Chapitre 15 - Sadralbe

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Le petit monstre avait appris pour le mariage de son prince, merci les rumeurs, mais surtout sa sœur qui ne lui cachait presque rien. Elle restait étonnamment calme… trop calme, beaucoup trop et ça sentait clairement le mauvais coup. En dix ans j’avais appris à la connaître cette saloperie. Tout comme cette espèce de toile d’alliance que son maudit royaume était en train de faire. Qu’est-ce qu’ils cherchaient vraiment à faire ? Pourquoi personne n’avait encore contacté notre royaume ? Même l’Est avait eu des alliances et des mariages de nobles entre eux… Et pourtant ce royaume avait encore deux princes à marier ! Ils étaient de l’âge de Liliraele.


Je grondais un peu entre mes dents alors que je tirai le corps inanimé du monstre dans sa cage, elle était encore sous sa forme de louve. Comme d’habitude, quand le roi avait besoin de faire disparaître quelques opposants politiques, ou prisonniers condamnés à mort, ce monstre s’en chargeait efficacement quand on la lâchait dans l’espèce de forêt entouré de mur qu’on lui avait fait au bout d’un moment. Un bosquet de mort. Il y avait beaucoup d’os entre les feuilles et la mousse qu’il fallait enlever. J’avais commencé à émettre des idées de mariages d’elle et moi au roi qui semblait… réceptif. Enfin, pour l’instant il fallait juste attendre qu’elle se réveille. Elle était vraiment énorme, magnifique, c’était si rare de voir un loup de cette taille et avec une telle carrure… Je caressais doucement sa grosse tête poilue avant de refermer la cage. Elle reprendrait bientôt sa forme humaine, d’ici quelques heures, et si elle tuait des êtres humains : elle ne les mangeait pas. J’étais toujours étonné cette espèce de maîtrise qu’elle avait : elle tuait vite et bien, un simple coup de crocs vif et précis dans la nuque ou à la gorge avant de chercher sa vraie proie. Moi. J’étais soigneusement caché dans les branches, très haut après avoir bu une potion pour éliminer mon odeur corporelle. Elle m’avait repéré plusieurs fois et elle avait essayé de m’attraper, mais aussi grosse qu’elle pouvait être, elle n’était pas assez agile pour ça.


Si on oubliait son côté animal elle restait agréable à regarder, beaucoup trop maigre, mais ça c’était mon fait, avec son visage anguleux, petite… sous sa forme humaine, non agréable à regarder et je savais de quoi je parlais je regardais son évolution corporelle depuis dix ans. Mais si on oubliait sa maigreur… cela passait… J’étais sûr qu’une fois marier… j’allais pouvoir m’amuser avec elle et l’entendre couiner serait un plaisir qui serait bien capable de me mener jusqu’à la jouissance. J’allais lui planter mes fils et filles au creux de son être. Une fois en mon pouvoir j’allais m’assurer qu’elle n’oserait même plus lever la tête sans mon autorisation. Je léchai mes lèvres en la regardant prendre sa forme humaine dans un concert de craquement d’os et de bruits de muscles humides lentement alors que le soleil se levait. Petite poupée de chair… Tu étais encore un peu trop libre à mon goût, mais bientôt tu ramperas à mes pieds. Je l’enroulais dans une cape avant de la soulever sur mon épaule et de la mener dans sa chambre. Pas de gros dodo pour aujourd’hui, elle avait leçon avec sa sœur. Et comme d’habitude, je dus lui faire sa toilette, le temps qu’elle émerge et l’habiller sévèrement. Elle était présentable une fois que j’eus finis avec elle et je l’entraînai jusqu’à la salle de classe avant de l’installer soigneusement sur une chaise brusquement.


