Chapitre 14 - Liliraele

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Les îles. C’était un étrange paysage, magnifique, sublime, îles de forêt et de plage, ou de montagne… Le paysage était aussi changeant que la mer. J’avais vraiment l’impression d’être dans un autre monde. En discutant un peu avec les princes et princesse, j’avais appris qu’ici aussi les nomades venaient, était-ce étonnant ? Pas vraiment, ils allaient partout, mais ici ils évitaient clairement la capitale, préférant clairement les petits villages et les endroits les plus reculés. Soit, je pouvais comprendre. Mais l’ambiance était joyeuse et légère. Saorsa semblait apprécier dame Yashina et la compagnie de sa suivante, en quelques jours elle parlait couramment la langue du lieu et cela avait beaucoup étonné les autres personnes autour de nous. Pas moi. Je ne savais même pas moi-même combien de langue elle était capable de parler, lire, ou écrire. Elle m’avait apprise la langue officielle de son royaume au cours de ces dernières années, mais elle me l’avait dit : ce n’était qu’une petite partie toutes les langues, dialectes et patois du royaume. Lorsque je lui avais demandé si elle les parlait toutes, elle avait haussé les épaules : visiblement pour elle ça n’avait pas posé de soucis, sans doute parce que malgré tout… il y avait des racines communes, des constructions identiques. Elle n’en parlait pas, elle ne parlait plus en réalité de chez elle. Dix ans, aucune nouvelle… Sa famille devait la croire morte, mais elle n’avait pas abandonné l’idée de rentrer chez elle. En dix ans ses tentatives de fuites étaient nombreuses et désespérées, je ne pouvais que la comprendre, jamais elle ne s’était habituée à vivre dans le royaume de notre père… Et ici elle serait très malheureuse. Trop chaud, pas de neige… et elle ne pourrait pas chasser. Les Lycans étaient plus que mal vue sur les îles, si bien que Saorsa avait dû passer quatre jours dans la cale du navire, le plus discrètement possible, lors de la pleine lune. Maladie. C’était une bonne excuse.

« Liliraele. »

Je levai les yeux de ma partie d’échec que je disputais distraitement avec le prince. J’étais excellente aux échecs, vraiment, trois fois que le prince essayait de vaincre, trois fois que je le battais à plat de couture. Nous étions à la quatrième partie. Ma mère était belle dans sa robe d’été, seul un pli soucieux barrait son front, ce qui m’inquiéta :

« Mère ?

- Viens s’il te plaît. »

Sa demande sonnait comme un ordre. Je me levai aussitôt, m’excusant auprès du prince pour suivre ma mère dans les couloirs jusqu’aux appartements de mon père. Saorsa était là et me sonda du regard, un petit froncement de sourcil lui répondit : je ne savais pas ce qu’il se passait. Et elle non plus. Mon père tenait une lettre à la main, mais finis par lâcher d’une voix ferme :

« Nous partons demain, nous rentrons.

- Pourquoi ? Tout se passe bien avec le prince. Fis-je, ma petite sœur eut un sourire goguenard.

- Une valse d’alliance. Tu n’épouseras pas un prince ici. »

Ah. Ça c’était fait, moi qui avais commencé à apprécier le jeune homme, je fronçai les sourcils, Saorsa n’avait pas l’air étonnée, mais elle retient de justesse un bâillement et glissa une mèche derrière son oreille. Mon père poursuivit d’une voix grave :

« Étocle, tu épouseras la princesse Kura. Nous venons de signer l’accord avec son père. »

Mon plus jeune frère avait l’air de s’être pris une gifle, je savais ce qu’il pensait de la jeune princesse, et pourtant elle était vive et très intelligente, même si jeune avec ses dix ans. Il aurait le temps avant de l’épouser. Six ans, mais est-ce que ça voulait dire qu’elle allait venir avec nous ?

« Elle nous rejoindra dans un an. »

Un an ? Il y avait des chances que les alliances tournent encore, Saorsa avait l’air presque soulagée, sur les îles les bâtards, royaux au non, n’étaient pas toujours les bien vu et si chez nous on avait finit par s’habituer à sa présence, ici… je doutais qu’elle s’y soit plus et elle aurait dû supporter remarque et chuchotis beaucoup plus fréquent. Ma mère prit à nouveau la parole :

« Pourquoi nous partons ?

- Je te l’expliquerais bientôt Gaïa. Pas devant les enfants. »

Enfants qui avaient entre dix-huit ans, pour moi, et huit ans pour ma plus jeune sœur. Moi et mon frère Étocle qui étions les deux premiers héritiers, enfin, moi jusqu’à mon mariage bien évidement. Mais soit, nous étions encore des enfants… il ne fallait absolument pas parler de choses importantes devant nous. Pauvres enfants. J’interviens.

