Chapitre 32 - Liliraele

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La princesse des Vallées Vertes rassemblait ses longs cheveux noirs en un chignon complexe, mon regard glissa dans sa nuque avant que je ne détourne les yeux sur le terrain d’entraînement. Elle aussi s’entraînait ? Habitude du nord ? Du royaume des Montagnes et des Neiges ? Les garçons discutaient entre eux, Saorsa perchée sur la barrière les observait. Je l’observai, elle aussi à la dérobée, elle ne souriait pas, elle était juste très attentive à ce qu’il se passait, Eoran tournait son glaive entre ses doigts et il avait aussi une hache. Les autres nordiens s’entraînaient déjà, mais je savais ce que le trio attendait : Étocle. Akiyama ne s’entraînait visiblement pas, elle venait juste regarder son époux. À quel point s’entendaient-ils bien tous les deux ? Je secouais la tête pour me concentrer sur les jumeaux qui eux se battaient avec une hache. Je tournai le regard vers Saorsa :

« Tu les as vus souvent s’entraîner ?

- Oui. Ce sont de bons combattants, tous les trois. Eoran se bat différemment, normalement il est même à cheval.

- Il se bat comment à cheval ? »

Elle ne me fit qu’un sourire énigmatique en haussant les épaules, elle conservait encore ses secrets. Pourquoi… pourquoi elle refusait toujours de se confier à moi ?! Que lui avais-je fait ?! Sa main saisit la mienne et la serra tout doucement. Je levai les yeux vers elle, elle me rendit un simple sourire tendre. Je n’arrivais pas à lui rendre, à quel point est-ce qu’elle m’aimait ? Ou elle se jouait de moi ? Je me mordis l’ongle du pouce en silence, Saorsa serra plus fort mes doigts.

« Arrête de t’inquiéter, j’aurais à te parler, plus tard. »

Plus tard, ça voulait dire quoi, plus tard ? Mais soit, j’imaginais qu’elle me dirait tout plus tard. Peut-être quand la délégation serait partie ? Je ne voyais que ça, peut-être qu’il y avait encore des choses à régler ? Elle jouait nerveusement avec son pendentif en continuant de regarder les garçons, elle lâcha ma main en voyant Étocle arriver. Je pouvais la comprendre, j’étais moi aussi nerveuse en voyant cela, Étocle n’était pas spécialement le plus… poli et tolérant, surtout avec Eoran qui leva les yeux vers lui, souriant poliment, comment pouvait-il être aussi calme ?! Alors que mon frère puait la provocation ! Saorsa sauta sur le terrain d’entraînement et je me glissais à ses côtés, les jumeaux s’étaient éloignés, appelé par deux membres d’une tribu quelconque. Étocle dévisagea le plus jeune des princes du Nord en s’approchant de lui, plein de morgue :

« Vous vous entraînez Prince Eoran ? J’en suis surpris, je ne pensais pas que vous le feriez.

- Je fais tout comme tout le monde, à ma manière bien sûr. Vous êtes-vous déjà battu dans une véritable bataille ? Moi oui. »

Pardon ?! Il y avait déjà eu une guerre dans le Nord sans qu’on en sache rien ? Visiblement… oui. Les frontières de leur royaume n’étaient pas très perméables aux informations, je supposais que c’était pour ça, je glissai un regard à ma petite sœur qui n’avait pas relevé, en revanche, elle s’avançait vers mon petit frère en silence.

« Une bataille ? Celles avec vos frères ?

- Non, une vraie guerre.

- Eoran… »

Je n’entendis pas ce qu’elle disait au jeune homme qui secoua doucement la tête, repoussant un arrière ses cheveux de jais. Étocle claqua la langue avec agacement :

« Toi la bâtarde ne t’en mêle pas ! »

Je vis clairement que cette fois, cela ne passait pas, ni pour Eoran, ni pour les jumeaux qui quittèrent leur posture décontractée, les sourcils froncés. J’avançais à mon tour pour prendre le bras de mon frère.

« Étocle, tu devrais surveiller ta parole.

- Écoute ta sœur, gamin, avant d’insulter une amie de notre famille et de beaucoup de gens de notre royaume. »

Toute la décontraction avait quitté la voix du troisième prince et ses yeux évoquaient un ciel d’orage. Saorsa posa une main sur son épaule comme pour le retenir, il n’avait pas lâché son épée, ni lui, ni mon frère. Je le sentais très mal.

« Gamin ? Tu n’es pas beaucoup plus vieux que moi, infirme, tu te crois sérieusement supérieur à moi ? Et tu crois sérieusement que cette Bâtarde mérite ton attention ? »

Étocle était venimeux, je tirai plus fort son bras en lui ordonnant de se taire, il m’ignora royalement, Saorsa était livide de colère, et lâcha Eoran qui parla d’une voix blanche :

« N’insulte pas Saorsa. Dernier avertissement.

- Et que feras-tu dans le cas inverse, infirme ?