« Tu es bien heureux en ce moment. »


Fit-elle d’un ton détaché en rajustant sa coiffure d’un geste nonchalant. Oh… elle l’avait remarqué, c’était tellement mignon. Elle continuait de me parler avec cet horrible accent volontaire alors que je savais très bien qu’elle pouvait le faire disparaître quand elle le voulait, je repris dans sa langue. Oh je l’avais très bien appris à force de l’écouter parler ou chanter, mais j’avais également pris des cours :


« Je suis toujours heureux quand tu connais ta place, chienne. Et toi tu es anormalement calme alors que ce prince épouse une femme de l’ouest. »


Aucune réaction, elle ne bougea même pas les épaules, regardant droit devant elle. Elle maîtrisait parfaitement la moindre de ses émotions, le moindre de ses gestes. Jusqu’à son souffle. Ou presque, ses yeux parlaient toujours pour elle. Sauf que son adorable aînée entra à son tour et lui sourit. Toujours aussi proches ces deux-là sans que je ne sache comment elles s’étaient rapprochées si discrètement.


« Leçon sur le royaume des montagnes et des neiges ! »


Je fixai le précepteur, Midelia s’était redressée un peu, appuyant son menton dans sa main, presque avec un sourire, elle l’attendait le précepteur qui dû sentir son regard sur lui et il baissa les yeux sur elle. Là honnêtement je pouvais comprendre son mal aise, il y en avait une qui était la spécialiste de ce royaume et je sentais qu’elle allait vite être infernale à la moindre faute. Je me préparais mentalement à devoir la corriger plus tard. Une fois de plus ou de moins. Est-ce que j’étais à ça prêt. Non, vraiment, elle me permettait de développer mon imagination à des niveaux… surprenant. La cage, les outils de tortures basiques, mais aussi la magie pour lui faire croire à mille et une souffrances, la torture mentale, que des insectes grignotaient ses chairs de l’intérieur. La priver de nourritures, les drogues. Tout. Et depuis dix ans : pas une fois je ne l’avais pas entendu crier ou gémir de douleur. Non, jamais ! Elle avait une capacité à retenir l’expression vocale de sa douleur… Pleurer de douleur, oui ! Mais ce n’était pas aussi mélodieux que des cris ou des gémissements. Enfin, la leçon !


« Le royaume des Montagnes et des neiges était, à la base, composé de plusieurs tribus. On parle d’un millier. »


Un ricanement. Midelia. Ça commençait très mal cette leçon, le précepteur se racla la gorge, elle lui offrit un regard de défi, il essaya de temporiser :


« J’imagine que vous connaissez l’histoire du royaume ?

- Toujours mieux que vous en tout cas. »


Insupportable arrogance ! J’allais lui arracher les yeux. Non Sadralbe, respire, attends de t’être marié avec elle pour en faire ce que tu souhaites. Là tu pourras lui couper les orteils et elle ne pourra rien dire. Le jeune homme soupira, déjà découragé, il fallait le dire : d’habitude elle se tenait tranquille : pas là et ça ne faisait qu’une année qu’il était là.


« Bien Midelia… Peut-être que vous accepteriez de nous en parler. »


Elle haussa les épaules et prit quelques secondes pour s’accorder une réflexion, sûrement peu intense, mais nécessaire pour expliquer son royaume et tout ce qu’il y avait chez ces barbares :


« Au tout début de sa création, le royaume des montagnes et des neiges était composée de mille quatre cent cinquante-sept tribus, clans et meutes en tout genre. Il s’agit après tout d’un territoire composé de plusieurs paysages, dans le sens où certains peuples vivent dans les montagnes, voir à l’intérieur des montagnes, mais aussi dans les plaines et dans les forêts qui sont très nombreuses. Cela explique d’autant plus les contrastes entre les différents peuples et la multitude de langues qui existent en son sein. On parle d’une petite vingtaine, bien qu’elles se ressemblent, parfois. L’union de tous ces différents peuples et tribus ne s’est pas faite en un jour ni sans heurt. Le territoire était, à l’époque, plus petit qu’aujourd’hui, ce qui est rare, mais au vu des différentes invasions, union et disparition de tribus ou de meutes, cela à permis au royaume de s’agrandir. Il en ressort une vie politique très particulière avec une activité qu’on ne trouve pas toujours ailleurs et cette capacité à faire des alliances rapidement. La reine actuelle a eu trois fils, Eoran, Itham et Aolis. Aolis et Itham sont jumeaux et les premiers nés.