« Que vous ne disiez rien devant les plus jeunes, pourquoi pas ! Mais devant Étocle, Midelia et Moi ?! Ne rien dire ? »

Mon père me jeta un regard calme, avec une once de fierté, un très léger sourire aux lèvres. Il devait être fier que je refuse d’obéir si sagement et que je m’implique dans les décisions ? Qu’en savais-je. Néanmoins, il reprit la parole d’une voix ferme :

« Bien, toi et Étocle vous restez pour écouter.

- Et Midelia ?! »

Pour une fois que mon frère prenait la défense de Midelia, enfin Saorsa, même s’il ne l’aimait pas, Étocle était particulièrement arrogant, mais Saorsa était plus vieille que lui et avait un large panel de connaissances qu’il reconnaissait lui-même. Mon père jeta un coup d’œil à sa bâtarde qui soutient son regard. Il secoua la tête, il avait déjà un avis sur la question et il tomba :

« Non. Sadralbe, qu’elle soit déjà sur le bateau ce soir. En sûreté. »

Ma sœur découvrit ses dents dans un grondement de colère purement animal. Non, elle n’était pas spécialement d’accord pour cette idée. Mon intervention fut purement instinctive :

« Père ! Midelia…

- Ça suffit Liliraele. Midelia n’est qu’une bâtarde, elle n’a pas à assister à ça !

- Si je ne suis qu’une bâtarde, t’avais qu’à me laisser tranquille chez moi. »

L’insulte était à peine voilée derrière ses mots, mais nullement derrière son regard, Sadralbe lui saisit le bras et l’entraîna hors de la pièce. Ma mère pinça les lèvres avant d’ordonner aux plus jeunes de retourner dans leur chambre. Je m’assis rageusement sur un fauteuil, Étocle croisa les bras sur sa poitrine, ma mère posa juste ses mains sur mes épaules pour m’apaiser :

« Le troisième prince de royaume des montagnes et de la neige va épouser une princesse de l’Ouest. »

J’avalais ma salive, pas étonnant qu’il ait refusé que Saorsa soit présente, la moindre mention de chez elle la rendait enragé et totalement insupportable, même pour moi. Eoran. Le prince Eoran épousait bientôt une princesse de l’ouest… En connaissant les liens important avec les Îles de la mer et du ciel, mais aussi celles du soleil et du sable… Le royaume au nord tissait une toile d’alliance plus qu’importante et très rapidement. Mon père continua :

« Ils ont également envoyé quelques-uns des leurs ici, ils arriveront dans quelques jours. Ils préparent une alliance avec des nobles, ils en ont également envoyé sur les Îles du soleil et du sable. Je n’aime pas la toile qu’ils sont en train de faire. »

Il disait tout haut ce que je pensais. Pas étonnant que nous partions si vite… Mon père avait peur d’être ignoré ? Ma mère fronça les sourcils :

« Tu devrais laisser Midelia ici pour qu’elle parte avec les siens.

- Elle est ma fille. »

Cela voulait tout dire : il avait tout essayé avec elle, mais rien n’y faisait, elle ne le reconnaissait pas du tout ni comme père ni comme figure d’autorité. Je me mordis les joues… peut-être que je pourrais l’aider ? J’attendis la fin de la réunion avec impatience et sortis vivement préparer mes affaires, nous partions le lendemain… cette nuit. Je devais faire quelque chose pour qu’elle puisse se cacher sur l’île et repartir.

