Chapitre 14

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Dyrgate était complètement différente de la cité elfique. Ici, la plupart des maisons étaient basses, comme des habitations de pécheurs. Ça criait, s'interpellait, s'invectivait même. Des chansons grivoises résonnaient dans les rues. Les habitants étaient plus rustres, mais surtout plus avenant. Je demandais auprès d'une auberge correcte et on m'escorta même jusque là, sans rien attendre d'autre en retour qu'un simple merci.

Je pensais qu'il serait facile de trouver un Maître disposé à prendre un élève. Je n'aurais jamais imaginé le nombre de Doté souhaitant s'orienter vers la voie guerrière et présents sur ce site. Des échauffourées entre aspirants éclataient régulièrement. Apparemment, c'était une manière comme une autre de se faire remarquer. En bien ? Je ne savais pas. Enfin, ce que je savais c'est que je ne voulait pas tomber là dedans. Je ne pouvais pas les impressionner grâce à des talents guerriers car je n'en avais aucun. Je ne pouvais pas dévoiler trop de magie non plus au risque d'être identifiée.

Les jours passaient et je commençais à désespérer. Je tapais à de nombreuses portes. Vous imaginez une petite blonde en guerrière ? Eux non ... Je présentais ma candidature pour entrer à l'école sous un faux nom mais mon dossier fut refusé. Il fallait avoir ce fameux maître qui me manquait. J'espérai avoir une chance lors de rencontres Maîtres-Apprentis.

Ce moment me permis de rentrer pour la première fois dans l'école. Les lieux étaient majestueux, on sentait la force se dégager des murs, que c'était ici que se jouait de nombreuses alliances et complots qui régentaient une bonne partie du monde.

J'eu l'impression d'arriver à un speed-dating. « Alors salut moi c'est Elisabeth, appelle moi Ellie mon chou. 90B pour te servir » Non quand même pas mais je devais tout donner pour gagner une place. Surtout vu le monde qui était présent. Pour certains, on voyait qu'ils avaient ça dans le sang. D'autres, qu'ils estimaient que leur place était là, par leur naissance. Un jeune homme attira mon attention, il se faufilait dans la foule, totalement à son aise. On aurait dit un serpent, et son physique allait avec. Un sourire narquois ornait son visage.

Je ne devais pas être très douée pour me vendre. Aucun Maître ne s'intéressa à moi. Nous étions nombreux à repartir bredouille. Dépitée, je m'assis sur les marches à la sortie de l'école et me pris la tête entre les mains. J'en avais marra d'attendre ici, ce n'était peut être pas le meilleur lieu pour moi. Je devrait trouver un Maître sur la route. Je reviendrais sans doute tenter ma chance d'ici à quelques mois, quand j'aurais appris les leçons à la dure.

— Pourquoi tu cherches un Maître ?

Ne l'ayant pas entendu arriver, je sursautais. Je reconnu le serpent que j'avais repéré tout à l'heure.

— Pour devenir un Doté guerrier bien sur, rétorquais-je.

J'avais l'air d'être là pour un tennis ?

Un air narquois s'afficha sur son visage.

— Tssss. Ne me prends pas pour un imbécile, tu n'as rien d'une guerrière. C'est pour ça que personne ne t'a pris.

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. J'en avais ras le bol de ces jugements à la mord-moi-le-nœud.

— Tu ne me connais pas. Tu te prends pour qui à me parler comme ça ?

Ma voix pris un ton beaucoup plus rauque que ce que je pensais. Forte de mon découragement et de mon énervement, la Bête était proche de la surface.

— Oh mais c'est que le chaton se rebelle ! Tu m'intrigues. Vas voir Oregon de la part de Sylf. En sortant par la porte Est, prend le chemin qui part vers le Nord. Une fois arrivée à Aubernin, demande auprès de lui à la taverne. Ce n'est pas garanti qu'il sorte de suite de son trou mais il viendra te chercher. Nous nous reverrons chaton, tu as bien plus de griffes que tu ne le penses.

Sur ce, il se détourna et repartit se fondre dans la foule. Devais-je suivre ses indications ? Je décidais de tenter encore ma chance quelques jours dans cette ville.

Ces quelques jours supplémentaires furent tout aussi infructueux que les autres. En désespoir de cause, je décidais de suivre les conseils de Sylf. Je ne l'avais pas revu malgré le temps que j'avais passé à vadrouiller dans la ville.

