Chapitre 10

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Heureusement que Selana était là pour m'aider à m'habiller. Après avoir passé son temps dans de confortables vêtements de voyage, devoir se retrouver engoncée dans des robes de dame de compagnie était une véritable torture. La crinoline gênait mes moindres mouvements. Selana avait accepté de desserrer le corset en me voyant bleuir. Elle paressait gentille mais c'était un vrai bourreau de la mode. Il était important que son savoir faire soi mis en valeur, même pour un connard fini. Je soupirais de dépit et m'interdis de le comparer à Asher.

J'étais fin prête quand on toqua à ma porte. J'avais hâte de visiter les lieux même si la compagnie n'était pas celle que j'aurais espérée.

— Enfant de Lune. Je serais votre humble serviteur pour vous faire découvrir notre charmante cité, dit-il en s'inclinant avant de me tendre sa main.

Il n'était ni moche ni disgracieux mais sa présence me grattait la peau et me hérissait. Ne voulant pas paraître désagréable, je me forçais à poser ma main dans la sienne. J'avais hésité entre ça et l'ignorer mais bon. Je devais faire un effort.

— Appelez-moi Elisabeth.

— Elisabeth… Quel charmant prénom ma Dame.

Non décidément ça ne passait pas. Même entendre mon prénom dans sa bouche me donnait la nausée.

Nous n'étions pas seuls mais accompagnés de gardes, ce qui me rassurait quelque peu. Il me fit dans un premier temps visiter le château. Heureusement que j'avais un guide car il était immense et je me serais perdue plus d'une fois sans lui. Comme j'avais bonne mémoire, j'essayais de repérer les lieux en espérant pouvoir revenir seule plus tard.

Je me laissais également absorber par cette visite. Les lieux étaient magnifiques, chaque détail semblait avoir une signification et ma curiosité me poussait à vouloir découvrir tous les secrets de ce lieu.

Ensuite, il m'amena dans les jardins superbement entretenus. Je n'y connaissais rien en fleurs, mais les couleurs étaient mariées avec goût et les odeurs étaient divines. De plus, quelques rayons de soleil venaient jouer contre mon visage. Je fermai un instant les yeux pour en profiter. Quand je les rouvris, je vis le Prince Galaeron me fixer d'un drôle d'air. J'en frissonnais et pas de plaisir.

— J'ai une dernière surprise pour vous !

Je le regardais interrogative. Il m’entraîna à sa suite et nous fit revenir dans le palais. Il semblait qu'il y avait une partie qu'il ne m'avait pas fait visiter. C'était une partie aussi belle que les autres, dans des teintes beaucoup plus féminines et avec un grand patio qui avait une vue sur les jardins. C'était, en fait, encore plus beau que le reste. On voyait bien l'harmonie dans laquelle nous nous étions promenés. Avec le soleil qui commençait à baisser à l'horizon et qui jetait ses derniers rayons parmi les fleurs.

— C'est magnifique !

— J'étais sûr que ça vous ferez plaisir ! Ce seront vos appartements une fois que nous serons mariés.

Je blêmis en le regardant. Il n'était pas sérieux quand même, c'était forcément une blague.

— Pardon ?!

— Et bien oui, notre union est déjà arrangée. Nous attendons uniquement les prochaines pleines lunes pour que notre union ait lieu sous les meilleurs augures. Vous aurez l'occasion de sortir de l'école pour celle-ci.

J'avais 16 ans, je venais de débarquer, on ne se connaissait pas et j'étais censé me marier avec lui ? Alors qu'il me sortait par les trous de nez ? Et puis quoi encore, ils comptaient aussi vérifier ma virginité pendant qu'on y était ? Je me redressais de tout mon ressentiment.

— Il est hors de question que je me marie avec vous.

Il se rapprocha de moi pour m'intimider mais je ne cédais pas un pouce de terrain.

— Oh, mais vous n'aurez pas le choix chère Enfant de Lune. Et croyez-moi, vous aimerez ça, affirma-t-il d'un ton mesquin et arrogant.

Il tenta de me voler un baiser mais je détournais assez rapidement la tête. Je dus me retenir pour ne pas lui mettre un coup de genou dans les bijoux de famille ou un coup de boule. Mon cœur balançait…

— Puisque ce titre semble si important pour vous, n'oubliez pas un seul instant ce que je suis destinée à devenir. Et croyez bien que je ne me laisserais pas faire.

— Hum, ça n'en sera que plus excitant. Mais je vous rassure, quoi que vous fassiez, vous finirez sous ma coupe, me nargua-t-il en caressant ma joue du bout du doigt. Nos enfants seront magnifiques.

