Chapitre 11

9 minutes de lecture

Je dérivais sur des pics où mon corps se disloquait puis il se ré-assemblait au cours d'une accalmie, avant de ré-exploser à nouveau. Mon corps n'était que pixels. Je n'avais jamais eu aussi mal de toute ma vie. Même en me cassant le bras en apprenant à faire du vélo, je ne me souvenais pas avoir eu aussi mal. C'était long, je ne voyais pas le bout du tunnel. Par contre je m'attendais à voir la lumière blanche m'appeler, je le souhaitais même de tous mes vœux. Je ne comprenais pas pourquoi je devais avoir autant de douleur en moi. Quand allait finir ce cauchemar ? J'entendis une longue plainte dans mon délire.

Quand je repris conscience, la douleur que je sentais dans ma gorge me fit comprendre que je n'avais pas imaginé ce hurlement. Je sentais des traces séchées sur mes joues, j'en déduisis que j'avais pleuré.

Je me décidais à ouvrir les yeux et tombais directement sur le visage sérieux et inquiet de Syrae. Je tentais un faible sourire pour la rassurer mais j'avais des courbatures partout. Même ça j'en souffrais, je grimaçais et mes yeux se mirent à perler.

Syrae eu un sourire triste en me regardant. Son regard se voila de colère quand elle se tourna vers l'Ambusien Suprême.

— Vous auriez pu faire en sorte qu'elle n'ait pas aussi mal ! gronda-t-elle.

— Vous êtes peu être la Princesse mais n'oubliez pas à qui vous parlez. Le sceau était trop puissant pour que je puisse diluer l'Ambus ainsi. Par contre, libre à vous de la soulager de ses douleurs.

Elle baissa les yeux le temps de reprendre une contenance.

— Pardon Maitre Klearn.

Puis elle posa ses mains contre mes tempes avant de fermer les yeux. Je me raidis, dans l'attente de la douleur qui ne manquerait pas d'arriver. Quelle ne fut pas ma surprise quand je sentis une douce onde de chaleur se répandre de ses mains, pour aller progressivement jusqu'au bout de mes orteils. Tous mes muscles se détendirent, et les douleurs s'atténuèrent puis s'envolèrent. J'en poussais un gémissement de bien être. Mes yeux se refermèrent et je m'endormis d'un sommeil sans rêves.

Je me réveillai dans une petite chambre qui contenait deux lits simples. Syrae était installée sur celui en face et me regardais. Décidément, elle appréciait m'observer.

— On est où ?

Enfin, ça c'est ce que j'avais voulu dire. Avec la tête dans le pâté et la bouche farineuse, ça ressemblait plutôt à « mniou ». Apparemment elle m'avait quand même compris.

— Voici ta nouvelle chambre à l'Académie ! J'ai réussi à faire en sorte que nous soyons dans la même ! Génial non ?!

Un fin sourire étira mes lèvres face à son enthousiasme. Je frottais mes yeux ensommeillés avant de m'étirer.

— On ne retourne pas au château ?

Elle eut la délicatesse de paraître gênée.

— Euh ... Eh bien ... Non.

Je la regardais en haussant un sourcil. J'attendais quand même un peu plus d'explications que ça. Elle soupira.

— Il n'était pas prévu d'ôter ton sceau tout de suite. C'était une manœuvre risquée. Au vu de la menace représentée par mon frère, Klearn a décidé de l'enlever pour t'obliger à rester ici. Et surtout, j'aurais aimé que tu découvres d'abord toute la ville ... Les nouveaux Dotés n'ont pas le droit de sortir de l'Académie au moins les six premiers mois. Tes pouvoirs sont trop instables et tu risquerais de blesser beaucoup de monde.

J'étais abasourdie et un peu triste.

— Je n'ai même pas eu le temps de dire au revoir à Selana ! Et Shadow ne va pas supporter de rester enfermé autant de temps sans galoper au vent ! Moi non plus d'ailleurs ...

— Je suis vraiment désolée Elisabeth. J'aurais préféré que ça se passe autrement.

Je me levais et sortie en vitesse de ma chambre en cherchant la sortie. Il fallait que je prenne l'air. Je courus sans suivre de direction précise et eu la chance d’atterrir aux écuries. Je repérais immédiatement la stalle de Shadow et me faufilais près de lui dans la paille propre. Il vint souffler près de mon cou et agita ses oreilles, interrogatif.

