…

L’esprit d’un loup maléfique rôdait autour du camp… probablement un ennemi de l’esprit du sorcier s’il existait vraiment. Il était d’autant plus enclin à croire en l’existence du loup que du sorcier que bien des guerriers en avaient été victimes. Jusqu’à Gombagh, le favori de Durzum, qui avait survécu par miracle.

— C’est juste un loup, grogna-t-il à l’attention d’un hypothétique sorcier invisible. Un loup ne peut rien contre un grand sorcier, n’est-ce pas ?

N’obtenant pas de réponse, il s’allongea sur une peau de bête et attendit le sommeil.

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