Je me joignis à un groupe de voyageurs qui partait aussi dans cette direction. J'essayais d'en savoir plus sur ce fameux Oregon mais personne ne semblait le connaitre. J'espérais que ce n'était pas un vieil aigri tout perclus de rhumatismes et ne pouvant me former. Le voyage se passa rapidement. Nous eûmes de la chance de ne pas tomber sur les bandits qui erraient sur ces routes.

Aubernin était une charmante petite ville côtière entourée d'arbres et de forêts. La région était assez plate et l'endroit ne faisait pas exception. On voyait que c'était un village vivant essentiellement de la pêche et qu'il y avait très peu du commerce avec d'autres lieux lointains. Petite bourgade tranquille et peu habitée, je ne pouvais pas me tromper sur l'endroit dont me parlait Sylf, l'Hippocampe était la seule taverne de l'endroit. Je fis d'abord un peu le tour de la ville avant de m'y rendre, histoire de prendre un peu la température. Beaucoup me regardèrent d'un œil morne jusqu'à ce qu'ils remarquent que Shadow était un étalon de Brume. Je ne comprenais pas bien la fascination qu'il exerçait. C'est vrai qu'il était très endurant et magnifique mais je ne voyais pas ce qui le discernait de ses confrères équins.

Bien que servant aussi d'hôtel et ayant une écurie propre, l'Hippocampe était une taverne d'habitués. Entendons par là que la plupart étaient des ivrognes qui venaient boire leur pinte, enfin plutôt leurs pintes, avant de rentrer chez eux pour s'affaler à ronfler dans leur lit et rebelote le lendemain. J'eu droit à quelques regards concupiscent qui me firent frémir de dégoût. J'allais être servi si Oregon était l'un de ces poivrots ...

L'odeur de la cuisine était alléchante et mon estomac se mit à gargouiller. J'avisais une table libre pour m'y installer. Heureusement que j'avais pu faire apparaître un peu d'argent. Je n'en étais pas fière mais j'étais tellement à ma tâche de m'endurcir que je n'avais pas cherché à travailler. Plusieurs fois j'avais entendu des rumeurs sur ma recherche. Il m'avait aussi semblé repérer des gardes de la reine dans la foule. Était-ce réel ou est ce que je devenais parano ? Bonne question. Je préférais prendre mes précautions.

— Bonjour petite dame, que puis-je vous servir ? Aujourd'hui au menu, soupe de poisson et ragoût de mouton.

— Bonjour. Une soupe s'il vous plait avec une bière et ensuite un peu de ragoût.

— Je vous amène ça tout de suite.

Voyant que personne ne me portait attention, je me détendis au fond de mon siège. Je profitais de la chaleur de l'endroit et du brouhaha des conversations. Chacun était retourné à ses commérages et à son verre. Malgré le premier abord peu reluisant, je me sentais bien dans cet endroit.

— Et voilà !

Un gros morceau de pain bis accompagnait ma soupe. Elle avait l'air aussi bonne que ce que l'odeur laissait penser.

— Merci. Dites moi, est ce que vous savez où je peux trouver un certain Oregon s'il-vous-plait ? C'est Sylf qui m'envoie le voir.

A ces mots, toutes les conversations se turent et les regards convergèrent vers moi. Pourtant je n'avais pas parlé si fort que ça. Je restais comme un lapin pris sous les feux d'une voiture. On aurait dit que j'avais dit Voldemort à l'école des sorciers.

Le regard de la serveuse qui était jusque là chaleureux et plein de joie se fit soudain froid et distant.

— Saleté de Sylf encore, grogna-t-elle entre ses dents avant de reprendre un ton plus haut. Vous pouvez l'attendre ici, il vient quand ça lui chante.

— Euh, merci.

Elle eut un rire sans joie.

— Oh ma p'tite dame, vous ne me remercieriez pas si vous saviez dans quoi vous vous êtes embarquée.

Qu'est ce que j'avais encore fait ... Mes parents m'avaient bien répété de ne jamais suivre les inconnus, surtout quand ils portaient un imper et offraient des bonbons ... Là le bonbon c'était un maître guerrier, il ne restait plus qu'à espérer qu'il ne porte pas d'imper.