Je lui racontais les derniers événements. J'appris que ça faisait déjà 3 jours que j'étais arrivée. Je n'en revenais pas d'avoir dormi autant. Il me rassura quant à sa bougeotte. Il s'était lié d'amitié avec l'un de ceux qui s'occupaient de lui. Enfin disons plutôt qu'il le tolérait mieux que les autres. Il m'envoya son image. J'irais le voir pour lui demander de bien vouloir balader avec lui de temps en temps. Il me dit aussi qu'il m'attendrait. Rassérénée, je le couvris de grattouilles et de câlins.

Je n'avais même pas eu le temps de revoir Asher depuis qu'il m'avait lâché dans cet endroit de fous. Mon cœur se serra une nouvelle fois en pensant à lui. J'espérais qu'il arriverait au moins à faire passer le message à mes parents que j'allais bien. Enfin du moins physiquement ...

Plusieurs mois passèrent, pendant lesquels je m’entraînais sans relâche. J'appris que, plusieurs fois, la famille royale tenta de faire pression sur l'Ambusien Suprême pour organiser le mariage. Celui-ci refusa à chaque fois de leur céder le moindre pouce de terrain. Ils tentèrent également de faire pression sur Syrae qui tint bon.

La population de l'Académie était très variée. J'eus la surprise d'y voir quelques humains, mais aussi des ifrits, des gobelins, des hommes-chats et bien d'autres dont je ne connaissais pas le nom. Chaque jour je découvrais des nouveautés sur ce monde qui était désormais le mien. Cette institution était tellement réputée qu'on venait des quatre coins de l'Ether pour avoir la chance d'y étudier. Elle était élitiste non pas par l'argent mais par la compétence. Heureusement que l'Ambusien Suprême était chevelu et marchait sur ses deux jambes sinon je me serai crue dans les X-men.

Je comprenais mieux pourquoi on nous cloîtrait ici les six premiers mois. Il fallait être sûrs que nous maîtrisions nos pouvoirs pour avoir le droit de nager dans le grand bain. J'appris à faire une coupure propre et nette en fonction des besoins en Ambus. A ne pas garder de cicatrices. Et surtout, à doser l'Ambus qui en sortait. J'avais quand même failli mettre le feu à une classe en entaillant trois centimètres au lieu de un ...

Je compris aussi l'intérêt de n'utiliser ces facultés qu'en dernier recours, il fallait respecter la nature et les dons qu'elle nous avait fournie sans en abuser. J'appris à profiter de moment de liberté pour méditer et ainsi recharger mes batteries. Ce recentrage sur moi et sur ce que les mondes nous offraient de leur plein gré me firent prendre conscience de l'importance de la mission qui pesait sur moi.

Les plaies de mon cœur semblèrent aussi guérir. L'éloignement de mes parents et la perte d'Ash s'adoucirent et ne me firent plus autant souffrir.

Je me liais d'amitié avec quelques autres étudiants. Même si je n'avais pas cette facilité communicative de Syrae. Elle était toujours là pour me guider. Elle arrivait presque au bout de son apprentissage, mais je pensais qu'elle continuerait dans cette institution en tant que professeure. Certains la pressentaient future Ambusien Suprême, même si pour ça elle devrait renoncer à son titre de Princesse. De ce que je voyais, elle semblait plutôt entichée de l'actuel. Je l'avais charriée plusieurs fois à ce propos, mais elle détournait la conversation en rougissant. J'attendais qu'elle se confie d'elle-même.

Malgré le rejet de plusieurs demandes d'audience de Galaeron, il réussit à se faufiler en douce dans l'Académie. Personne ne le remarqua.

— Ma Dame m'évite ?

Tous les poils de mon corps se hérissèrent à cette voix honnie. Je me retournais lentement pour le trouver à trente centimètres de moi. Je ne l'avais pas entendu arriver. Je devais la jouer finement pour m'en sortir.

— Vous n'avez rien à faire là !

— Mais bien sûr que si ! Je viens rendre visite à ma future épouse. Le mariage est dans trois mois.

Je me sentais bouillonner. Je savais que c'était risqué pour tout le monde que je m'emporte comme ça. Je pris quelques instants pour appliquer les techniques de méditation qu'on nous avait appris. Il considéra cela comme une invitation et toute ma bonne volonté s'envola quand il se colla contre moi.