Je ne fléchis pas mais manquais de lui vomir dessus. Pour le montrer que je n'avais pas peur de lui, je tournais les talons avant de me diriger de moi-même vers mes appartements. Mes actuels, pas cette cage dorée. J'en profitais pour lui écraser le pied au passage. Oups… L'entendre retenir abruptement son souffle fut ma petite victoire.

Heureusement, j'avais bonne mémoire et retrouvais assez facilement ma chambre. Une fois arrivée, je m'effondrais en pleurs sur le lit. Il y avait des jours où il aurait mieux valu rester couché. Il en faisait partie. Je m'étonnais d'avoir encore assez de larmes. Selana me trouva recroquevillée sur le lit.

— Elisabeth ! s'écria-t-elle. Que vous ... t'as fait le Prince ?

Ça m'étonnait qu'elle parte du principe que ce soit forcément le Prince. Mes sanglots redoublèrent.

— Il a prévu de m'épouser aux prochaines pleines lunes, répondis-je entre deux reniflements.

Je me redressais pour chercher un mouchoir, ce fut Selana qui me tendit le Saint Graal. Elle paraissait scandalisée.

— Oh non ! C'est dans six mois !

— Il est hors de question que je me marie avec ce connard fini !

— Ma Dame ! Vous ...

— Tu !

— Tu ne peux pas dire ça du Prince !

Ce qui ne l'empêcha pas d'ajouter un ton plus bas :

— Même si c'est vrai.

— Je ne marierais pas sans amour ! Et encore moins avec quelqu'un que je viens de rencontrer.

— Normalement chez nous on se marie par amour, mais personne ne peut rien dire à la famille royale ... Ils doivent faire ce qui est nécessaire à la sécurité du royaume. Même si ça passe par ça ...

— Selana, je n'ai que 16 ans, chez moi c'est beaucoup trop jeune pour se marier et devenir une poule pondeuse.

— Mais ici 16 ans c'est un très bon âge pour se marier. C'est une chance.

— Je trouverais une solution. Plutôt mourir que l'épouser.

— Les seuls qui ont un pouvoir sur eux sont à l'Académie...

— Alors j'irai les trouver.

J'étais résolue à éviter cette horreur. D'ailleurs ça tombait bien, j'avais rendez-vous avec l'Ambusien suprême le lendemain. S'il fallait que je le raye du paysage je n'hésiterai pas.

Je prétextais me sentir barbouillée par le voyage pour ne pas assister au repas royal. Un repas frugal fut apporté dans ma chambre et je pus éviter la compagnie de ce traître d'Asher et de son abruti de frère.

J'étais impatiente de rencontrer l'Ambusien suprême mais ça ne m'empêcha pas de dormir. Les révélations de la journée m'avaient épuisée.

Le lendemain, ce fut à nouveau Selana qui vint me préparer pour aller à l'Académie. Elle alla même jusqu'à me serrer dans ses bras pour me souhaiter bonne chance.

Quand on toqua à la porte, j'étais bourrée d'appréhension. Je ne voulais pas revoir Galaeron, surtout avec ce que je m'apprêtais à demander à l'Académie. Je poussais un soupir de soulagement en ouvrant la porte. Ce n'était pas lui mais une Elfe qui ressemblait beaucoup à Asher. Son rire cristallin retentit.

— Eh bien ! Je ne sais pas qui tu t'attendais à voir ,mais il semble que je fasse meilleur effet !

Elle posa son index sur son menton en faisant mine de réfléchir.

— Mais bien sur ! Mon cher frère adoré le Prince Galaeron bien sur ! Tu m'étonnes ... Enfin, je me présente, Syrae. La petite dernière de la fratrie princière. Enchantée de te rencontrer enfin. Ash m'a tellement parlé de toi !

Puis elle ajouta pour elle-même.

— Oups ça je n'étais pas censé le dire.

J'étais désarçonnée par ce comportement si amical dans cet environnement si froid.

— Euh. Bonjour. Moi c'est Elisabeth.

Ash aurait parlé de moi ? J'avais du mal à y croire. Je n'avais eu aucun signe de sa part depuis l'épisode de la salle du trône.

— Et bien maintenant que les présentations sont faites, on y va ?

Elle m’entraîna à sa suite vers les écuries où nous retrouvâmes nos montures déjà prête. Enfin la sienne. Il semblait que Shadow fasse encore des siennes et ne voulait pas se laisser approcher. J'étais très heureuse de le retrouver enfin. Même si je ne l'avais quitté que depuis la veille. J'étais déjà nostalgique et j'avais envie de retourner courir les plaines avec lui. Il m'envoya que lui aussi. Le luxe c'était sympa, mais l'aventure encore plus.

