Une lueur de conscience

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Mickaël

La fin de matinée du 2 mars


Son air plein de compassion suffit à me donner le courage de continuer à lui raconter mon histoire. J'accentue la gravité de cette conversation, lorsque je lui apprends, que j'ai récupéré des documents portant sur l'assassinat de ma mère dans ce bureau ce jour-là.

Isabelle a été aidée d'un tueur à gages, réputé pour sa capacité à se transformer en un funeste destin, auquel ses victimes ne peuvent échapper. D'où cet aléa jacta marqué sur ces étranges factures comme unique signe de son passage. La corruption facile du maire, lui a permis d'aller au bout de son projet afin d'ôter la vie à ma mère. Elle se pensait si invincible, qu'elle gardait toutes les preuves qu'il l'incriminait, comme le souvenir du succès de l'entreprise de son sororicide. J'ai pris la décision lâche de faire semblant de ne rien avoir vu, et j'ai rangé tous les dossiers à leur place.

Lors des mois qui ont suivi, je me suis concentré sur mes études, mais davantage sur Ayano Shiraishi. Ayano était une beauté d'un mètre soixante-seize, ses cheveux ondulés en cascade sur sa poitrine laissaient entrevoir ses généreux seins. J'étais âgé de trois ans de moins qu'elle, son expérience m'apportait une réelle satisfaction dans nos moments intimes. Cela ressemblait plus à une simple amourette qu'au grand amour, mais la jeunesse m'a aveuglé sur la situation. Notre liaison était approuvée par nos deux familles respectives, ils voyaient en celle-ci une perspective de lier nos familles par un mariage. L'idée de sceller notre amour plus tard me convenait clairement, mais nos ébats amoureux ne l’ont pas contenté.

Je suis rentré une nuit chez ma tante Isabelle, alors que je dormais normalement chez un ami. Je ne mesurais pas l'importance de cet acte. J'ai surpris Isabelle en position importune sous la robe d’Ayano. Je percevais en cette femme la bête qui m'avait dérobé ma chère mère, et l'abjecte dévergondée qui forniquait avec ma femme et plus encore. Je la tenais responsable de toutes les souffrances qui me rongeaient, même celles pour lesquelles elles ne semblaient être pour rien. Ayano m'avait permis de m'évader de ce monde et d'oublier tous mes souvenirs atroces, jusqu'à ce qu'Isabelle la prenne sur la table de la salle à manger. J'ai été pris d'une fureur monstrueuse et sans égal, j'ai attrapé le couteau sur la table, et j'ai poignardé une dizaine de fois Isabelle. Malheureusement, sur le coup de la colère, j'ai aussi éjecté mortellement Ayano contre le mur, elle avait tenté de s'interposer de manière à protéger Isabelle. Ma famille a couvert mes crimes dans cette histoire, il paraissait très heureux de se débarrasser de la déviante de plus en plus embarrassante.

Je viens récemment de connaître l'enfance d'Isabelle, sa mère Rose n'a jamais supporté son homosexualité. Elle là forçait à effectuer des stages catholiques de "guérison" ou s'autorisait à la fustiger à cause de ces romances. Ma mère s'est continuellement demandée, quelles étaient les raisons des voyages constants de sa jeune sœur, mais on lui répondait une grave maladie et que cela était une affaire d'adultes. Isabelle revenait de plus en plus atteinte de ses thérapies alternatives, qui n'auront fait que faire disparaître sa conscience et ce qu'elle avait été. Ma mère n'a rien compris des comportements de sa sœur, tantôt révoltée et fugueuse tantôt froide et dévastée de ces séjours, elle ne se méfiait pas de sa famille. Pourtant, l'adolescence a métamorphosé ma mère, qui s'est mise à fuir le plus loin possible sa détestable famille aristocratique et indirectement sa sœur. Elle en a tant voulu à ma mère de ne pas lui apporter du réconfort, de ne pas avoir été sa grande sœur et de l'abandonner à eux. Ce cercle vicieux enfermait à l'époque ma mère, elle n'a jamais perçu la profondeur de la souffrance d'Isabelle. Lorsqu'elle l'a revu plus tard à l'enterrement de leur père, plus une once de sa sœur ne restait, Isabelle était habillée et se comportait comme la copie conforme de Rose. La mort de ma grand-mère, il y a de cela quelques années, permit l'éclatement d'une lueur de conscience chez Isabelle et l'espoir de dévoiler toute son histoire à ma mère, telle une ultime bouée de sauvetage jetée à la mer de ses tourments. Isabelle découvrit le fossé qui s'était créé avec sa sœur, et une dispute en apparence futile en découla, où ma mère sans le savoir lui asséna une insulte lourde de signification : "tu es malade Isabelle et comme notre mère". Tout fut fini dès lors, et cette lueur étouffée ne ressurgit plus. Isabelle demeure quelque part une victime d'une mère, qui faisait passer ses ignobles morales chrétiennes, avant le bonheur de sa fille. Aujourd'hui, je lui pardonne tout ce qu'elle a pu me faire tout comme je pardonne mon père.

Je finis par tout lui raconter sur Elia, et donc le fait qu'elle soit en ce moment en captivité. Célia enlève sa tête de mes épaules tremblantes, et exige que j'arrête avec tous ces mensonges, je dois tout remettre à une journaliste se prénommant Louise. Elle compatit tellement concernant ma triste destinée, mais dorénavant, il faut que justice soit faite sur les crimes de ma famille et les miens. Elle me gifle ensuite, je comprends par ce geste qu'elle veut me faire savoir, que j'ai intérêt à ne plus toucher à Elia. Elle m'ordonne de me presser d'aller chercher mon véhicule, elle veut impérativement libérer son amie. Ce n'est certainement pas en séquestrant Elia dans mon appartement, qu'elle va se livrer sur la cause de sa présence dans ma maison de toute manière. Célia a entièrement raison sur ce point, ma façon d'agir insensée envers Elia clôt la discussion. En mon for intérieur, je suis sceptique sur la certitude que Célia puisse encore m'aimer, même si je préserve un soupçon d'espoir. De toute façon, ses seules pensées se tournent en ce moment vers Elia.



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