— Vous comprenez bien que vous n'avez pas le choix. Je vais prendre un avant-goût de ce qui m'attend.

Sa main se glissa dans mon cou et ses lèvres se rapprochèrent des miennes. Il m'avait coincée contre le mur et je perdis la raison.

Toute ma peau se mit à crépiter, mes yeux s'étrécirent et ma vision se voila. Quand mes cheveux se mirent à voler dans tout sens, il me lâcha et fit un pas en arrière en hoquetant.

Oh qu'il ne s'en sortirait pas comme ça celui-là. Un hurlement perçant s'échappa de ma gorge avant que je ne me jette en avant, toute griffe dehors. Et si je l'étranglais ? Hum qu'est-ce que ce serait bon ... Je passais ma langue sur mes lèvres de délectation.

— Ellie non !!! hurla une voix que je connaissais bien.

Je me détournais de ma première proie pour regarder la seconde. Je sentais son cœur qui battait dans sa poitrine. Quel goût aurait-il une fois dans ma bouche ? Je penchais la tête, impatiente.

— Oh merde, tes yeux. Pourquoi tu me regardes comme si j'étais ton dîner ?

Ma nouvelle proie avait l'air terrifiée. L'odeur dégagée n'en était qu'encore plus appétissante. J'avançais doucement vers elle. C'est bien ne bouge pas petit lapin, n'ait pas peur du grand méchant loup.

Entendant un bruit derrière moi, je me retournais juste à temps pour me faire assommer par ce que je reconnus être Maître Klearn.

— Putain ça fait mal ! jurais-je en me réveillant.

Je voulus porter mes mains à la tête, mais elles étaient bloquées. On m'avait attachée ! Je commençais à paniquer et à me débattre dans tous les sens. Je n'étais pas claustrophobe mais je détestais être coincée comme ça. Je sentais la crise d'angoisse commencer à monter.

— Ellie ! Calme-toi !

Je tournais la tête pour voir qui avait parlé. Syrae. Encore et toujours. Je poussais un soupir de soulagement, mais elle ne semblait pas vouloir venir me détacher.

— Peux-tu me détacher s'il te plait ?

Je détestais aussitôt ma voix chevrotante.

— Seul Klearn peut le faire. Est-ce que tu es revenue à toi-même ?

Ça me fit mal de la voir si hésitante, elle d'habitude si sûre d'elle. Qu'est-ce que j'avais fait ? D'un coup, tout me revint en mémoire et je poussais un cri horrifié.

— Oh mon Dieu Syrae je suis tellement désolée ! J'ai honte ! réussis-je à articuler entre deux sanglots. Je comprendrais que tu ne veuilles plus jamais m'adresser la parole !

J'avais failli bouffer ma meilleure amie ! Et sans la moindre étincelle de conscience ! Qu'est-ce que j'étais devenue ? Un monstre ?

Elle secoua la tête avant de me répondre.

— Tes yeux étaient deux puits noirs d'encre. C'est la faute de mon frère... Tu ne te serais pas mise dans cet état-là s'il ne t'avait pas attrapé.

Je frissonnais en repensant à tout ce qui avait failli se passer.

Maitre Klearn entra dans a pièce.

— Elisabeth, vous sentez-vous mieux ? Avez-vous repris vos esprits ?

Je hochais piteusement la tête. Je voulais juste qu'il me détache, mais je comprenais son hésitation. J'avais eu tellement de puissance en moi à ce moment-là, qu'il avait eu de la chance d'arriver à m'arrêter. S'il ne m'avait pas eu par surprise, ce n'était pas sûr qu'il me maîtrise. Et ça, nous le savions tous les deux.

— Je suis sincèrement désolée Maître. Il serait peut-être mieux de reverrouiller mes pouvoirs. Je suis trop dangereuse.

— C'est impossible.

— J'ai failli tuer ma meilleure amie !

Je hurlais cette dernière phrase de désespoir. Syrae sursauta à ces mots.

— Elisabeth ! Non seulement nous n'avons pas les capacités de le faire mais en plus il est impératif que vous appreniez à maîtriser ce côté sombre. Qu'est-ce que ça fait de vous si vous le laissez vous dominer ?

Sur ce, il me détacha. Je m'assis et n'osais pas regarder mon amie dans les yeux. Elle était encore plus pâle que d'habitude.

— J'ai fait renforcer la sécurité pour que cet abruti ne puisse plus traîner ici.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Dinedine59 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0