Chapitre 6

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— Oseriez-vous insulter l'hospitalité des Ezekiens cher Prince ? rétorqua le chef en fronçant les sourcils.

— Aucunement Marcheur. Vous êtes connus pour être plus qu'accueillant avec les étrangers mais encore plus intéressés par le commerce, répondit Ash en inclinant humblement la tête.

Sa réplique fit mouche et des petits rires se firent entendre. Un sourire étira les lèvres du chef avant qu'il ne reporte son attention sur moi. Je sentais son regard me transpercer, comme s'il pouvait voir tout au fond de moi. J'étais aspirée par ses yeux si énigmatiques.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il sans me lâcher des yeux.

Par respect, j'aurais aimé pouvoir baisser les miens, je n'étais pas en position de dominance mais tout en moi m'empêchait de le faire. J'étais comme hypnotisée.

— Je m'appelle Elisabeth et je viens pour étudier à la cours Enphyra, réussis-je à articuler, péniblement.

Nous nous étions mis d'accord sur ce que nous allions dire. Le Marcheur détourna le regard et je pus enfin bouger. Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale.

— C'est une Dotée née de l'Autre Côté, ajouta Ash les sourcils froncés.

— De nouveau temps arrivent mes amis, souffla-t-il avant de continuer un ton plus haut. Mes amis ! Ce soir est un soir de fête ! Trouvez des habits pour la Dame et allons préparer une chèvre.

Euh il entendait quoi par préparer une chèvre ? Je ne voulais pas être responsable de la mort de cette pauvre bête ! Et si je disais que j'étais végétarienne ? On pourrait peut-être la laisser vivre encore un peu. J'allais ouvrir la bouche quand mon compatriote me fit taire d'un seul regard. Je déglutis difficilement, je ne pouvais me permettre de les offenser.

La troupe s'éparpilla autour de nous pour vaquer à ses occupations. Une certaine agitation et une ambiance bon enfant habitait le camp. On nous amena à une des tentes fermées en nous indiquant que c'était la nôtre. Des vêtements propres et de quoi nous rafraîchir nous y attendait.

Je repérais le lit et m'affalais de tout mon long. J'étais fourbue et épuisée. J'avais très envie de me laver mais l'attrait du lit avait été plus puissant.

— Ash, comment ça se fait que je les comprenne ?

Je sentis un mouvement à côtés de moi et j'ouvris les yeux. Le voir assis si près de moi me perturba, surtout dans un endroit aussi intime qu'un lit. Des fourmillements remontèrent le long de mon ventre et mes yeux se rivèrent à son regard si bleu. Il cilla avant de détourner le regard.

— Je ne sais pas Elisabeth, c'est la première fois que nous ramenons une Dotée de l'autre côté.

— Alors pourquoi tu as dit au chef d'où nous venions ?

— Parce qu'il l'avait remarqué rien qu'à tes habits. Nous avons eu de la chance de tomber sur eux avant d'arriver à Epission. Les Marcheurs ne s'occupent que d'eux et de leur commerce. Ils gardent la terre en attendant le retour de l'Héritier. Même s'ils sont de moins en moins nombreux. Les histoires de va-et-vient entre les mondes, ils s'en moquent. Souhaites-tu te rafraîchir avant que nous ne rejoignions nos hôtes ?

Je fis mine de me renifler avant de répondre.

— Pourquoi je pue ?

— Je ne l'aurais pas dit comme ça, s'amusa-t-il en se levant.

Je riais tandis que notre camaraderie revenait à son niveau habituel. C'était fou comme on pouvait être amené à se sentir aussi à l'aise aussi vite avec une personne. Bon d'accord nous n'avions été qu'à deux pendant quelques jours mais même.

— Comme c'est galant de ta part ! Tu as raison, j'en meurs d'envie.

— Je te laisse, je t'attends devant.

Je hochais la tête en le remerciant. Dès qu'il eut passé la porte de la tente, je me levais pour me diriger vers la cuvette. Un linge et du savon m'attendait. Je soupirais d'aise en sentant l'eau passer sur mon visage et sur mon corps. Ce n'était pas une douche mais à cet instant précis c'était déjà magique. Après ce qu'il m'avait dit sur le recours à l'Ambus, je n'avais pas osé demander à Ash de quoi me laver.

Ma toilette terminée, je me dirigeais vers le tas d'habit qu'on m'avait indiqué comme mien. C'était une sorte de longue robe un peu trop grande pour moi. Le tissu était soyeux et fluide entre mes mains. Plusieurs couches assuraient l'opacité de celle-ci. Une ceinture en cuir souple complétait le tout. Ça va, je n'étais pas perdue. Pas de brosse en vue. Je peignis rapidement mes cheveux mouillés avec les doigts en sortant de la tente.

— C'est fou ce que ça fait du bien ! Alors je sens bon maintenant ? demandais-je en passant la porte.

Ash était entouré d'une nuée de marmot et semblait bien s'amuser avec eux. Je l'observais quelques instants en souriant. Il ressemblait à un ange, avec ses yeux et ses cheveux si pâle au milieu de cette bande brune. Sa peau était légèrement halée par le soleil qui nous avait accompagné. Une lueur que je n'arrivais pas à définir brilla furtivement dans ses yeux quand il me regarda. Il s'accroupit pour dire quelques mots à l'un des petits avant de se relever pour venir vers moi.

