Le droit de déserter

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Cassiopée

La soirée du 2 mars


Tout est moyen à essayer de me convaincre, ne pourra-t-il pas comprendre un jour que je ne souhaite pas porter d'enfant ? Du plus loin, que je m'en souvienne, la perspective d'être mère ne m'a jamais enchanté, particulièrement au moment de l'adolescence. L'entêtement de ma mère, là-dessus, en disait long sur son désaccord avec mes envies futures. Je sais pertinemment que son silence sur le sujet, depuis seulement quelque temps, est une traduction de sa résignation à avoir des petits enfants.

Son dernier espoir semble être que mon chéri réussisse à me persuader du contraire, mais elle connaît bien mon caractère. Je suis libre de mon corps, ce n'est pas lui qui aurait un ventre de baleine pendant neuf mois, et ensuite, il ne passera pas des heures à hurler, afin d'enfin accoucher. De toute façon, les hommes supposent souvent qu'une grossesse constitue une promenade de santé. Quand il ose me sortir : "des millions de femmes l'ont fait, ce n'est pas difficile", mon regard suffit à lui faire ravaler ses paroles.

Si les hommes abriteraient le bébé dans leur corps, je jure qu'il réfléchirait à deux fois avant de parler de miracle de la vie. Naturellement, la femme doit effectivement se coltiner la sale besogne, et subit la contrainte de la presque obligation de concevoir. En plus, certaines personnes te lâchent de ces mots tellement exaspérants comme lorsque son frère lui a affirmé qu'il va falloir que je me dépêche de tomber enceinte, car je ne suis pas toute jeune. La classe internationale !

Le seul soutien sur lequel je peux compter est celui de ma belle-mère. Cette dame soigne parfois son style, plus que de raison, elle possède une exigence et une fermeté qui blessent fréquemment ses proches. Néanmoins, elle s'avère toujours emprunte de bonnes intentions à mon égard. Elle n'a pas élevé ses enfants, préférant laisser ce rôle à son époux et se concentrer sur sa carrière de styliste. Elle estime qu'un des deux parents doit tenir le foyer, ce qui ne sera pas le cas de son fils ni de moi, dont les parcours professionnels sont trop importants. De ce fait, elle ne comprend pas l'intérêt d'avoir un enfant, alors qu'aucun de nous ne s'en occupera à temps plein. J'espère que nos récentes grosses disputes sur cela, n'affectent pas notre couple, et qu'il ne se profile pas une séparation, je l'aime plus que tout.

Tout d'un coup, il s'approche de ma personne, me prend la main et l'amène contre son cœur, ce geste à lui seul suffit à me rassurer. Ce geste est suivi de quelques mots : "c'est fini Cassioppée, je te porterai toute ma vie un profond amour qui ne sera jamais comparable au tien." Il quitte la pièce, et m'abandonne dans notre appartement, notre chambre, notre lit... Je n'arrive plus à respirer, les larmes tombe encore et encore aux creux de mes joues. Je ressens un mélange d'amour, de colère et de tristesse.

Les paroles d'un Boris Vian, qui dénonce les atrocités de la guerre, et réclame le droit de déserter me sortent de mon tourment. Boris Vian ne vient certainement pas de ressusciter, mon téléphone est juste en train de sonner. Louise au bout du fil me prévient de la rejoindre immédiatement dans sa voiture, ce que je fais très rapidement. L'instant d'après, je suis à ses côtés, je lui cache la vérité sur mon couple au regard de ses propres souffrances. Je ne lui souhaite pas joyeux anniversaire, ce jour coïncide avec un sombre événement qui a bouleversé sa vie. Je mesure l'ironie tragique de la situation, elle pleure la mort de son mari, tandis que je déplore la fin de mon histoire avec mon grand amour. Je me lasse de cette affaire concernant Antoine, surtout que je ne me sens pas en état de découvrir la vérité sur tout cela, je me force à venir, afin d'éviter de passer pour une insensible. J'opte pour divers sujets de discussion plus futiles les uns que les autres.

Nous nous approchons d'un immeuble isolé, où une personne serait retenue, selon l'amie et informatrice de Louise, Aurora. Cette dernière octroie d'ailleurs à peine le temps à Louise de se garer, qu'elle se précipite à l'intérieur du bâtiment. Nous lui emboîtons le pas, jusqu'à la surprendre en train d'électrocuter par surprise un homme de main au taser. Nous défonçons alors toutes les trois la porte qu'il surveillait, et nous retrouvons Elia avec un porte manteau prête à nous assommer. Elle se jette dans mes bras, sûrement, car je suis la plus près d'elle. Elia n'a jamais agi de la sorte depuis que je la connais, ce comportement ne lui correspond absolument pas. Je la questionne dès lors doucement sur Antoine. Brutalement, elle me murmure de sa voix plaintive : "Antoine nous a quitté Cassiopée, il ne reviendra pas, désolé."

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