Verser le sang des innocents

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Louise
L'après-midi du 2 mars

Ces journées me sont dorénavant insoutenables, cela me dévore de l'intérieur de voir impuissante toutes ces horreurs. La Syrie est ravagée, par la pauvreté et les hurlements d'agonie, d'un peuple souffrant de ces combats qui n'en finissent plus. Je ne réussis pas à m'expliquer ce qui se déroule sur ce territoire. Comment le dirigeant du régime syrien peut-il massacrer son propre peuple avec la complicité de la Russie, sans qu'aucune
soi-disant puissance mondiale comme la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les États-Unis et d'autres ne se décident à agir concrètement.

La seule prétendue priorité de ces dirigeants démocratiques est de détruire l'État islamique avec l'aide de la dictature syrienne, cette organisation intégriste qui souhaite imposer sa religion par tous les moyens, dont la création ne semble d'ailleurs pas si indépendante de l'Occident. Le gendarme américain du monde ne se trouve être qu'un influent imposteur, ayant pour seuls objectifs ses propres intérêts, au risque de créer des conflits armés ou protéger des dictateurs voire pires encore.

Tandis que mon propre pays, la France, me paraît bien silencieux face aux drames humanitaires, ses idéaux n’égalent sûrement pas sa lâcheté. La Russie fournit des ressources très utiles à de nombreux pays comme le mien, cela vaut bien de fermer les yeux sur la mort d'enfants, d'hommes et de femmes réclamant simplement le droit de pouvoir voter et s'exprimer pleinement. L'étymologie de démocratie me semble être dêmos et kratos, c'est-à-dire le peuple et le pouvoir. Ces pays ont rapidement fait d'oublier le premier mot fondateur de la vision démocratique, il ne reste alors que des jeux de pouvoirs entre ceux qui le détiennent. Le peuple étant relégué loin des priorités de nos chers élus, président, ministres, députés, sénateurs... à travers le monde. Par contre, le peuple a la chance de bénéficier des manipulations d'une autre forme d'extrémisme, à la fois semblable et opposé aux terroristes islamistes, ces personnes qui ne cessent de lui répéter que la présence des réfugiés syriens dans leur pays est responsable de leur ennui. C'est si commun de constater que de puissants individus, motivés juste par l'argent et le pouvoir, manient à la perfection un peuple bafoué et divisent pour mieux régner comme on le dit si bien. Une novlangue politique accompagne évidemment chacun de leurs discours : la paix, c'est la guerre ou encore la démocratie, c'est moins de libertés politiques et sociales.

L'absence de ma fille se transforme peu à peu en véritable calvaire, néanmoins mon rôle de reporter est capitale pour informer les gens, alors que des personnes osent prétendre l'innocence du régime syrien. Heureusement, la présence de l'homme de ma vie me dispense de davantage de solitude et m'octroie du réconfort. Il prodigue en ce moment même des soins à un enfant blessé par un bombardement russe, pendant que sa mère supplie le seigneur d'arrêter de verser le sang d'innocents et de sauver son fils. Il paraît avoir oublié mon anniversaire, vu la situation, je ne lui en tiens pas rigueur. Cette courte sieste a une nouvelle fois été un moment de réflexion pour moi, depuis 3 jours, je n'ai pu fermer les yeux.

Soudain, les cris tonitruants d'une foule se précipitent vers nous, les avions russes vont bombarder les lieux. En quelques secondes, je me retrouve emporter par ces personnes vers l'hôpital. Je perds de vue la position de mon amour, je le cherche désespérément dans tout l'hôpital durant ce bain de sang. Je m'engouffre à l'intérieur de cette boucherie, les membres d'hommes et de femmes sont éparpillés autour de moi, alors que leurs restes gisent sur le sol au côté du sien. Je me jette sur ce qu'il lui reste de corps, je hurle qu'on lui vienne en aide. Mes cris ne font que se perdre dans ce sinistre paysage, et se mélangent aux autres lamentations. Dans un dernier geste d'affection et de vie, il me caresse la joue et de son unique main me tend une bague. Ses dernières paroles me bouleversent : bon anniversaire ma Louise... Maman ? Maman !?

Je sors de mon rêve en sursaut. Cela va faire maintenant trois ans qu'il m'a quittés. Cette bague à mon doigt me remémore, que j'aurais pu devenir sa femme ce jour-là, et que je n'ai depuis pas fêté mon anniversaire. Ma fille m'annonce que mon amie Aurora m'attend au salon pour m'informer de quelque chose d'important.

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