— Humm laisse-moi renifler, ah oui c'est mieux ! Je ne sens plus que ma crasse.

Sa proximité et son corps tendu vers moi me fit rougir et me donna envie de repousser cette mèche folle qui était encore une fois venue taquiner ses yeux. Je réprimais mon mouvement au dernier moment. Je ne savais pas s'il n'avait pas vu mon trouble ou s'il l'avait sciemment ignoré.

Assis à la droite du chef, nous étions vraiment des invités d'honneur. Ils ne se montrèrent pas curieux de ma venue, heureusement car notre histoire aurait vite été bancale. Il n'y avait pas grand-chose à raconter. Il y avait de la couleur partout, dans les tentures, dans les habits. Leur joie était communicative. La nourriture était délicieuse. La soirée fût animée de danses et de chants qui résonnaient en moi. On sentait au travers de tout ça la solidarité et l'espoir porté par ce peuple. Avec tout ça, ils nous racontaient leur histoire. J'avais tellement l'impression d'être privilégiée qu'à un moment, les larmes se mirent à couler sur mes joues. La main d'Ash serra ma cuisse sous la table et me permit de reprendre plus rapidement mes esprits. Il était mon roc. Je serrais sa main en retour, un remerciement muet.

Après le repas, nous fûmes invités à nous installer sur de gros coussins bien moelleux. Malgré toute ma bonne volonté, et bercée par la musique, je m'endormis le sourire aux lèvres.

Je me réveillais le lendemain dans le lit de notre tente. Ash me souriait, assis sur la chaise à côté de moi.

— Salut, murmurais-je d'une voix ensommeillée, les yeux encore collés par le sommeil. Rassure-moi, tu n'as pas dormi sur cette chaise ?

— Salut la belle au bois dormant. Non ne t'inquiète pas, ils avaient installé un de ces gros coussins en notre absence. Et comme tu as pu le remarquer, ils sont trèèès confortable, ironisa-t-il.

De nouveaux habits nous attendaient. Adaptés au voyage cette fois-ci. Le tissu était toujours doux et confortables. Une fois prêts, nous nous laissâmes porter par l'odeur de nourriture qui flottait dans l'air.

— Certains des nôtres vont vous accompagner jusqu'à Epission, nous interpella le chef. Nous avons du commerce à y faire. Vous partez dans une heure.

Ash haussa un sourcil peu convaincu par cette explication. Pourtant, il ne tenta pas d'en savoir plus.

— Merci pour votre aide Marcheur.

Le chef acquiesça d'un mouvement de tête avant de tourner les talons.

A l'heure prévue, nous nous retrouvâmes avec trois hommes et deux femmes de la tribu. Ils étaient effectivement chargés, nous partions avec une charrette qui débordait. Des tissus, des tapis, des vêtements, de la peau. Voilà donc ce qui assurait la survie de ces gens. Il n'y avait là aucun produit de quelques cultures que ce soit, uniquement des produits manufacturés. Ash m'expliqua que c'était là leur plus grande renommée, et que la robe qu'ils m'avaient donné hier, et qui était dans mes maigres bagages, était d'une très grande valeur. Suite à ça, je m'étonnais qu'ils me l'aient offerte sans rien demander en échange.

Le trajet jusqu'à Epission se fit sans aucune embûche. Nos compagnons nous indiquèrent que les vols étaient très rare dans ce pays, qu'il y avait plus à craindre en se rapprochant de la ville. Leur compagnie était très agréable, la conversation légère. Erika était la plus bavarde, elle avait laissé derrière elle un petit garçon de 4 ans et son mari. Elle avait de grand talent en négociation et elle aimait baigner de temps en temps dans l'ambiance des grandes villes. Pour autant, toute cette agitation n'était pas pour elle sur du long terme. Elle aimait profondément ces terres désolées et inhospitalières.

Il nous fallut plusieurs jours pour atteindre la frontière, heureusement que nous étions tombés sur les nomades car je ne savais pas du tout comment j'aurais fait. Et dire qu'Ash m'avait dit que nous n'en avions que pour trois jours. Pff.

Je regrettais presque de ne pas avoir fait plus de sport auparavant. En plus des habits, ils m'avaient offert des chaussures. Je ne savais pas dans quelle matière elles étaient faites, mais je m'y sentais comme des pantoufles. Pas étonnant que leurs produits s'arrachent comme des petits pains !

Dès que nous sommes passés en Klonenys, de la végétation apparue. D'abord timidement, comme pour ne pas brusquer son voisin, puis de plus en plus foisonnant. J'étais impressionnée par ce changement. Nous étions maintenant à l'abri du soleil, de grandes étendues herbeuses jouxtaient des forêts aux arbres immenses. De temps en temps, nous voyions des cultures. Nous n'étions pas encore arrivés à la civilisation.

— C'est la même végétation que chez moi ? questionnais-je Ash.

— Globalement oui, tu as quand même quelques particularités, certaines plantes ne poussent qu'ici ou n'ont pas vraiment les mêmes dimensions que sur Terre. Tu verras sur les étals du marché.

Il rayonnait, comme si sa terre lui répondait et le magnifiait. On sentait son bonheur de rentrer chez lui après autant de temps loin des siens. Mon cœur se serra à cette pensée. Et moi ? Combien de temps passerais-je loin des miens ? Ces pensées ternirent ma soif de découverte.

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