- Aolis est donc l’héritier ou Itham ? Questionna le précepteur, je vis l’hésitation dans le regard de la gamine.

- Je crois que c’est Aolis. »


Mentait-elle ? Elle n’avait pas l’air. Si c’était de vrais jumeaux effectivement il pouvait y avoir une hésitation ou une confusion. Elle restait très vague sur bien des sujets, sans doute trop jeune pour connaître beaucoup de choses.


« Combien reste-t-il de tribus et meutes ? »


Bonne question le précepteur, elle n’hésita pas :


« Deux cents. Beaucoup se sont unies mélangées, certaines ont également disparues simplement, parce que trop petites ou par des maladies aussi. Mais actuellement il y en a deux cents sur tout le territoire. Dont une cinquantaine de meutes. Du moins dans mes souvenirs et les dernières informations que j’ai eues. »


Cinquante meutes ?! Mais elles étaient si importantes que ça ?! Cela me semblait être un terrain de chasse parfait tout cela ! La princesse prit la parole, un sourire sur les lèvres :


« Les Lycans sont acceptés ?

- Ils font partit de la vie politique du royaume. »


Non ?! Mais c’était quoi ce royaume ?! Ces monstres étaient si bien acceptés ?! Pas étonnant qu’elle se croit tout permit ! Cinquante meutes ! Ils étaient tous dégénérés dans ce royaume ! Comment accepter de laisser sa fille se marier avec un fou ? Soit… je ne savais pas quoi en penser… Elle ne parlait pas non plus de l’armée, trop jeune pour le savoir ? Le précepteur reprit sa place pour cette partie, elle ne moufta pas. Une armée polyvalente et présente, mais pas de guerre ni en interne in en externe depuis plus d’un siècle. Qui voulait aller se peler le cul là-haut aussi ? Bon, soit, ils avaient des ressources comme la pierre, le métal etc, mais il n’y avait pas plus que cela. Notre royaume tenait tout cela également. Leur avantage était cette multitude d’alliances inquiétante, mais cela même le petit monstre ne pouvait l’expliquer. Elle n’était pas dans la tête de la reine après tout et il valait mieux, visiblement cette dernière était beaucoup plus intelligente qu’on aurait pu le croire, des années sans le moindre signe de vie et là… une succession de mariage et de décisions politiques, serait-elle mourante ? Non, nos espions nous l’auraient dit, c’était évident. Non… je ne comprenais pas cette… vivacité brutale. Ou alors… cela datait et s’exécutait maintenant ? Possible aussi. Je baissais le regard sur sa nuque. Elle ne m’échapperait pas.


Le cours se poursuivit un petit moment avant que les deux jeunes femmes ne sortent pour profiter un peu de l’air frais, le printemps arrivait timidement et il faisait encore frais, mais ça ne dérangeait nullement l’animal qui aimait beaucoup trop le froid. Le terrain d’entraînement. Je crois qu’elle aurait adoré s’entraîner, mais je ne lui donnerais aucune lame entre ses doigts. Elle était déjà trop dangereuse à la base, j’avais beau lui arracher les ongles et essayer de lui briser les dents, tout repoussait. Le côté loup sûrement. J’avais une collection de dents, d’ongles et de cheveux, je pouvais la surveiller beaucoup plus facilement comme cela. C’était comme des interrogatoires sans fin, je ne savais toujours pas à quoi correspondaient les marques, runes et tatouages sur sa peau qui descendaient sur son sein gauche depuis sa gorge, elle n’en avait jamais parlé, mais elle y tenait beaucoup. La rentrer, l’obliger à manger et prendre ses drogues. Chaque jour c’était un combat… j’aurais pu en être fatigué… mais c’était excitant en réalité, de voir qu’après dix ans elle avait toujours la même combativité, je me demandais comme elle faisait pour tenir et comment je devais faire pour la craquer. Isolement, torture… Non, rien ne l’avait fait céder, même pas quand je lui ramenais des cadavres des siens et que je l’obligeais de les achever ou de les enterrer. Une solidité mentale, je n’avais jamais vu ça. Entre cela et le fait que j’avais beau utiliser des drogues elle tenait bon. Fascinant, j’étais presque sûr qu’en en faisant un cas d’école je pourrais rentrer à l’université du pays. Ça me semblait un bon plan, en plus de la sauter bien sûr.


