Yaoi (1)

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Sacha

Je l’observais depuis quelques jours. Depuis que je l’avais croisé et suivi. Il sortait du métro, les cheveux au vent et une veste nonchalamment appuyé sur son épaule, et s’était tout de suite dirigé vers ce salon de thé. Ses yeux pétillants s’étaient posés sur les quelques clients déjà attablés, puis se sont tournés vers moi.

— Bonjour ! Vous entrez ?

Sa voix m’avait littéralement fait fondre et, sans réfléchir, je suis entré à sa suite. J’ai commandé un café et il était tellement bon, le serveur, mais aussi le café, que je suis revenu. Toujours la même commande et la même table, l’avant-dernière au fond pour le regarder enfiler son tablier vert et prendre son service. Il s’installait à la caisse et je me dépêchai de venir commander une pâtisserie à emporter, pour pouvoir lui frôler la main avant de repartir affronter le douloureux monde.

Étais-je amoureux ? C’était un mystère qu’il me fallait résoudre.

Thiel

Je l’avais vu me suivre, comme hypnotisé, depuis le métro. Il fallait dire que son adorable tête rousse ne passait pas inaperçue dans une foule de brun. Cela faisait maintenant trois jours qu’il m’attendait au pied du métro et qu’il me suivait jusqu’au café. Là, il s’asseyait sur l’une des banquettes, à l’avant-dernière table, me regardait mettre mon tablier et, lorsque j’arrivais à la caisse, il courait commander une pâtisserie à emporter et en profitait toujours pour m’effleurer la main. Même si le sourire qu’il abordait à chaque fois faisait frissonner mes plumes de délice, il était temps que cela cesse. Je n’avais pas envie de me faire agresser lorsque je reprendrais mes services de nuit.

Comme prévu, en ce doux jour de printemps, il m’attendait à la sortie du métro. Il ne portait qu’un fin gilet de laine et ses lèvres avaient tournées au bleu. J'avançais et il me suivait. Alors que j’allais ralentir l’allure pour lui parler, un homme musclé posa sa main sur son épaule. Ils échangèrent quelques mots et, soudainement, il entraina le petit roux à sa suite, vers une voiture noire. Je courus vers eux.

— Attendez !

Le petit se tourna vers moi. Il était pale.

— Puis-je savoir pourquoi vous emmenez mon client ?

— Votre client, grogna l’homme brun ?

— Je dois passer un accord commercial avec ce jeune photographe.

Il grogna à nouveau et lança le jeune homme dans l’habitacle. La portière se referma aussitôt.

— Et bien, maintenant, c’est le mien, rétorqua-t-il en me poussant de la paume de sa main.

Sa force me fit reculer en arrière et il en profita pour se glisser à son tour dans la voiture. Elle démarra et, en soupirant, je les regardais s’éloigner.

— Je savais bien qu’il me disait quelque chose…

Je regagnais en courant la boutique et saisis Amélie par le bras pour l’entrer avec moi à l’arrière.

— J’ai retrouvé Kyle, le loup-garou.

Elle écarquilla les yeux, surprise. Cela faisait plus d’un an qu’il échappait sans cesse aux Chasseurs, dérogeant sans vergogne aux lois des créatures surnaturelles.

— Il a pris un petit avec lui. Tu sais, le roux dont je t’ai parlé.

— Mais pourquoi ?

Je haussai les épaules. Je n’en savais pas plus que ce que j’avais vu : Kyle emmenant le rouquin, qui ne semblait pas vouloir le suivre. Elle proposa immédiatement de le signaler aux Chasseurs, mais je refusais. Je lui fis rapidement part de ce que j’avais vu, lorsque que j’avais sondé ses pensées quand il m’avait bousculé.

— Il veut le vendre pour son sang. Si on ne se dépêche pas, ils auront le temps de le briser et de le faire disparaître dans le circuit.

Elle resta muette un instant. Cela nous vaudrait une brimade, ou quelques mois de travaux pratiques si l’on y mêlait des civils. Elle le savait, mais ce fut ce que perçu son côté vampire, aux sens exacerbés, qui la convainquit. Elle avait perçu les battements de mon cœur.