- Étocle, excuse-toi ! Fis-je d’une voix forte. »

Je le tirais à nouveau en arrière, Saorsa ne bougeai pas, elle fixait Étocle, ses doigts étaient blancs autour de l’épaule de son ami, mon cadet se tourna brusquement vers elle :

« Pourquoi me fixes-tu ainsi bâtarde ! »

Il eut deux éclats d’aciers dans le soleil, un cri, l’odeur du sang. Saorsa avait attrapé les deux épées en pleine main et leurs fils acéré avait pénétré dans sa chair, taillant muscles et tendons, le sang dégoulina le long de ses poignets, teintant sa chemise grise d’un étrange rouge, ses lèvres étaient blanches tant elles étaient serrées. Elle s’était retenue de crier de douleur. Étocle resta mortifié en regardant les deux nordiens, Saorsa repoussa les épées, l’handicapé prit aussitôt ses mains dans les siennes alors que les jumeaux arrivaient suivit d’autres Nordiens. J’attrapais mon frère pour l’entraîner derrière moi avant de lui administrer une paire de claque.

« Pour qui te prends-tu ?! Sérieusement ! Insulter un prince du royaume des montagnes et des neiges ?! Devant presque toute leur délégation ?! Devant ses frères ! Mais tu veux faire un incident diplomatique ?!

- Nous sommes supérieurs en nombre et leur reine est là… bredouilla t-il, je le giflais à nouveau.

- Arrête de dire des bêtises plus grosses que ton inconscience ! Et pourtant cela n’est pas facile ! Sérieusement ?! Insulter Midelia alors qu’elle est aimée… Tu pensais sérieusement que c’était une bonne idée ?! Devant tant de témoins ? Est-ce que cela t’arrive de réfléchir ?! »

Je l’attrapais par les épaules pour le secouer comme un prunier, il était toujours hébété de la situation. Du coin de l’œil je vis un Aalrika arriver et je le lâchais.

« Retourne au palais ! Ça t’éviteras de faire honte à tout le monde ! »

La foule restait silencieuse, la princesse de l’ouest resta sagement à sa place, tant mieux je n’aurais pas à la gérer. Quoi qu’elle aurait du, à mon sens intervenir pour son époux, mais visiblement… pas chez elle ?

« Un problème ? »

J’avalais ma salive en me tournant vers la reine, prête à lui faire des excuses, mais Eoran me prit de cours.

« Aucun mama.

- Alors pourquoi vous n’êtes pas occupé à vous entraîner ?!

- Nous discutions. »

Pourquoi Eoran et Itham couvrait mon frère, et où était Aolis… Il bouillait de colère, les poings serrés mais Saorsa était en train de lui écraser fermement les orteils. C’était donc ça, il était particulièrement impulsif et elle avait sa méthode pour le faire taire.

« Discuter ? Pourquoi Saorsa écrase les orteils d’Aolis ? »

La mère n’était clairement pas dupe. Saorsa haussa les épaules et les autres restèrent silencieux, la reine lâcha quelque chose que je ne compris pas, mais tous hochèrent la tête. La politique était un jeu particulièrement dangereux que beaucoup de nordistes semblaient maîtriser sur le bout des doigts. Ceux de ma petite sœur étaient d’ailleurs encore couverts de sang frais. Le sien. Elle revient s’asseoir sur la barrière, le menton dans ses mains, ses plaies avaient déjà cicatrisé, je la vis jouer distraitement avec sa pierre.

« Ça t’as fait mal ?

- Quoi donc ?

- Les épées… et le rituel ? »

Elle me sonda de son regard presque transparent et hocha la tête avant de reprendre la parole.

« Oui, ça m’a fait mal. Mais j’ai connu pires douleurs.

- Sadralbe ? »

Elle cligna des yeux et je fus surprise de la voir éclater de rire, bien qu’il fût sans joie, avant de reprendre, toujours sans détourner le regard du mien :

« Sadralbe est un petit joueur comparé à certains rituels de chez moi. La transformation en loup est horriblement douloureuse, qu’importe le nombre de fois et le nombre de secondes que cela dure. Infiniment plus douloureuse.

- Mais tu l’aimes cette douleur… Pourquoi se transformait-elle si cela lui était si insupportable ?

- Plus que tout. Cette douleur, c’est aussi le signe d’une liberté, d’une puissance. Puis elle est très brève et je n’en conserve aucune séquelle. Cette douleur c’est aussi la jouissance, parce que ça veut dire que j’ai un contrôle absolu sur mon corps. »

Elle me sourit simplement, je ne lui rendis pas, incapable de comprendre comment elle pouvait se transformer sans crainte avec cette douleur si intense à chaque fois… Et surtout, comment elle pouvait aimer ça ? Après il était vrai qu’elle n’avait pas le choix, lorsqu’elle se transformait elle était obligée de passer par là et comme elle aimait sa forme de louve… Le combat entre les trois garçons avaient commencé, et malgré son handicap, Eoran n’était pas en reste pour défier ses aînés, se battant fougueusement usant de sa magie avec habilité tout comme son corps, glaive et hache en main, même au sol il était redoutable et je n’aurais pas aimé l’avoir comme adversaire, mais avec ses frères, il s’amusait comme un fou. De temps à autre, avec ma sœur nous leur lancions des encouragements, je tenais sa main dans la mienne comme-ci j’avais peur de la perdre, la princesse de l’ouest restait muette. Mais les combattant du nord, malgré leur nombre réduit, montrait clairement qu’ils n’avaient peur de rien et de personne. Je n’aurais pas aimé les avoir en ennemi. Je serais bientôt l’une des leur de toute manière.

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