Elle rajusta le col de sa chemise, quand je disais que je devais la bloquer pour l’obliger à avaler ses repas et surtout ses drogues… Enfin pour une fois elle n’avait pas taché ses vêtements. Elle ne savait pas être sage cette petite chienne, non vraiment pas. On allait finir par avancer pas à pas dans la bonne direction, mais il fallait aussi que je surveille l’autre qui visiblement trouvait que sa monstrueuse sœur n’avait pas assez de liberté. Je vis de grands Faucons voler en direction de la tour de fauconneries. Avant on utilisait des corbeaux, mais ils se faisaient découper en morceaux par les faucons ou les autres grands oiseaux. Des nouvelles du nord ? J’avais pu entrapercevoir des plumes grises dans les ailes des oiseaux, ils étaient plus souvent clairs, logique au vu de leur environnement. La louve n’avait pas réagi, penchée sur un livre qu’elle lisait rapidement. L’héritière était occupée à une traduction en langue du nord. Midelia se pencha lorsque cette dernière lui tapota le bras pour lui faire lire. J’avais bien compris que l’apprentissage et la mémorisation rapide étaient le don des fluides à son peuple. Nous au sud nous absorbions bien plus vite et plus efficacement les fluides. Peut-être que c’était son cas aussi ? À l’ouest ils maîtrisaient beaucoup plus de types de fluides rapidement, quant à l’est je crois que cela concernait la création des fluides elle-même, mais je n’en étais pas sûr. Visiblement l’héritière n’était pas aussi douée que sa cadette pour les langues, enfin, on ne pouvait être doué en tout, mais aux moins elles étaient calmes, je ne pouvais demander beaucoup plus. Je levai les yeux en entendant qu’on frappait à la porte, un serviteur sûrement, qui ouvrit et se glissa dans la pièce jusqu’à moi, se hissant sur la pointe des pieds il me souffla :


« Il y a une lettre pour Elle. »


Une… lettre ? Quand avait-elle pu en écrire une ? Soit, elle avait une réponse, laissant le garde derrière moi je suivis le serviteur jusqu’à la volière et on me tendit un morceau de parchemin scellé, juste de la cire blanche, pas de sceau. Soit, je le brisais avant d’ouvrir et de froncer les sourcils : des runes. J’en reconnaissais certaines, mais elles étaient toutes mélangées. Un code ? Ou un autre alphabet ? Je soupirais avant de le fourrer dans ma poche, elle aurait intérêt à me le dire, sinon je lui arracherais la vérité. Je la reconduisis dans sa chambre et fermais soigneusement la porte avant de lui tendre le mot.


« Qu’est-ce qu’il y est écrit ? »


Elle le déroula, je la vis trembler et ses yeux se remplir de larmes. Qu’est-ce… Elle tomba à genoux, sa bouche s’ouvrit et un cataclysme de vent fit tout voler contre la pièce. Je fus projeté contre le mur alors que les meubles se soulevaient pour se fracasser contre les murs, la fenêtre vola en éclats qui me taillèrent la peau du visage, mais surtout au cœur de ce maelström un hurlement de douleur pur. C’était Midelia qui hurlait ainsi ! Elle hurlait toute sa douleur sans pudeur aucune sans retenir ses fluides, elle frappait dans tous les sens, je voyais de larges entailles se creuser dans les murs. Il fallait absolument que je l’arrête ! Sinon elle risquait de tout détruire ! Déjà le mobilier était réduit à peau de chagrin… J’invoquai les fluides de glace pour envoyer une masse vers le crâne de la louve. Il se brisa en fragment face à la sphère qui entourait la hurleuse. Merde ! Tout se finit brusquement. Tout retomba au sol avec violence, je sentis les joncs craquer sous mes genoux, tout avait été détruit. Quant à elle… elle s’était effondrée au sol et ne bougeait plus d’un pouce.


Bordel de merde.

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