Les conversations reprirent autour de moi comme si rien ne s'était passé. Enfin presque. Régulièrement des regards interrogateurs se posaient sur moi. Seul l'un d'entre eux osa venir me voir. Il était brun, avec un physique passe partout pas désagréable à regarder. Il devait avoir dans les 40 ans.

— Vous lui voulez quoi à c'ui-là ?

— Bonjour. Je suis à la recherche d'un maître guerrier et Sylf m'a recommandé de venir le trouver.

— Sylf ... C't'enfoiré continue à faire des siennes même après s'êt' barré comme un voleur ... Tu l'connais comment?

Il commençait à me saouler avec ses questions. J'essayais de faire bonne figure. Je ne devais pas me planter, même s'ils essayaient de rester discrets, tous écoutaient notre conversation.

— Je l'ai à peine croisé à Drygate quand je cherchais à intégrer l'école des Ambusiens Guerriers.

— J'suppose que t'as trouvé personne vu qu't'es là. Pourquoi toi ? T'as rien d'une guerrière.

— Qu'est ce que j'en sais ? Je lui ai à peine parlé cinq minutes. En effet je n'ai pas la tête de l'emploi mais c'est comme ça, et pour être totalement honnête, je ne suis pas sure que ça vous regarde.

C'est à ce moment là que la serveuse se décida à intervenir.

— Charly ! Tu vas laisser les clients tranquille ou quoi !

Après un dernier regard, il ravala ses questions et retourna s'asseoir avec ses copains certainement pour débriefer de notre échange.

Je louais une chambre et repue, je m'effondrais sur mon lit. Je n'oubliais pas pour autant les règles élémentaires de prudence, c'est à dire d'appliquer une protection magique et mécanique à ma porte de chambre. Je me demandais combien de temps j'allais poiroter à attendre ce fameux Oregon. Une semaine passa sans qu'il ne vienne pointer le bout de son nez. Je désespérait mais Elysia, la serveuse, m'incita à attendre. En contrepartie de mes services et pour baisser un peu la note, j'aidais autant que je pouvais dans l'auberge. La fameuse corvée de vaisselle ou de patate ...

La deuxième semaine, une petite demoiselle fluette entra dans la taverne et toutes les conversations se turent. Elle avait une trentaine d'année, les cheveux noirs comme les plumes d'un corbeau et les yeux d'un vert saisissant. Il se dégageait d'elle une aura de danger. J'en frémis.

— Il parait que quelqu'un a demandé à voir Oregon ? Qu'est ce que me veut cet abruti ?

Elle fusillait la salle du regard, les poings sur les hanches. Personne ne bronchait et tous regardaient leur verre comme si c'était la chose la plus importante au monde.

J'hallucinais ma parole ! Oregon était en réalité une femme, de tout ce temps on m'avait laissé entendre que c'était un homme et non. Peu importait mais quand même. Pour autant, je sentais qu'elle avait beaucoup à m'apprendre, ne serait-ce par ce qu'elle dégageait.

— Hum, je me raclais légèrement la gorge avant de répondre. C'est moi. C'est Sylf qui m'envoie.

Je n'eu rien le temps de voir arriver qu'elle était déjà sur moi avec son couteau sous ma gorge.

— Ce bâtard ose t'envoyer à moi ? Mais t'es qui pour lui ? Une nouvelle maîtresse ?

Je me maîtrisais. Je n'étais pas sure d'avoir le dessus par rapport à sa technique et sa vivacité. Mes yeux avaient malgré tout viré au rouge.

— Tiens tiens, intéressant dites-donc. Je comprend mieux pourquoi il s'est enfin rappelé de moi. Dis m'en un peu plus.

Elle avait le sourire du chat d'Alice au pays des merveilles quand elle me relâcha, pas vraiment encourageant tout ça. Je n'étais plus très sure de moi là.

— Je cherchais un Maître guerrier et il m'a orienté vers vous. J'ai besoin de devenir plus forte, c'est vital.

— Hummm, je ne sais pas. Tu as quoi à m'apporter ?

Elle me regardais pensivement, comme si elle allait me disséquer grâce à ses yeux. Je déglutis péniblement.

— Je peux vous aider pour beaucoup de tâches ! Je suis courageuse et volontaire !

— Moui, bon après tout je n'ai rien à perdre, ça mettra un peu de piment dans ma morne existence, ironisa-t-elle. En route mauvaise troupe ! Ne traîne pas je t'attends devant.

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