Je détournai la lumière de mon corps avant de me faufiler sans bruit dans les couloirs. Je ne savais pas comment faisait ma petite sœur pour ne pas mourir de peur lorsqu’elle fuyait dans les couloirs. J’avouais que c’était une ambiance étrange, il y avait des serviteurs, des gardes… Il fallait esquiver tout cela, comment faisait-elle ? Quoi qu’avec ses sens ce n’était pas étonnant qu’elle y arrive bien mieux que moi. Je réussis à sortir avec difficulté du palais avant de me diriger vers le bateau, facile de le trouver ! Il y avait tant d’agitation autour, malgré l’heure tardive, les marins discutaient avec les locales… discuter. Au vu des bruits que je pouvais entendre… certains ne discutaient pas simplement. Je grimpais difficilement sur le navire en sentant mon cœur battre avec violence contre ma poitrine. Le bois craqua sous mes pieds alors que j’avançai, merde ! C’était effrayant ! Respire Lili ! Respire… tout ira bien. Saorsa devait être à la cave, j’ouvris avec difficulté la trappe avant de me glisser à l’intérieur du bateau, j’avais le cœur qui allait me briser les côtes. Je grimaçais en sentant l’odeur de sueur, mais elle n’était pas là… Saorsa, ma sœur, où es-tu s’il te plaît ? Je descendis encore, manquant de rentrer dans un marin et une prostituée, ils ne remarquèrent rien, l’odeur de l’alcool flottait dans l’air, soyez soûls ! Vous ne remarquerez rien. Le bois craqua sous mes pieds dans une horrible cacophonie à mes oreilles et j’atteignis le troisième pont, une porte sur ma droite et il faisait extrêmement sombre… Le reste de la cale était rempli de marchandise, mais pas à droite, je sentis mon cœur rater un battement quand je vis des taches de sang sur le bois. Je me collais à la paroi en voyant Sadralbe sortir de la pièce à pas rapides, une lanterne à la main, je n’aimais pas la teinte du cuir de ses gants qui semblaient humides. Saorsa devait être dans cette pièce, je poussai la porte, pas verrouillée ? Logique, j’eus un frisson en voyant la cage au milieu du bateau, Saorsa ! Il y avait des lanternes ici qui donnaient à la pièce une ambiance étrange, macabre. Ma sœur releva la tête vers moi, je n’aimais pas l’éclat étrange des barreaux à la lumière, elle devina ma présence à l’odeur : j’avais détourné la lumière de mon corps si bien qu’on ne pouvait me voir. Je m’arrêtais et ma cadette me sourit, son regard braqué sur moi, elle semblait aller bien ! Si ce n’était des tâches de sang sur ses vêtements… mais physiquement elle semblait aller bien. Je m’agenouillai devant elle :

« Tu n’as rien ? Il ne t’a pas fait de mal ?

- T’occupes pas de ça. Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Elle semblait sincèrement inquiète pour moi, la chaîne qui reliait sa cheville nue à un barreau de la cage était en argent et devait la brûler. Et c’était à moi qu’elle pensait ? Il y avait du sang sur sa chemise. Il avait dû la frapper, mais elle ne dirait rien, j’avais fini par le comprendre, elle taisait ses souffrances. Je me mordis les joues avant d’avouer toutes les choses que j’avais apprises, elle resta de marbre, mais je vis dans ses yeux qu’elle réfléchissait à toute allure.

« Tu dis qu’Eoran épouse une princesse du Royaume des Vallées vertes ?

- Oui ! Et d’ici quelques jours certains des tiens viendraient former une alliance avec des nobles ! Si tu peux te cacher ici assez longtemps tu pourras retourner chez toi ! »

Je vis l’espoir flamber dans ses yeux et elle regarda autour d’elle avec attention, je l’imitais, mais il n’y avait rien qui puisse aider à ouvrir la porte de la cage. Pas de clé ! Forcément ! Je me mordis les joues avant de saisir un barreau et retirer brusquement ma main : des pointes ?!

« Ne me dis pas que ces barreaux sont recouverts de pointes ?!

- Je ne le dirais pas. »

Je jurais doucement avant de me diriger vers la porte, peut-être en forçant la porte avec mes fluides ? Je posais les mains sur la serrure en forçant les fluides de la lumière à rentrer à l’intérieur et devenir solides. Il fallait que ça tourne ! Je n’avais jamais usé de ma magie ainsi et je sentis la sueur couler sur mon visage. La porte s’ouvrit brusquement, claquant contre le mur du navire et je tournai la tête. Sadralbe se tenait là et poussa un profond soupir désespéré :

« Vous n’avez pas changé depuis ces années princesse Liliraele. Vous ne comprenez pas à quel point elle est dangereuse.

- C’est de l’argent ! Vous la torturez ! Lui lançais-je au visage, il n’eut qu’un rire et secoua la tête.

- J’affaiblis simplement la bête. Je crois connaître bien mieux les lycans que vous. Vous devriez sortir, vous n’aimeriez pas que j’en informe votre père. »

Saloperie ! Saorsa s’était remise debout et si ses yeux auraient pu tuer, il serait mort.

« C’est bon Liliraele. Ça ira ne t’inquiète pas. »

Je soutiens son regard avant d’enlever mes mains pour lui tendre, elle les saisit et les serra doucement en souriant avant de m’indiquer la sortie du regard, Sadralbe me fit un large sourire et m’escorta lui-même jusqu’au palais, jusqu’à ma chambre, il en referma soigneusement la porte et je me laissais tomber sur mon lit, le visage entre mes mains. Pardon Saorsa… je n’avais pas su t’aider…


Je pus lui venir en aide plus tard, quand elle me confia un billet à glisser avec mon courrier pour féliciter le prince Eoran de son mariage.

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