— Un étalon des Brumes ! Il est magnifique ! Ca fait très longtemps que nos écuries n'ont pas eu la chance d'accueillir un des tiens, lui dit-elle avant de s'incliner légèrement devant lui.

C'en était assez pour qu'il ne se sente plus et commence à faire le beau et à se pavaner. Je dus le rappeler gentiment à l'ordre. Sentant ma contrariété et mon empressement, il se laissa faire.

Une quinzaine de minutes plus tard, sous le babillage incessant de la Princesse, nous étions arrivés à l'Académie. Elle m'avait raconté plein d'anecdotes sur la ville. C'est vrai que c'était amusant de savoir que cette rue s'appelait la Pissotière parce que le responsable des registres s'y était pris un pot de chambre. Rempli, racontait la légende.

Je laissais Shadow au palefrenier en lui faisant promettre de ne pas le croquer. Non non même pas un petit morceau pour lui faire peur. Je pris mon air le plus méchant pour faire passer le message, mais il semblerait que je doive encore le travailler. Il claqua des dents à trois centimètres de ses mollets avant de me regarder d'un air de cheval battu.

Cet échange fit beaucoup rire Syrae. J'aimais bien ce petit bout de femme, enfin d'Elfe, rieur et joyeux. C'était un vrai rayon de soleil dans ce qui s'était fait trop sombre depuis que j'étais arrivée ici. Elle m'apportait une lueur d'espoir.

Nous fûmes accueillis par des Dotés en étude qui nous guidèrent jusqu'au bureau de l'Ambusien suprême. Nous n’eûmes pas à patienter longtemps avant d'être reçues.

— Merci étudiante Syrae, vous pouvez également disposer.

Elle ne m'avait pas dit qu'elle étudiait ici, la coquine. Je vis à son clin d'oeil qu'elle avait suivi les cheminements de mes pensées avant de s'éclipser.

Je me tournais vers l'Ambusien suprême avant de repenser à ce que Selana m'avait dit. En effet, il avait l'air de son comporter avec Syrae de la même manière qu'avec n'importe qui. Je me demandais comment j'allais aborder le sujet qui me préoccupait.

Je m'étais attendue à arriver face à Albus Dumbledore mais pas du tout. Il n'était pas aussi vieux et n'avait pas autant de barbe. Il semblait avoir dans les 35 ans et n'avait qu'une barbe de deux ou trois jours tout au plus. C'était un Elfe. Ça paraissait jeune pour avoir autant de responsabilité. Pourtant, Syrae m'avait expliquée que l'age ne rentrait pas du tout en ligne de compte pour ce poste.

— Bonjour Enfant de Lune. Il semble que c'est à moi qui revienne la tâche de te former et de t'accompagner dans l'accomplissement de la prophétie.

— Bonjour Maître. Euh Ambusien Suprême pardon. Appelez-moi Elisabeth. Il semble en effet. Mais je suis désolée, je n'ai pas l'impression d'avoir des pouvoirs.

— Approche.

Je m'exécutais et avançais jusqu'à lui. Il posa sa paume sur mon front et ferma les yeux.

Je n'étais pas friande de contact mais ça me fit du bien et remis de l'ordre dans mes pensées.

— Tu as un verrou sur tes pouvoirs, c'est pour ça qu'il faut que nous l'enlevions. Par contre, quelque chose te tracasse. Je dois savoir ce qu'il se passe avant de procéder à ton ouverture.

Je me mordillais la joue, indécise. Puis je me jetais à l'eau, de toute façon, je ne risquais pas de couler plus.

— Je n'épouserai pas le Prince Galaeron. C'est hors de question.

— Mais qui t'as dit que tu te marierais avec lui ?

Il semblait sincèrement surpris.

— Il me l'a dit hier en me faisant visiter le château. Il m'a présenté mes futurs appartements pour « quand nous serons mariés ». Ils attendent la prochaine pleine lune. Et que j'aurais le droit de sortir de l'Académie pour l'occasion.

Il éclata d'un rire sans joie.

— Qu'ils espèrent toujours. Ne t'inquiète pas, ça n'arrivera pas. A moins que tu ne le souhaites ...

— Non !

Je ne l'avais même pas laissé finir. Je murmurais des excuses en baissant la tête.

— De toute façon, la première année d'étude, tu ne peux pas sortir de l'Académie. C'est une question de sécurité. Les pouvoirs bruts sont trop instables.

Je déchantais. Comment allait faire Shadow ? Et même moi et ma soif de liberté. Et pourtant je n'avais pas le choix.

— Nous allons maintenant ôter le verrou.

— Ça va faire mal ?

— Certainement un peu.

Puis il s'entailla la paume qu'il posa sur mon front. J'eus à peine le temps de penser à Simba du Roi Lion que je sombrais dans un monde de douleur.

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