Elle confia la caisse au jeune employé, un magicien, et l’on sortit par l’arrière. Dans la petite cour baignée de lumière, je laissais mes ailes se déployer. Des plumes blanches volèrent dans l’air et retombèrent doucement dans le potager, se joignant à d’autres déjà décomposées.

— Tu as quelque chose qui lui appartient, demanda Amélie ?

Je lui tendis un sac à dos orange.

— Il l’a laissé tomber.

Elle acquiesça et le huma doucement. Je la pris dans mes bras et décollais. D’une pression sur mon bras, elle m’indiquait la direction à prendre et nous arrivâmes bien vite en banlieue, devant une maison camouflée par des hautes clôtures recouvertes de lierres.

Le plan était simple : déterminer où se trouvait le petit rouquin, le reprendre et partir.

Amélie menait la marche. Elle tourna un instant autour de la bâtisse puis, soudainement, rampa entre deux buissons et disparu. Je la suivis et débouchais dans le jardin. Un garage côtoyait la maison, devant un jardin fleuri.

— Je ne sens que lui et quelques loups dans la maison. Ils doivent déjà être partis négocier.

Je ne l’écoutais pas vraiment. Je venais de l’apercevoir, caché dans le noir et harnaché sur un lit d’hôpital. Une perfusion diffusait dans son sang une drogue qui le maintenait hagard. Je le détachais doucement et le pris contre moi.

— Il est si léger, m’étonnais-je !

Amélie sauta sur mon dos, glissant entre mes deux ailes, et l’on partit immédiatement.

Sacha

— … Ne lui effacerais pas. Tu as entendu et compris, comme moi, ce que signifiaient les battements de mon cœur ?

— Pfff… Oui, je les ai entendus. Comment t’as pu tomber amoureux de lui ?

J’ouvris difficilement les yeux. J’avais l’impression d’avoir percuté un mur et je ne me souvenais pas de grand-chose.

Mais lui, je m’en souvenais.

— Le beau serveur, croissais-je, avant de rougir aussitôt.

Il y était accompagné d’une dame élégante aux cheveux noirs et tous les deux rirent, en m’entendant. Je rougis un peu plus et rabattis la couverture sur ma tête.

— Désolé…

Il enleva la couverture de mon visage pour mieux y promener ses doigts. Ce contact m’apaisa immédiatement.

— De quoi te souviens-tu ?

Je fronçai les sourcils, concentré pour me souvenir. Je vis une voiture noire et… Un ange ?

— Je suis mort ?

Il écarquilla les yeux, surpris.

— Non ! Pourquoi tu penses ça ?

— Vous aviez des ailes. Blanches comme celles des anges…

Il sourit tendrement et caressa à nouveau mon visage. Tous mes souvenirs refluèrent doucement et je restais bouche-bée devant eux.

— Je suis un ange télépathe et Amélie est une vampire, m’avoua-t-il.

Je restais bouche-bée un long moment et il brisa à nouveau le silence. Il me fit jurer de garder le silence, ce que j’acceptais, trop effrayé pour tenter une rébellion. Puis son amie sortie de la chambre d’hôpital et je me retrouvais seul avec lui. Il s’assied sur le bord du lit.

— Maintenant, dit-moi pourquoi tu me suivais depuis un peu moins d’un mois.

Mon visage s’empourpra et je me remis bégayer.

— Mais… Tu ne lis pas dans mes pensées pour savoir ?

— Je veux l’entendre de ta bouche.

J’expirais doucement et me lançais dans des explications, tout en maîtrisant mes rougissements. Etudiant en art, je devais chercher un modèle inconnu pour le prochain devoir. Et c’est là que je l’ai croisé, alors que je dessinais de rapides croquis de la foule sortant du métro. Je n’avais aucun doute sur mon orientation sexuelle, mais elle m’avait toujours dérangé. Pour certains, je n’étais pas normal, un hérétique que l’on pourrait brûler sur le bûcher. Pourtant, dès je l’ai vu, j’ai su deux choses.

Que j’aimais définitivement les hommes et que je venais de trouver le modèle parfait.

— Il me reste une petite semaine pour te dessiner… Enfin, si tu le veux bien !

Il sourit doucement et pris mes mains dans les siennes.

— En te voyant j’ai su une chose. Que jamais je ne voudrais te laisser sans t’avoir aimé. J’ai hâte que tu me dessines !

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